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LcNon classifié(e)

2022/12/24 – Lc 1, 67-79

By 2024-01-04No Comments

Pour nous préparer à la fête de Noël, la liturgie nous présente le père de Jean Baptiste, ébloui devant l’enfant que le Seigneur lui a donné. Ce fils inespéré inonde de joie ses parents, car Dieu l’envoie en qualité de prophète, celui qui préparera la voie au Christ, le Sauveur du monde.

La mère de Jésus avait proclamé son action de grâce, le Magnificat, après avoir entendu la louange d’Élisabeth :  » Bienheureuse toi qui as cru ! » (Lc 1, 45). Cette foi de Marie contraste avec le refus de croire qu’opposait Zacharie à l’annonce de l’ange. En ne croyant pas, Zacharie s’est enfermé en lui-même, au lieu de s’ouvrir au Seigneur et à sa promesse. Aussi il devient muet, ne pouvant communiquer, prisonnier de son doute. « Tu n’as pas cru à mes paroles », lui dit l’ange du Seigneur, « c’est pourquoi tu vas devenir muet » (Lc 1, 20).

Mais le Seigneur miséricordieux réalise toujours sa promesse, c’est-à-dire la naissance de cet enfant, en dépit du doute de son père. Devant cette prévenance de Dieu qui lui pardonne sa faute, Zacharie retrouve l’usage de la parole pour louer le Seigneur, qui vient au secours de son peuple. Cette louange et celle du Magnificat de Marie auréolent la venue de Jean et de Jésus dans un climat d’action de grâce.

La stérilité des parents de Jean et leur âge avancé manifestaient leur impuissance à transmettre la vie. C’est dans cette pauvreté qui causait la « honte » d’Élisabeth (Lc 1,25) que la toute-puissance de Dieu se révèle. La réalisation de la promesse est donc un don gratuit. L’Esprit Saint est la source de ce don, et c’est lui qui inspire tout émerveillement devant les bienfaits de Dieu et tout remerciement qu’on lui adresse.

Le chant de Zacharie loue le Seigneur pour son intervention en faveur du peuple qu’il délivre par le Messie, descendant du roi David. Les prophètes avaient annoncé cette visite libératrice qui révèle sa fidélité à son Alliance. Cette libération procure au peuple la communion à son Seigneur dans son service de la prière et du culte liturgique. Dans la seconde partie de son chant, Zacharie annonce la mission de son fils, qui préparera le peuple à accueillir le Messie, celui qui le sauvera des ténèbres de la mort pour jouir de la lumière de la vie.

Le thème central de l’hymne que prononce Zacharie sous l’inspiration de l’Esprit est la fidélité miséricordieuse du Seigneur à son Alliance, en dépit des doutes et des infidélités de son peuple. Les verbes « il a visité…il a délivré…il a suscité » sont au parfait, qui exprime, en grec, une action passée dont l’effet continue dans le moment présent. Le Seigneur continue encore d’intervenir au temps de Zacharie en « visitant » son peuple. La « visite » est un thème répandu dans la Bible signifiant que Dieu est présent pour sauver son peuple. Après la résurrection du fils de la veuve de Naïm, les témoins du miracle s’écrieront : « Dieu a visité son peuple » (Luc 7,16).

La visite de Dieu s’incarnera, à l’époque de Zacharie, dans la venue du Messie, qui réalisera « la libération de son peuple ».  Cet accomplissement du salut se rattache à une longue série d’annonces prophétiques, depuis longtemps (v.70). La prophétie de Nathan remonte au 11e siècle av.J.C. Les prophètes sont saints, parce que Dieu, le Saint, parle par leur bouche, qu’il agit par eux et habite en eux. Aussi la parole prophétique est efficace, elle suscite toujours un sursaut dans l’histoire.

Le titre « Messie » en hébreu, ou « Christ » en grec, désigne celui qui a reçu l’onction, cette marque signifiante qu’il est le représentant de Dieu, qui l’envoie et le protège. Celui qui était l’Oint du Seigneur selon la tradition d’Israël était le roi, et, plus spécialement David, le plus prestigieux des monarques d’Israël. La promesse du Seigneur, transmise par le prophète Nathan (2 Sam 7, 12ss) garantissait que la dynastie de David serait perpétuelle. Les prophètes avaient régulièrement rappelé cette promesse (Is 11,1ss ; Jér 33, 14ss), pour renouveler l’espérance du peuple.

Le Messie apparaîtra comme un puissant Sauveur (litt. une corne de salut, cet antique symbole de la force du boeuf). La prière du Ps 18, 3s a pu inspirer Zacharie : Le Seigneur est mon libérateur…Je m’abrite en lui, mon rocher, mon bouclier et ma corne de salut…J’invoque le Seigneur et je suis sauvé de mes ennemis. La mère du prophète Samuel, Anne, reprenait déjà la même image, en l’appliquant au médiateur de Dieu, le roi : Le Seigneur donne la force à son roi, il exalte la corne de son Oint (1 Sam 2,10).

La visite de Dieu consiste régulièrement dans la délivrance de l’esclavage imposé par les ennemis. Cette libération dans l’histoire d’Israël est à première vue d’ordre politique. « Nos ennemis », mentionnés par deux fois ici, selon l’expression traditionnelle (vv. 71 et 74), manifestent que l’espérance juive visait d’abord la libération d’une servitude politique, image d’une libération plus profonde. Mais le Christ Jésus se défendra sans cesse contre une telle dérive politique visant les Romains oppresseurs. Zacharie pressent déjà que cette libération par le Messie atteindra la détresse morale du peuple et de l’humanité, par le pardon des péchés (v.77) et pour diriger nos pas sur le chemin de la paix (v.79).

Cette libération des ennemis, des péchés et de toute forme de mal qui détruit, n’est que la première étape du salut, une condition négative pour que le but positif, essentiel, de la rédemption se réalise. La vie du peuple libéré par le Messie se présente comme un service sacerdotal (Ex 19,6; 1 Pt 2,5), un culte, auréolé par la justice, cet accord avec la volonté divine, et par la sainteté, qui consacre la personne humaine unie dans l’alliance à son Seigneur. Il le servira sans peur, en pleine confiance (vv.74s).

Pour décrire la vocation de son fils, Zacharie associe deux textes prophétiques. Vers la fin de l’exil à Babylone, Isaïe (40,3) exhortait le peuple : « Préparez dans le désert une route pour le Seigneur », qui vous ramènera dans votre patrie, à Jérusalem. Pour préparer ce retour en grâce. Dieu enverra son ange : « Je vais envoyer…mon messager, pour qu’il déblaie un chemin devant ma face » (Mal 3,1). Zacharie rappelle ainsi les paroles que l’ange lui avait dites dans le temple (1, 16-18).

Cette préparation de la venue du Christ par Jean consistera dans la proclamation du salut tout proche, auquel le peuple adhérera de tout son coeur. La connaissance, cette participation au salut, suppose une première étape, la conversion et le pardon des péchés (v.77). Le pardon de ces offenses à Dieu découle de sa miséricorde, source ultime du salut de l’humanité. Le soleil levant, cette lumière qui vient de l’Orient, symbolise le Messie qui apporte le salut: « Pour vous qui craignez mon Nom, le soleil de justice brillera, avec le salut dans ses rayons » (Mal 3, 20). Zacharie croit fermement que Dieu visitera son peuple par son Messie, mais il ne sait ni le moment, ni le genre de cette visite. Ayant attribué la rémission des péchés au Précurseur, il entrevoit son intervention sous les images de la lumière (Is 9,1) et de la paix (Is 11,1-9) pour réunir l’homme à son Dieu et, par là, établir la paix universelle.

Dieu ne se dément jamais après avoir promis : telle est la conviction ancrée au coeur du croyant ! Cependant il a nettement conscience de s’être blessé à mort en se séparant de Dieu par son péché. Aussi son espérance s’appuie uniquement sur la fidélité de son Seigneur et sur sa miséricorde. Cette conscience de la déchéance de Zacharie dans le péché correspond au sentiment de pauvreté exprimé par Marie dans le Magnificat. Dans son Sermon inaugural (Mt 5, 3; Lc 6,20), Jésus placera cette béatitude au début, en exergue, parce qu’elle est fondamentale.

Jean-Louis D’Aragon SJ

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