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2023/12/30 – Lc 2, 36-40

Lors de la présentation de Jésus au temple, le vieillard Syméon, un homme juste et pieux, l’a accueilli et il a prononcé son chant d’action de grâce. Luc ajoute maintenant le témoignage d’une femme de quatre vingt quatre ans qui est une prophète et qui servait Dieu par ses prières au temple. Elle loue Dieu et parle de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. Les parents retournent ensuite à Nazareth où Jésus grandit, rempli de sagesse et de la grâce de Dieu.

Pour Luc, la présentation de Jésus au temple est importante. C’est une nouvelle présence de Dieu qui réalise la prophétie de Malachie : Voici que je vais envoyer mon messager pour qu’il fraye un chemin devant moi. Et soudain il entrera dans son sanctuaire le Seigneur que vous cherchez. (Mal.3,1)

Depuis l’Annonciation, la présence de l’Esprit Saint s’est manifestée plusieurs fois. Elle se manifeste de nouveau pour le vieillard Syméon, un homme juste et pieux qui attendait la consolation d’Israël et l’Esprit Saint reposait sur lui. Il vint au Temple poussé par l’Esprit au moment où Marie arrivait avec son petit enfant et il le reçut dans ses bras. Il fait ensuite sa prière de louange au Seigneur.

Syméon n’est pas un membre du personnel du Temple. Il n’y en a aucun de mentionné d’ailleurs pour accueillir l’enfant Jésus. Luc ajoute un autre personnage pour faire cet accueil, Anne, une prophète qui était assidue à servir Dieu dans la prière au Temple. Elle survient elle aussi juste à ce moment: elle loue Dieu. Luc ajoute qu’elle parlait de l’enfant à tous ceux qui attendait la délivrance de Jérusalem c’est-à-dire à tous ceux qui étaient ouverts à la venue du Messie. Elle joue ainsi le rôle d’une disciple missionnaire. Luc soulignera dans son évangile les présences féminines parmi ceux qui suivaient Jésus. Ce seront des femmes aussi qui viendront annoncer la résurrection aux apôtres et Luc donnera même leur nom: Marie de Magdala, Jeanne et Marie, mère de Jacques.

Luc conclut l’évangile de l’enfance en mentionnant le retour à Nazareth et la croissance normale de Jésus, rempli de sagesse et de la grâce de Dieu.

Jean Gobeil SJ

2023/12/29 – Lc 2, 22-35

Les parents de Jésus vont au temple pour offrir le sacrifice qui représente le rachat de l’enfant: comme tout premier-né, il doit être consacré au Seigneur. Syméon, un homme juste et religieux qui attendait la Consolation d’Israël, vient au temple poussé par l’Esprit. Il prend l’enfant dans ses bras et prononce une bénédiction: Mes yeux ont vu le salut préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les nations païennes et gloire d’Israël ton peuple. Il bénit les parents et prédit qu’il sera un signe de division. Anne, une femme prophète, à son tour proclamait les louanges de Dieu et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance d’Israël. Après avoir rempli tout ce que demandait la Loi, les parents retournèrent à Nazareth. Et l’enfant grandissait en sagesse.

La scène veut montrer la réalisation de ce qui a été préparé dans l’histoire d’Israël. Le texte commence en disant littéralement: Quand furent accomplis les jours…. C’est une formule ordinairement pour parler d’un moment du plan de Dieu qui est arrivé: c’est l’aujourd’hui de Dieu dont parle l’épître aux Hébreux (3,13). S’accomplit maintenant ce que le prophète Malachie annonçait dans la première lecture : Soudain viendra dans son temple le Seigneur que vous cherchez.
Le temple a toujours représenté la présence de Dieu dans l’histoire d’Israël. On savait bien que Dieu ne pouvait être contenu dans le temple mais on avait quand même là un accès à sa présence.

Comme disait le Psaume 18 :

Vers mon Dieu je lançai mon cri ;

il entendit de son temple ma voix et mon cri parvint à ses oreilles.

Mais c’est d’une nouvelle présence dont parle le prophète Malachie et que le vieillard Syméon appelle la Consolation d’Israël. Ces deux personnages, Syméon, un homme juste et pieux, et la prophétesse Anne, qui étaient assidus à la prière au temple, représentent ceux qui étaient humbles et fidèles à cette attente. Avec la présence de Jésus au temple, l’Esprit Saint commence à agir: c’est lui qui pousse Syméon au temple à ce moment précis.

Il y a un autre trait qui souligne le lien avec l’histoire d’Israël et le plan de Dieu. Par trois fois est mentionné le fait que les parents de Jésus agissent par fidélité à la Loi de Moïse. Ils observent le temps fixé par la Loi et viennent accomplir deux rites prescrits par cette Loi: la purification de la mère et le rachat du premier-né. Il ne s’agit pas de la Loi telle qu’expliquée par les Pharisiens mais bien de cette Loi qui représentait la réponse du peuple de Dieu à l’Alliance qu’il lui avait offerte.

C’est cette nouvelle présence de Dieu qui sera caractérisée par la présence de l’Esprit Saint, comme nous le montrent les premiers chrétiens dans le livre des Actes.

La présentation de l’enfant au temple représente donc la réalisation de cette attente.

Jean Gobeil SJ

2023/12/28 – Mt 2, 13-18

Après la visite des Mages à Bethléem, l’Ange du Seigneur apparut à Joseph dans un rêve et lui dit : « Debout, prends avec toi l’enfant et sa mère et fuis en Égypte ; restes-y jusqu’à ce que je te dise de revenir. Car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire mourir. » 14 Joseph se leva donc, prit avec lui l’enfant et sa mère, en pleine nuit, et se réfugia en Égypte. 15 Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode. Cela arriva afin que se réalise ce que le Seigneur avait dit par le prophète : « J’ai appelé mon fils à sortir d’Égypte. » 16 Quand Hérode se rendit compte que les savants l’avaient trompé, il entra dans une grande colère. Il donna l’ordre de tuer, à Bethléem et dans les environs, tous les garçons de moins de deux ans. Cette limite d’âge correspondait aux indications que les savants lui avaient données. 17 Alors se réalisa ce qu’avait déclaré le prophète Jérémie : 18 « On a entendu une plainte à Rama des pleurs et de grandes lamentations. C’est Rachel qui pleure ses enfants,
 elle ne veut pas être consolée, car ils sont morts. »

Dans notre humanité corrompue par le péché, l’injustice et la violence, ce sont les êtres les plus fragiles qui sont les victimes. Pensons aux enfants devenus soldats malgré eux, qu’on oblige à tuer et… à se faire tuer, à ceux qui doivent travailler dans des conditions révoltantes,… Le monde ancien n’était pas meilleur que le nôtre, il écrasait les enfants d’une manière encore plus cruelle. Quand on ne s’en était pas débarrassé avant leur naissance, on les abandonnait souvent. Chez les Romains, la coutume voulait qu’on dépose l’enfant nouveau-né sur les genoux de son père, qui décidait si son enfant vivrait ou non.
Dans cette veine de la violence et de la cruauté, Hérode dépassait les tyrans de son époque. Comme tous les ambitieux, il était hanté par le soupçon et il éliminait sans hésitation toutes les personnes qu’il soupçonnait, même celles qui lui étaient les plus proches. C’est ainsi qu’il fit exécuter sa belle-mère, son épouse et trois de ses fils. Pour l’évangéliste Matthieu, Hérode réincarne le terrible pharaon, qui, au temps de Moïse, voulait exterminer, par un génocide programmé, tous les enfants mâles des Juifs.
Consultées par Hérode, les autorités juives avaient indiqué exactement le lieu où le Messie devait naître, mais personne d’entre eux ne s’est déplacé. Ce sont des étrangers, les Mages, qui ont cru et qui ont manifesté leur foi par leur démarche. Ces autorités juives, associées ici à Hérode, préfigurent celles qui rejetteront et condamneront à la crucifixion le Christ Jésus.
Les enfants de Bethléem, massacrés par Hérode, nous rappellent les bébés juifs que le pharaon noyait dans le Nil. Pourquoi célèbre-t-on leur sainteté, alors qu’ils étaient ni conscients, ni libres pour croire en Dieu et en son Envoyé? Très tôt, la piété populaire, confirmée par l’Église, a célébré leur mémoire en les déclarant « Saints Innocents. » Nous oublions trop facilement que nous ne sommes pas des êtres isolés, indépendants, repliés sur nous-mêmes. Ces enfants se rattachaient inconsciemment au Sauveur qui venait de naître parmi eux. Ils étaient solidaires, associés au Christ Jésus, et participaient par avance à sa passion.
En dépit de ce stratagème d’Hérode et de ce massacre répugnant, la cruauté de la violence et de la haine n’aura jamais le dernier mot. La sagesse et l’amour de Dieu l’emportent toujours sur la force brutale. Par son ange, Dieu déjoue le stratagème du tyran. Il ordonne à Joseph de partir avec « l’enfant et sa mère » pour l’Égypte, la terre traditionnelle des réfugiés. Mais il ne lui donne pas d’autres précisions, sur l’endroit exact de son séjour et sur le temps de cet exil. Joseph ne pose pas de questions, il obéit, modèle de disponibilité, qui accomplit exactement ce que l’ange lui a ordonné. Le salut dépend toujours de cette parfaite confiance dans le plan mystérieux de Dieu.
À son retour d’Égypte, Jésus réactualise l’Exode de son peuple, que Dieu a délivré de la terre de l’esclavage, pour l’orienter à travers le désert vers la liberté, vers la Terre promise. Dans cette citation du prophète Osée (11,1), le Seigneur prend son peuple près de lui et lui donne le titre de « Mon Fils ». En appliquant cette déclaration divine à Jésus, Matthieu veut signifier que le Christ est le peuple de Dieu, qu’il l’incorpore en lui, pour cheminer avec lui vers la Terre promise, la terre de la liberté, de la vie et du bonheur.
En conclusion, Matthieu rappelle la prophétie du prophète Jérémie (31,15), qui décrit la tragédie des Juifs exilés à Babylone, sur lesquels leur mère, Rachel, se lamente. Jésus prend sur lui toutes les misères, toutes les souffrances, celles des exilés et celles des mères éprouvées par la violence et la cruauté. Les mères des « Saints Innocents » et toutes celles et ceux qui ont mis leur confiance en Dieu semblent écrasés et vaincus par les violents, comme le Christ condamné et exécuté. Mais la réponse de Dieu éclatera dans la résurrection de Jésus, qui prouvera que son amour n’est jamais vaincu. Les exilés de Babylone et tous ceux qui gisent loin de Dieu reviendront dans la Terre, dans la patrie qu’il leur avait promise.
Jean-Louis D’Aragon SJ

 

 

2023/12/27 – Jn 20, 2-8

Le matin de Pâques, Marie Madeleine courut trouver Simon Pierre et l’autre disciple, celui qu’aimait Jésus, et leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. » 3 Pierre et l’autre disciple partirent et se rendirent au tombeau. 4 Ils couraient tous les deux ; mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. 5 Il se baissa pour regarder et vit les bandes de lin posées à terre, mais il n’entra pas. 6 Simon Pierre, qui le suivait, arriva à son tour et entra dans le tombeau. Il vit les bandes de lin posées à terre 7 et aussi le linge qui avait recouvert la tête de Jésus ; ce linge n’était pas avec les bandes de lin, mais il était enroulé à part, à une autre place. 8 Alors, l’autre disciple, celui qui était arrivé le premier au tombeau, entra aussi. Il vit et il crut.

Pour commémorer l’apôtre Jean, la liturgie nous présente aujourd’hui le disciple bien aimé de Jésus, qui accompagne Simon-Pierre au sépulcre de Jésus. Très tôt, la tradition de l’Église a identifié ce disciple avec l’apôtre Jean, l’auteur du quatrième Évangile. Dans le présent passage, il apparaît supérieur à Pierre, parvenant le premier au tombeau de Jésus et il est le premier qui croit à la résurrection, alors qu’on ne dit rien de la foi de Pierre.
Après le sabbat, Marie se rend très tôt au tombeau, entre trois et six heures du matin. Elle ne vient pas pour compléter l’ensevelissement, comme le mentionnaient les trois autres évangiles, mais par amour et fidélité à son Maître. Elle ne croit pas encore à la résurrection de Jésus, même après avoir vu le tombeau vide. Pensant à la violation du tombeau, comme il survenait parfois à l’époque, elle court prévenir les deux disciples: « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. » Le pluriel « nous » laisse entendre que Marie n’est pas seule, même si l’évangéliste concentre son attention sur elle.
L’association de Pierre et du disciple bien aimé apparaît pour la première fois au repas d’adieu de Jésus (Jn 13, 23; comp. 21, 7.20-23). Ce disciple « courut plus vite que Pierre », manifestant mieux que Pierre sa fidélité et sa générosité à l’égard de son Maître. Il laisse Pierre entrer dans le sépulcre, qui en examine l’intérieur et constate que tout est en ordre, bien plié, ce que n’auraient certainement pas fait des violeurs de tombeau, qui craignaient la peine de mort, s’ils étaient pris. Pourtant on ne dit rien de la foi de Pierre face à ces indices.
Le disciple bien aimé entre à son tour dans le sépulcre, en examine comme Pierre l’intérieur et devient le premier et le modèle de tous les croyants: « Il vit et il crut ». Il voit des détails secondaires, les bandelettes d’un côté et le suaire roulé à part. Tel fut le signe que Dieu lui présenta pour susciter sa foi. De même, il sera le premier à reconnaître le Seigneur au bord du lac, après le signe de la pêche miraculeuse (21, 7).
Le disciple voit et comprend le message contenu dans ces quelques signes. La révélation de Dieu s’incarne dans notre histoire et dans notre monde par des signes, dont le centre et le coeur est la personne de Jésus, à la fois parfaitement homme (la dimension visible du signe) et Dieu (le sens contenu dans le signe). Tout ce qui vient du Christ Jésus contient cette double dimension, ils sont des symboles qui nous suggèrent la révélation de Dieu.
Dieu nous parle constamment dans l’histoire en général et dans notre histoire personnelle par des signes. Il faut être attentif pour les entendre et les comprendre. Le roi Charles VII, jaloux de Jeanne d’Arc, se plaignait: « Pourquoi vos voix vous parlent-elles, et non à moi? » Et Jeanne de répondre naïvement: « Elles vous parlent, mais vous n’écoutez pas. » Telle est la leçon que le disciple bien aimé enseigne à tous les chrétiens et à tous les humains: s’oublier soi-même et ses préoccupations pour entendre et comprendre la Parole.
« Il vit et il crut » résume pour l’Évangéliste l’essentiel de l’attitude chrétienne. « Voir » les signes, les interpellations de Dieu dans le domaine sensible de notre histoire. « Croire » que Dieu est présent et nous parle dans ces signes.
Jean-Louis D’Aragon SJ

2023/12/26 – Mt 10, 17-22

.Les envoyés peuvent s’attendre à des persécutions. Ils seront livrés aux tribunaux (sanhédrins), flagellés dans les synagogues, traînés devant les gouverneurs et les rois. Ils ne doivent pas s’inquiéter sur leur façon de répondre: c’est l’Esprit du Père qui parlera en eux. Leur appartenance au Christ entraînera des divisions même dans leurs familles. Ils doivent s’attendre à la persécution et être prêts à fuir dans une autre ville.

.Notre texte est la continuation des instructions que Jésus donnait aux 12 au moment de les envoyer en mission. Mais il est clair qu’il déborde ce moment. On peut voir dans le récit de Marc (6,12) et dans celui de Luc (9,6) que les 12 ont proclamé et fait des guérisons mais il n’a pas été question de persécution, d’arrestation et de comparution devant des gouverneurs et des rois. Matthieu a profité de l’occasion pour grouper des paroles afin de faire une sorte de traité du missionnaire.

Il fait ainsi allusion à des situations qui sont arrivées après la vie de Jésus. Par exemple, Paul, alors qu’il est prisonnier, avant d’être envoyé à Rome a comparu devant Félix, le gouverneur, et devant Agrippa I, qui était roi à ce moment (vers l’an 60), d’où la mention de gouverneurs et de rois.

La mention des sanhédrins rappelle qu’à part le grand Sanhédrin de Jérusalem (71 membres) il y avait des sanhédrins régionaux composés de 23 notables, qui devinrent très importants après la disparition du grand Sanhédrin lors de la chute de Jérusalem en 70.

La fuite de ville en ville est une description des voyages missionnaires de Paul qui prêchait jusqu’à ce qu’il soit expulsé ou bien jusqu’à ce que la situation devienne trop dangereuse.

Mais il semble bien que Matthieu, dans ses instructions, ne pense pas seulement aux 12 ou aux missionnaires “professionnels”, comme Paul et Barnabé. Jésus parle de persécutions à cause de moi et à cause de mon Nom. N’importe quel disciple porte le nom du Christ: c’est l’origine du mot chrétien très tôt (Actes 11,26).

Ainsi, tout disciple de Jésus doit être prêt à témoigner de son appartenance au Christ par sa propre vie. Cela ne se fait pas sans difficultés comme l’histoire d’Etienne, racontée dans les Actes (6,8 – 7,60), nous le montre bien. Mais l’aide de l’Esprit est promise et la fidélité, persévérer jusqu’à la fin, fait partie du devoir de celui qui veut être sauvé : Le juste vivra par sa fidélité. (Habaquq 2,4)

Jean Gobeil SJ 

2023/12/25 – Messe de la nuit : Lc 2, 1-14 – Messe du jour : Jn 1, 1-18 – La Nativité du Seigneur

Messe de la nuit

La naissance de Jésus

En ce temps-là, l’empereur Auguste donna l’ordre de recenser tous les habitants de l’empire romain. Ce recensement, le premier, eut lieu alors que Quirinius était gouverneur de la province de Syrie. Tout le monde allait se faire enregistrer, chacun dans sa ville d’origine. Joseph lui aussi partit de Nazareth, un bourg de Galilée, pour se rendre en Judée, à Bethléem, où est né le roi David. Il alla s’y faire enregister avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. Pendant qu’ils étaient à Bethléem, le jour de la naissance arriva. Elle mit au monde un fils, son premier-né. Elle l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’abri destiné aux voyageurs.

L’annonce d’un ange aux bergers

Dans cette même région, il y avait des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leur troupeau. Un ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur les entoura de lumière. Ils eurent alors très peur. Mais l’ange leur dit: “N’ayez pas peur, car je vous apporte une bonne nouvelle, qui réjouira beaucoup tout le peuple: cette nuit, dans la ville de David, est né pour vous un Sauveur; c’est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous le fera reconnaître: vous trouverez un petit enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche.” Tout à coup, il y eut avec l’ange une troupe nombreuse d’anges du ciel, qui louaient Dieu en disant:

“Gloire à Dieu dans les cieux très hauts
et paix sur la terre pour ceux qu’il aime.”

Avec le temps, nous avons embelli les crèches de nos églises, au point d’oublier la pauvreté et l’humiliation de Jésus et de ses parents. Nous n’avons pu nous résoudre à voir la réalité brutale que le Fils de Dieu a choisie pour venir habiter dans notre monde. Et pourtant, c’est l’enseignement qu’il nous donne dans les circonstances qui entourent sa naissance et dans les pauvres bergers qui viennent reconnaître et vénérer leur Sauveur. L’apôtre Paul résume la signification profonde de la Nativité de notre Sauveur, afin d’encourager les Corinthiens à se montrer généreux: Jésus Christ, qui était riche, s’est fait pauvre en votre faveur, afin de vous enrichir par sa pauvreté. (2 Cor 8,9)

Les circonstances
Tous les détails nous révèlent un Messie pauvre. Son dénuement à sa naissance annonce la pauvreté radicale qu’il subira à la fin de sa mission, lorsqu’il sera fixé à la croix, dans un dénuement et une impuissance totale.
Ses parents habitent la province du nord, cette Galilée méprisée par l’élite de Jérusalem. Leur modeste village, Nazareth, n’avait aucun éclat, puisque les Écritures sacrées l’ignoraient. Sa mère et son père ne peuvent même pas l’accueillir à sa naissance dans leur demeure; une contrainte imposée par la puissance romaine oblige ses parents à franchir les 120 kilomètres environ qui les séparent de Bethléem, la patrie de leur ancêtre David. Au terme de ce trajet épuisant pour une femme enceinte, ils découvrent qu’il n’y a pas de place pour des pauvres dans le caravansérail. Ils en sont réduits à chercher refuge dans un abri pour les animaux. C’est dans cette misère la plus totale qu’apparaît parmi nous le Fils de Dieu, le Sauveur du monde. Ce nouveau-né fragile, on ne peut que le déposer dans une crèche, une mangeoire pour les animaux.
Telle est la réalité provocante de la naissance de Dieu dans notre monde! Scandale de la Nativité qui correspond au scandale de la croix! Où se trouve ce Messie, sauveur, puissant et victorieux de toutes les puissances du mal? Dans l’espérance juive, comme dans la nôtre, le Sauveur ne pouvait être un enfant frêle et démuni. Il devait apparaître subitement, d’une manière mystérieuse, sur les nuées du ciel, tel un nouveau David, triomphant de tous les Philistins, oppresseurs de ses fidèles. L’apôtre Paul a raison de s’écrier que la croix, préfigurée par la naissance de Jésus, est un scandale pour les Juifs et une folie pour les Grecs, c’est-à-dire pour les humains que nous sommes (1 Cor 1, 23). Qui donc peut accueillir le mystère d’un Sauveur pauvre, sinon ceux qui ont un coeur de pauvres?

Le Messie des pauvres
Selon nos manières de voir et d’agir, nous avons transformé et auréolé les bergers qui ont reçu le message de l’ange et qui sont venus vénérer leur Sauveur. Pourtant les gens de cette époque ne les estimaient guère ces gens frustes. Ils n’étaient pas propriétaires des troupeaux sur lesquels ils veillaient, ils étaient de simples journaliers. Ne pouvant observer la Loi en raison de leur métier, ils étaient méprisés comme impurs et même comme des voleurs. Leur pauvreté devenait, pensait-on, une occasion de voler leur maître. C’est à ces pauvres, de mauvaise réputation, que Dieu envoie son ange pour annoncer le Sauveur. Remarquons que, dans l’Évangile de Matthieu, ceux qui viennent adorer le Christ sont également des marginaux, des païens, des magiciens, que l’Écriture juge sévèrement. Ces deux groupes, les bergers et les mages, sont les seuls qui accueillent le message céleste du salut et qui obéissent à l’invitation divine. Les évangélistes ne mentionnent que ces deux groupes de marginaux, qui sont disponibles pour discerner leur Sauveur dans un pauvre enfant.
À l’apparition de l’ange du Seigneur et de la gloire céleste qui les entoure, les bergers ressentent la crainte, non pas la peur. La crainte dans la Bible provient de l’attrait pour le sacré, pour le divin, mais en même temps exprime le respect inspiré par l’indignité humaine. Comme dans toutes les apparitions, l’ange les exhorte à bannir la peur, car Dieu ne veut pas nous écraser, mais nous combler de sa paix et de sa joie.
Après leur avoir annoncé la venue du Sauveur, l’ange leur donne un signe déconcertant, pour ne pas dire scandaleux. Ce grand roi, le fils du prestigieux ancêtre David, le Christ, celui qui est marqué du sceau divin, le Seigneur, celui en qui Dieu s’incarne, vous le trouverez « enveloppé de langes et couché dans une crèche », nouveau-né fragile et démuni. Quoi de plus contraire à ce que ces bergers imaginaient! Le Sauveur Dieu! un bébé de pauvres, réfugié dans une mangeoire pour les animaux! Et pourtant ces gens simples croient, ils ont confiance dans ce message de joie, car leur pauvreté les rend libres d’esprit et de coeur.
Un choeur céleste exalte le mystère du Seigneur qui veut sauver de cette manière l’humanité qu’il aime. Tous les dons proviennent de cet amour insondable, qui procure sécurité et paix à tous ceux et celles qui acceptent d’être aimés.

Jean-Louis D’Aragon SJ 

Messe du jour

Commencement de l’Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (1, 1-18)
En guise de préface à son Évangile, Jean emprunte un chant chré¬tien déjà existante, qu’il complète pour introduire les idées essentielles que son livre développera. La mission du Verbe incarné, selon Jean, consiste dans une descente d’en haut vers le monde des humains, qui sont d’en bas, et dans une remontée auprès de Dieu. Dans son message d’adieu aux siens, Jésus leur résume ces trois étapes de sa mission : Je suis venu du Père et je suis ar¬rivé dans le monde. Maintenant je quitte le monde et je m’en vais auprès du Père. (Jn 16, 28)
Comme le Prologue offre un résumé de l’Évangile, on y retrouve trois parties : 1) Le Verbe préexistant (avant la création) auprès de Dieu (vv. 1-5); 2) Le ministère du Verbe parmi les humains depuis son incarnation, avec un fort accent sur le refus incompréhensible que lui oppose le monde (vv.6-13; 3) La glorification du Verbe, qui comble ceux qui croient, en leur accordant grâce sur grâce (vv. 14-18).
La Parole de Dieu, Personne divine (vv. 1,14), est la Lumière (vv.5,9) et le Fils unique de Dieu (vv.14,18). Il est devenu chair, c’est-à-dire homme limité et faible (v.14). Bien que rejeté par les siens, il accorde à tous ceux qui l’accueillent par la foi le pouvoir de devenir enfants de Dieu, en sorte qu’ils participent à la plénitude de Dieu. Cette grâce provient de l’amour de Dieu, qui surpasse le don de la Loi par Moïse.
La tradition rattachait le début du ministère de Jésus à celui de Jean Baptiste. Aussi l’évangéliste mentionne Jean avant que la lumière vienne dans le monde, affirmant que sa mission consistait à rendre témoignage au Verbe Lumière (vv.6-8). Uni à ceux qui ont vu la gloire du Verbe venu dans la chair, Jean témoigne qu’il existait avant la création (v.15).
Ce prologue commence en précisant la relation qui unit le Verbe à Dieu (vv. 1-2). Dans une relation personnelle avec Dieu, le Verbe vit de Dieu et en Dieu. Le Verbe, sans cesse tourné vers Dieu, s’ouvre complète¬ment à Dieu, qui lui donne tout, en sorte que le Verbe est lui-même Dieu (v.1c). Mais Dieu n’absorbe pas le Verbe, qui conserve son identité distincte de Dieu. L’Évangile reprendra cette relation étroite avec les termes de Père et de Fils. Jésus exprimera avec force son union à Dieu, af¬firmant que moi et le Père, nous sommes un (10, 30), non pas seulement unis, mais d’une certaine manière une seule réalité. Aussi Jésus peut-il ré¬pondre à Philippe qui lui demande de lui montrer le Père : Celui qui m’a vu a vu le Père, …je suis dans le Père et le Père est en moi. (14,9-10)
La condition humaine ne se comprend que dans une vue globale de son histoire, qu’il s’agisse d’une personne ou d’un groupe. Il faut connaître ses racines et le terme vers lequel tend son cheminement. Aussi Jean évoque le début, la création de l’univers, Tout a été fait par lui (v.3), et le but que doit poursuivre le croyant, devenir enfants de Dieu (v.12) et recevoir du Fils glorifié grâce sur grâce (v.16). L’histoire d’un individu ou d’une commu¬nauté ne peut avoir de sens que si elle progresse dans une continuité vers un but. Or cette continuité dépend de la fidélité à un projet. Telle est la loi exi¬gée pour se développer. Le progrès, le bonheur et la vie sont à ce prix.
Jean enseigne au croyant à voir avec optimisme l’univers et l’histoire, car tout vient de Dieu, qui agit par son Verbe : Tout a été fait par lui (v.3). Contrairement à ceux qui, à son époque, enseignaient que la chair et la ma¬tière étaient mauvaises, Jean affirme à la suite de la première page de la Bible que tout est bon. Aucune chose n’est mauvaise en elle-même. Après avoir mentionné à quatre reprises que ce qu’il avait créé était bon, le récit de la création concluait : Dieu constata que tout ce qu’il avait fait était vraiment une très bonne chose. (Gn 1,31) Aussi le croyant doit avoir le sens de la beauté et s’émerveiller, car pour lui tout est grâce.
Le projet de Dieu pour l’humanité et pour chaque être humain se ré¬sume dans le don de la vie et de la lumière : La vie était la lumière des hommes et, en venant dans le monde, elle illumine tout homme. (vv.4.9) L’amour de Dieu se révèle dans cette offre incessante qu’il adresse par son Verbe incarné à toute personne, malgré les refus du monde.
Le Verbe incarné n’était pas une lumière parmi d’autres qui pour¬raient la corriger ou la compléter. Il est l’unique lumière, l’unique révéla¬tion valable pour l’être humain. Celui-ci ne peut se disperser en adhérant à plusieurs sagesses, révélations ou projets, car on devient le Dieu en qui on croit. Adhérer à Dieu et à des idoles, c’est s’écarteler, se diviser et se dé-truire. La monition du prophète Élie est toujours d’actualité : Quand cesse¬rez-vous de pencher tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ? Ou bien c’est le Seigneur qui est le vrai Dieu…ou bien c’est Baal. (1 Rois 18,21)
La tentation à laquelle succombe le monde (l’humanité séparée de Dieu) quand le Verbe incarné lui offre la lumière, c’est de refuser de sacri¬fier son autonomie et sa fausse sécurité (vv.10-11). Le monde craint Dieu et s’en défie, parce que Dieu n’offre pas de garanties tangibles et mesurables que son projet pour la personne humaine est raisonnable. Ceux qui, au contraire, acceptent de se livrer totalement à Dieu présent dans son Verbe constatent que leur personne est entièrement transformée. Dieu en effet leur a permis d’accéder à un nouveau registre d’existence. Il les a engendrés et ils sont devenus ses enfants (vv.12-13).
L’offre constante du Verbe, la vie et la lumière, trouve son couronne¬ment lorsqu’il assume complètement, dans sa personne, la condition humaine (v.14). L’incarnation véritable du Fils, unissant en lui le divin et l’humain, paraîtra toujours un mystère scandaleux. À l’encontre d’un large groupe de la communauté de Jean, la 1ère épître proclamera sa foi dans cette manifes¬tation inouïe de l’amour de Dieu (1 Jn 4,2-3.14-16). Tout au long de l’his¬toire de l’Église, plusieurs voudront éliminer en Jésus, soit Dieu, soit l’homme. L’union étroite de Dieu et de l’humanité dans le Christ constitue pourtant le coeur et le trait distinctif de la révélation, dont les conséquences sont essentielles pour la vie chrétienne.
La médiation du Christ (v.18) est absolument nécessaire, car aucun être humain ne peut atteindre par lui-même Dieu, la source unique de toute vie. Quand il a l’illusion de communiquer avec Dieu, il le déforme et le cari¬cature, le réduisant à ses limites humaines, à ses défauts et à ses passions. Aussi la révé¬lation, venant d’en haut vers l’être humain, par amour et gratuitement, est nécessaire pour qu’il dépasse sa condition terrestre et qu’il atteigne un au-delà de lui-même. La veille de sa mort, le Christ résume sa mission dans ce mouvement du haut vers le bas et du bas vers Dieu : Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde ; tandis qu’à présent je quitte le monde et je vais au Père (Jn 16,28).
Cette médiation du Fils de Dieu incarné parmi nous est unique, la seule qui permet d’aller vers le Père. Elle englobe toutes les autres médiations, qui n’ont qu’une valeur relative, dans la mesure où elles préfigurent celle du Christ qui viendra ou qu’elles explicitent celle du Fils, qui contient toute la Parole de Dieu (v.17). C’est par référence à cette révélation unique qu’il faut juger tout message qu’on présente comme provenant de Dieu.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2023/12/23 – Lc 1, 57-66

La naissance de Jean- Baptiste est cause de joie pour la famille et les voisins d’Elisabeth. A la circoncision, Elisabeth et Zacharie, séparément, ont l’inspiration de lui donner le nom de Jean, un nom qui n’appartient pas à la tradition de la famille, pour souligner l’action de Dieu et le présage d’une vocation spéciale. Zacharie retrouve alors la parole et loue le Seigneur. La main du Seigneur était avec Jean et les gens se demandaient quelle serait sa vocation.

Pour Jean, l’évangéliste, Jean-Baptiste est celui qui témoigne. En voyant Jésus il déclare : “Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.”
L’Agneau est une référence à l’agneau pascal, un symbole de libération. Il enlève le péché du monde: c’est une référence à la prédiction d’Isaïe sur le personnage futur du serviteur qui portera ou enlèvera les péchés. Il est donc le Sauveur qui vient libérer.
“Celui qui m’avait envoyé m’avait dit: “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint”. Et moi j’ai vu et je témoigne que celui-ci est l’Élu de Dieu.” (1,29.33-34)

Pour les synoptiques, il est le précurseur, celui qui prépare la venue du Messie. Mais pour Luc, c’est à l’intérieur de l’évangile de l’enfance et Jean-Baptiste participe à la présence de l’Esprit Saint et à la joie qui entoure l’Incarnation. Comme pour Jésus, il y a une annonciation par un ange; comme Marie, Zacharie le père a un chant d’action de grâce. Comme pour Jésus, il y a la cérémonie du nom qui est donné.

Tout en respectant le caractère unique de la personne de Jésus, Luc souligne l’importance de la naissance de Jean-Baptiste. Elisabeth est âgée et n’a jamais eu d’enfant: sa grossesse est due à la Providence et la comble de joie. La rencontre de Marie est aussi une rencontre de l’Esprit Saint. Le don du nom de Jean souligne l’importance du rôle que Dieu lui réserve.
Zacharie est un prêtre; à cause de cela, il serait normal que Jean-Baptiste reçoive le même nom que son père ou au moins le nom d’un ancêtre important. Or lorsqu’on demande à Elisabeth, puisque Zacharie est encore muet, quel sera le nom de l’enfant, elle répond sans avoir pu se concerter avec son mari que ce sera Jean. A son tour, Zacharie écrit sur une tablette: son nom est Jean. La raison est que c’est Dieu, par l’intermédiaire de l’ange dans la vision de Zacharie au temple, qui a imposé le nom de Jean. Or quand Dieu donne un nom, comme Jésus le fera pour Simon, c’est pour indiquer une vocation à une mission.

Et cette mission réalisera la promesse que Dieu avait faite par l’intermédiaire du prophète Malachie que nous avons entendue dans la première lecture:
Ainsi parle le Seigneur Dieu: Voici que j’envoie mon messager pour qu’il prépare le chemin devant moi. (Malachie 3,1)

Jean Gobeil SJ

2023/12/22 – Lc 1, 46-56

La première lecture parle de Anne, une femme qui était stérile et qui avait déposé son chagrin devant Dieu au sanctuaire de Silo. Le prêtre Eli lui avait alors souhaité: Que le Dieu d’Israël t’accorde ce que tu lui a demandé. Anne avait eu un enfant, Samuel. Elle est revenue au sanctuaire pour offrir cet enfant au service du sanctuaire. Son cantique d’action de grâce suit cette lecture. Marie est venue visiter sa cousine. Après la salutation inspirée d’Élisabeth, Marie, à son tour, chante son action de grâce, le Magnificat.

Il y a des points communs entre les deux chants. Dieu se penche sur les faibles; Dieu élève les humbles. Marie est son humble servante. L’humilité et les humbles sont des thèmes qui passent à travers l’Ancien Testament et le Nouveau.

On peut commencer avec Moïse : Moïse était l’homme le plus humble que la terre ait porté. (Nombres 12,3)

Les prophètes parleront d’abord des pauvres, ceux qui n’ont ni richesse ni prestige dans la société et qui savent qu’ils ne peuvent compter que sur Dieu. Puis on parlera des humbles, les pauvres de coeur qui savent qu’ils sont des créatures de Dieu, le Dieu très saint, et qui en attendent le pardon et le salut.

Aux humbles, Dieu donne la sagesse et ils sont ordinairement pourvu de la douceur: ils sont les doux, qui n’ont pas de prétention et n’oppriment personne. On les appelle aussi les humbles de Yahvé parce que Yahvé a de la prédilection pour eux et qu’ils sont prêts à l’accueillir.

Dans Luc, les premiers à recevoir la nouvelle de la naissance de Jésus sont des humbles, les bergers. Ils sont très mal considérés dans la société du temps. A l’annonce de la naissance, ils partent aussitôt pour Bethléem.

Maris se donne comme l’humble servante du Seigneur. C’est une caractéristique de quelqu’un qui a la vraie humilité de reconnaître que ce qu’il a, il l’a reçu.

Jésus dira qu’il est doux et humble de coeur (Mt.11,29), la description des humbles de Yahvé.
Il dira aussi qu’il est venu non pour être servi mais pour servir. Il prendra la position d’un humble serviteur dans la scène du lavement des pieds des disciples.

Jésus parlera de ceux qui l’accueillent en les appelant les tout-petits à qui Dieu a révélé sa sagesse. C’est un terme qui s’applique littéralement à des petits enfants, qui sont des bons exemples dans la société d’alors, de personnes sans droit, sans prestige ni pouvoir propre.
Doux et humble de coeur, pour servir, illustre ce que nous voyons dans la nativité et l’idéal que Jésus a laissé pour ses disciples.

Jean Gobeil SJ 

2023/12/21 – Lc 1, 39-45

Marie se met en route en toute hâte pour aller visiter sa cousine Élisabeth. Arrivée dans la maison de Zacharie, elle salue Élisabeth. Cette salutation fait tressaillir l’enfant que porte celle-ci. L’Esprit remplit Élisabeth qui accueille Marie comme la mère du Seigneur et la déclare bienheureuse parce qu’elle a accueilli les paroles du Seigneur.

Le dernier mot d’Élisabeth sous l’inspiration de l’Esprit est que la grandeur de Marie lui était venue de son accueil de la parole du Seigneur. Or la parole du Seigneur, la parole par excellence, le Verbe de Dieu, elle le porte en elle. Ce voyage chez Élisabeth représente donc la première mission de la Parole. Avec l’arrivée de la Parole, la présence de l’Esprit se manifeste dans Jean Baptiste d’abord puis dans Élisabeth qui est la première à proclamer que Marie est la Mère de Dieu. La scène est donc une anticipation de ce qui viendra par la suite.

Jésus sera la Parole qui, sous la conduite de l’Esprit manifesté depuis le baptême de Jésus proclamera la venue du Règne de Dieu avec des actes de puissance. A la différence de Jean Baptiste qui restait au Jourdain, Jésus ira en mission à travers les villes et villages de Galilée pour finir sa mission à Jérusalem.

Après l’Ascension, la mission des chrétiens est d’être les témoins de cette parole jusqu’aux extrémités de la terre, selon la parole de Jésus à ses disciples (Actes 1,8). Luc, dans le livre des Actes, continue l’évangile pour montrer la réalisation de cette mission. La Bonne Nouvelle, accompagnée des manifestations de l’Esprit, est d’abord annoncée à Jérusalem. Puis elle se propage à travers la Syrie, puis l’Asie mineure, ensuite la Grèce. Quand elle est à Rome avec la présence de Paul, Luc termine le livre des Actes. Avec la présence de la Parole au cœur de l’empire romain, elle est virtuellement présente aux extrémités du monde.

C’est la présence de la Parole dans Marie qui la fait aller en toute hâte vers Élisabeth et commencer ainsi la mission de la Parole. C’est de la présence de cette Bonne Nouvelle que les chrétiens doivent continuer de témoigner.

Jean Gobeil SJ 

2023/12/20 – Lc 1, 26-38

Luther aurait dit de l’évangile de Jean qu’il est « le plus tendre des évangiles. » Il aurait ajouté : « Je donnerais pour lui tous les autres et la plus grande partie du Nouveau Testament par surcroît. »Un autre théologien allemand tordit le cou à cette affirmation par une réplique laconique et cinglante : « Moi je ne donnerais rien! » Sans entrer dans cette querelle, on pourrait dire que la déclaration de Luther aurait été un peu moins surprenante si elle avait été faite à propos de Luc plutôt que Jean. Luc, le « scribe de la mansuétude » selon une expression de Dante, est le seul à nous livrer des récit d’une tendresse qui ne cherche pas à se dissimuler, comme celui de « l’annonciation » que nous fêtons aujourd’hui.

« Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. » Ces mots, Luc est le seul des évangélistes à les avoir entendus. Trois évangélistes connaissent le Père et le Fils, mais Luc est le seul à savoir ce que signifie « la Mère de Dieu ». C’est à elle qu’est annoncée la naissance du Fils du Très Haut. C’est à elle que revient la responsabilité de « nommer » l’enfant à venir. Matthieu, qui connaît bien la loi juive, a donné cette responsabilité à Joseph. Chez Luc, l’annonciation ne se produit pas dans un songe, mais dans le cadre d’une vision, d’une « apparition » en plein jour. Curieusement, dans l’histoire du christianisme, on a fait de l’apparition, le mode le plus spectaculaire de la communication entre la Vierge Marie et les humains. Bien des chrétiens ont affirmé que la Vierge Marie leur est apparue : à Lourdes, à Fatima, et en bien d’autres endroits.

L’annonciateur porte un nom : l’ange Gabriel. Et cet envoyé de Dieu n’a rien d’effrayant : il jase avec Marie sur un ton très familier et il fait tout pour la rassurer quand il constate qu’elle est « troublée » : « Sois sans crainte, Marie… » La jeune fille se détend effectivement, et ne se laisse pas déstabiliser par l’énormité de ce que l’ange lui apprend : qu’elle donnera naissance à un fils, qui sera « grand » et qui régnera sur le trône de David, sans fin… Marie risque une question : « Comment cela se fera-t-il, puisque je suis vierge? »

Quelques versets avant, dans le même chapitre, la même situation se produit quand l’ange annonce à Zacharie la naissance de Jean-Baptiste. Zacharie réagit à peu près comme Marie, car l’annonce porte là aussi sur une naissance miraculeuse. Zacharie fait remarquer qu’il est vieux et que sa femme est avancée en âge. L’ange se fâche et rend Zacharie muet jusqu’à la naissance de l’enfant promis. C’est plutôt sévère si l’on sait que c’est déjà difficile de garder le silence pendant deux heures quand on a la bouche gelée après une visite chez le dentiste.

Mais Gabriel n’impose aucune punition à Marie. Au contraire, il répond avec révérence à la question que la jeune fille lui pose. Les commentateurs expliquent ce double standard en affirmant que la question de Zacharie révélait un manque de foi. Ils disent que dans les mêmes circonstances, Abraham, le Père de la foi, n’avait pas douté que la vieille Sara pourrait concevoir et lui donner un fils. Quant à la question de Marie, on dit qu’elle était inspirée, non pas par l’incrédulité, mais plutôt par la foi qui cherche à comprendre.

Ces arguties théologiques n’éclairent pas tout le mystère du comportement de l’ange Gabriel dans ces deux situations. Une explication beaucoup plus simple, plus logique et plus crédible pourrait être celle-ci : Luc donne à l’ange Gabriel préséance sur Zacharie, mais pas sur Marie. Il y a bel et bien une hiérarchie. Gabriel peut rabrouer Zacharie qui est son inférieur, mais il ne peut que répondre respectueusement à la « Mère de Dieu ». La même hiérarchie est également remarquable quant au rang des deux enfants à naître : aucun doute que Jésus est supérieur à Jean-Baptiste. C’est pourquoi, la dernière déclaration de Marie dans ce passage, « Voici la servante du Seigneur » n’est pas à prendre comme une profession d’humilité. C’est plutôt un cri d’allégresse et d’action de grâce, exactement comme dans le Magnificat qui suivra plus loin. Car, être servante du Seigneur, c’est un titre de gloire.

Melchior M’Bonimpa