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Lc

2022/11/14 – Lc 18, 35-43

By 2024-01-04No Comments

L’évangile d’aujourd’hui nous transporte dans la plus vieille ville du monde, Jéricho. Dans l’Ancien Testament, le sixième chapitre du Livre de Josué raconte comment cette ville fut conquise par les Israélites. À cette occasion, elle fut soumise à un traitement qui, de nos jours, serait qualifié de génocide ou de crime contre l’humanité : « Ils exterminèrent la population de la ville, hommes, femmes, jeunes et vieux. Ils tuèrent même les bœufs, les moutons et les ânes » (Jos, 6, 20). Tout ce qui respire y fut anéanti, sauf la prostituée Rahab et sa famille qui avait caché les espions d’Israël. Et comme si tout cela ne suffisait pas, Josué prononça une malédiction contre l’homme qui tenterait de reconstruire cette ville (Jos, 6, 26). De toute évidence, Jéricho a pu renaître de ses cendres. La ville existait au temps de Jésus, et elle existe encore de nos jours.

Jéricho fournit donc le décor de la guérison miraculeuse d’un aveugle. En lisant ce passage, je me suis souvenu d’un ami qui m’a dit que si des circonstances calamiteuses l’obligeaient à choisir entre la vue et l’ouïe, il deviendrait sourd plutôt qu’aveugle, car le désastre de la cécité empêche de contempler la beauté du monde. D’y penser, j’approuve cette opinion et je considère la condition d’aveugle comme plus pénible que celle de sourd, au moins pour une personne qui a joui de la vue pendant une partie de sa vie. On pourrait supposer que c’est le cas ici, car aucun des trois synoptiques ne précise que l’aveugle de Jéricho était « aveugle-né ». Marc lui donne un nom : Bartimée. Matthieu lui donne un compagnon : dans le « premier évangile », on a effectivement affaire à deux aveugles qui hurlent la même chose. À la question de Jésus, « Que voulez-vous que je fasse pour vous? », ils répondent à l’unisson : « Seigneur, que nos yeux s’ouvrent. »

L’aveugle de Jéricho semble savoir ce que signifie la vue. C’est pourquoi, contre vents et marées, il veut se faire entendre de Jésus. Il sait ce qu’il a perdu, et c’est pourquoi il refuse de se faire bâillonner par ceux qui trouvent indécent qu’il crie pour appeler au secours le guérisseur de Nazareth désigné par le titre messianique de « Fils de David ». Les exégètes ont probablement une interprétation savante de ce titre, mais je suppose que l’aveugle l’accorde à Jésus pour revendiquer le droit d’être parmi ceux que David avait la mission de protéger. En effet, dans l’utopie d’Israël, le roi, et David en particulier puisqu’il fut le plus grand d’entre eux, avait comme tâche prioritaire de prendre soin des « pauvres de Yahvé » et, un aveugle est un pauvre parmi les pauvres. L’aveugle de Jéricho semble au courant de ses droits au sein du peuple élu. Et Jésus lui donne raison en répondant à sa requête : « Vois, ta foi t’a sauvé. » Il aurait pu ajouter : « Vous avez ici plus que David. » On le sait : David n’a pas toujours été à la hauteur de sa mission. Il n’a pas toujours été l’incarnation de la miséricorde de Yahvé.

La guérison physique n’exclut évidemment pas le sens symbolique de l’accès à la lumière du salut. Plus que les synoptiques, Jean souligne ce sens dans le neuvième chapitre de son évangile où il est question de la guérison d’un aveugle de naissance. Ce nouveau sens nous permet de nous sentir concernés en nous mettant dans la peau de celui qui implore de voir, et en chantant avec celui qui a composé cette mélopée chrétienne inspirée par cet évangile : « Ouvre mes yeux seigneur… Je suis l’aveugle sur le chemin… Guéris-moi, je veux te voir. »

Melchior MBonimpa

 

 

 

 

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