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Lc

2022/11/03 – Lc 15, 1-10

By 2024-01-04No Comments

L’introduction à ce chapitre indique que les trois paraboles que Jésus proposera par la suite ont pour but de répondre aux critiques des Pharisiens et des docteurs de la Loi. Ceux-ci accusent Jésus de bien accueillir les pécheurs et de manger avec eux. Il partage avec eux la même nourriture et, symboliquement, la même vie, puisque la nourriture renouvelle la vie et revêt ainsi une valeur sacrée. Les Pharisiens, dont le nom signifie « les séparés », évitaient tout contact avec les personnes considérées comme impures et qui pouvaient les contaminer.

L’observance de la Loi, expression de la volonté divine, est essentielle pour être en accord avec Dieu. Ne pas l’observer, c’est se séparer de Dieu, se mettre sur le chemin de sa perdition. Il faut donc connaître la Loi et l’observer, car c’est la seule voie du salut, selon les Pharisiens.

Ceux qui n’observent pas la Loi sont dans une condition de malédiction. De même qu’on évite tout contact avec les pestiférés, comme les lépreux, de la même manière on doit éviter encore plus toute proximité avec ceux qui ont en eux la peste morale, qui corrompt le coeur du pécheur. Leur contact transmet leur corruption.

Jésus, au contraire, qui accepte de rencontrer les pécheurs et de partager avec eux la même nourriture, doit se défendre contre les attaques des Pharisiens et justifier sa conduite envers les pécheurs. Les verbes à l’imparfait, (les pécheurs) « s’approchaient » et (les Pharisiens) « critiquaient », expriment des actions qui se répètent, et non pas des gestes isolés. Jésus répond à ses adversaires qu’il agit comme Dieu, mandaté par celui qui se réjouit de la conversion d’un seul pécheur. L’idée centrale des trois paraboles est donc l’affirmation de la joie de Dieu pour le retour (la conversion) de ce qui était perdu, le mouton, la pièce de monnaie et le fils prodigue.

La brebis et la monnaie retrouvées

La même parabole de la brebis perdue se retrouve dans Matthieu 18,12-14, mais la perspective est différente. Chez celui-ci, ce n’est pas Dieu qui se soucie du mouton égaré, mais les chefs de l’Église qui ont le devoir de veiller sur les petits et de réconforter ceux dont la foi menace de sombrer. Le souci de Dieu à l’égard des plus modestes membres de son troupeau (Luc) se prolonge donc dans les autorités de son Église (Matthieu).

Dans les trois paraboles, la joie éclate à quatre reprises (vv. 6, 9, 24 et 32). Au lieu de la tristesse pessimiste des Pharisiens, qui déplorent la corruption du monde autour d’eux, Jésus exulte de la joie de Dieu à la vue des pécheurs qui viennent vers lui. Jésus invite implicitement ses détracteurs à se réjouir comme Dieu, que lui-même, le Christ, représente.

Le berger ne se contente pas d’attendre et d’espérer le retour de la brebis perdue, comme le père du fils prodigue ; il part à sa recherche. Dieu fait toutes les avances pour que la brebis revienne. Après l’avoir trouvée, il ne la ramène pas tout simplement en la conduisant vers le bercail, il la prend sur ses épaules, épargnant la fatigue du chemin à sa brebis épuisée. Sa générosité trouve sa récompense dans la joie qu’il veut partager avec ses amis, « Réjouissez-vous avec moi! »

« La pièce d’argent perdue » répète avec insistance le même enseignement. Cette pièce d’argent possède une valeur économique pour la femme, mais surtout sentimentale, puisque les dix pièces d’argent constituent sa dot. Puisque sa maison n’a pas de fenêtre, elle allume une lampe et elle balaie le sol couvert de paille, dans laquelle la pièce qu’elle cherche se trouve cachée. Comme le berger, elle partage sa joie avec ses amies et ses voisines.

Comment comprendre que le retour d’un seul pécheur puisse provoquer plus de joie que 99 justes « qui n’ont pas besoin de conversion ». Ces 99 n’auraient donc pas d’importance ? Ils n’auraient pas besoin de se convertir, alors que tous les humains sont des pécheurs, qui ont besoin de conversion. Ce qui est sous-jacent, c’est que ces « 99 » représentent les Pharisiens, qui pensent ne pas avoir besoin de se convertir, parce qu’ils observent la Loi et s’estiment justes. Jésus osera même affirmer que le publicain est devenu « juste » après sa prière dans le Temple, mais non pas le Pharisien, qui a l’illusion de s’être rendu juste par lui-même, par son observance de la Loi (Luc 18,14).

Conclusion

L’attitude et les principes des Pharisiens et de Jésus sont en flagrante opposition. Les Pharisiens se défendent contre le mal et prennent les mesures qu’ils jugent efficaces pour se protéger. En conséquence, on se réfugie dans un ghetto où seuls, les justes, ont droit de cité, ils se donnent bonne conscience, mais ils versent dans l’orgueil de s’estimer parfaits et de condamner les pécheurs. Jésus, au contraire, enseigne par sa conduite la puissance conquérante de l’amour, qui met en oeuvre le dynamisme que le Créateur a inscrit dans chaque personne humaine, qui s’oublie par amour pour secourir les faibles. Entre se replier sur soi-même pour s’enfermer dans la pauvreté de sa personne ou s’ouvrir aux autres par amour, le choix est tout indiqué par Jésus.

Une scène dans la carrière de Vincent-de-Paul illustre l’opposition entre les Pharisiens et Jésus.   Dans une localité où sévit la peste, Vincent rencontre les notables de l’endroit, réunis dans une vaste demeure. Ils disent à « Monsieur Vincent » que les malades atteints de la peste ont été emmurés dans une maison où ils n’ont plus qu’à attendre la mort. Les personnes valides, de leur côté, éviteront la peste et survivront. Révolté, Vincent se rend à cette sorte de prison où sont enfermés les pestiférés, arrache les poutres qui obstruent toutes les issues et libèrent ces malades pour les soigner et les réconforter. Au cours des siècles, combien de témoins de cet amour, enseigné et vécu par le Christ, ont soigné et consolé les pestiférés et les lépreux au prix de leur vie?

Jean-Louis D’Aragon SJ

 

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