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Lc

2022/10/29 – Lc 14, 1.7-11

By 2024-01-04No Comments

« Les propos de table » sont un genre bien connu dans lequel un sage répond aux questions des convives et donne son avis sur divers sujets. Depuis la Grèce antique, ce genre littéraire s’était répandu chez les philosophes et aussi dans la société juive à l’époque de Jésus. Issu du monde grec, Luc, particulièrement sensible à ce genre, a colligé les scènes de repas où Jésus dégage d’un fait accidentel un principe pour diriger la conduite humaine.

Dans ces repas, l’ambition des convives se manifestait dans leur précipitation pour choisir les meilleures places autour de la table. Avant le banquet, chaque invité s’installait à la place qui, selon lui, convenait à sa dignité, parfois à un niveau plus élevé que celui qu’il méritait, espérant que son hôte n’osera pas le déranger pour lui désigner une place inférieure.

Contrairement à cette manifestation égoïste d’ambition, Jésus conseille aux convives de se comporter avec modestie, en prenant la dernière place. L’hôte qui les invite s’apercevra qu’un de ses invités mérite d’être mieux considéré et d’occuper une place plus élevée. Au lieu d’être confondu à la suite de sa conduite égoïste et ambitieuse, ce modeste invité aura la satisfaction de recevoir une attention spéciale de la part de son hôte, qui le conduira à un siège honorable.

L’ambition humaine trouve plusieurs autres manières de se manifester. L’une des plus fréquentes à toutes les époques éclate dans la vantardise. Certaines personnes ne s’intéressent pas à ce que font ou à ce que pensent les autres, mais elles parlent seulement d’elles-mêmes. Elles se complaisent dans leurs réussites, dont elles magnifient souvent les traits pour solliciter l’approbation et l’admiration de leurs auditeurs. Si elles savaient comment ceux-ci rient d’eux et les jugent intérieurement ! Quand ces vantards ont le dos tourné, les gens se moquent d’eux et de leur fatuité. Ils ont essayé d’occuper les premières places, mais leurs interlocuteurs les relèguent avec les prétentieux et les vaniteux.

On pourrait penser que Jésus transmet à ses auditeurs un simple principe social de courtoisie, une manière de se conduire pour être bien considéré et accepté dans une société. Luc cependant introduit l’enseignement de Jésus en lui donnant le titre de « parabole » : « Remarquant que les invités choisissaient les premières places, il leur dit cette parabole. » Jésus ne se limite donc pas à la seule politesse sociale, mais celle-ci évoque pour lui la manière de se conduire dans un ordre supérieur.

La mort marque la frontière entre deux univers, celui de ce monde-ci et celui du Royaume de Dieu. De l’un à l’autre, les valeurs et les situations sont renversées. Ce thème, cher à Luc, se retrouve à quatre reprises dans le 3e Évangile. Au tout début, Marie l’annonce dans son action de grâce :

« Le Seigneur a mis en déroute les hommes au cœur orgueilleux,

il a renversé les rois de leurs trônes

et il a placé les humbles au premier rang.

Il a comblé de biens ceux qui avaient faim,

et il a renvoyé les riches les mains vides. »  (Lc 1,51-53)

Dans la parabole du riche et du pauvre, Jésus illustre ce thème en décrivant le bonheur de Lazare, après sa mort, dans l’intimité de Dieu, tandis que le riche subit la condamnation et la souffrance. S’adressant au riche, Abraham (c’est-à-dire Dieu) lui dit : « Souviens-toi que tu as reçu beaucoup de biens pendant ta vie, tandis que Lazare a eu beaucoup de malheurs. Maintenant il reçoit ici sa consolation, alors que toi tu souffres. » (Lc 16,25)

Pour enlever leur illusion à « ceux qui se croyaient justes aux yeux de Dieu et méprisaient les autres », Jésus leur proposait la parabole qui met en contraste le pharisien et le publicain en prière dans le temple. En conclusion de cette parabole, Jésus répète de nouveau cette même vérité du renversement des situations : « Quiconque s’élève sera abaissé… » (Lc 18,14)

Pourquoi un tel changement de condition ? Pourquoi l’orgueilleux se retrouve-t-il au dernier rang, alors que le pauvre est élevé à la première place ? C’est que le riche est devenu suffisant, replié et centré sur lui-même, pour s’enfermer finalement dans la pauvreté de sa personne. Le pauvre, au contraire, ne se regarde plus, puisqu’il n’a rien ; il s’ouvre à son Seigneur, qui peut combler son dénuement. C’est pourquoi Jésus déclare que les enfants, les démunis, les marginaux de la société auront les premières places dans le Royaume de son Père.

Jean-Louis D’Aragon SJ

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