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Lc

2021/11/05 – Lc 16, 1-8

By 2024-01-04janvier 12th, 2024No Comments

Le problème de l’argent

L’argent a toujours été une question d’actualité, car il régit nos rapports avec les autres. Il donne des droits pour posséder, il peut même rendre les autres nos esclaves et il peut, également, devenir une expression éminente de la charité par l’aumône.

L’égoïsme, malheureusement, s’est régulièrement emparé de ce moyen, qui fascine tellement qu’il devient la priorité de l’existence humaine et qu’il occasionne une multitude d’injustices : vols, corruption, enlèvements, chantage,…Par exemple, combien de disputes et de divisions provoquent les testaments dans les familles !

L’évangéliste Luc est très sensible à l’enseignement de Jésus à propos de l’argent. Il est le seul évangéliste à rapporter les paraboles significatives du riche insensé (12,13-21), du riche et du pauvre Lazare (16,19-31). De même, le 3e évangile est seul à conclure un enseignement de Jésus par deux déclarations générales : « Donnez aux pauvres…et tout sera pur pour vous » (11,41) et « Vendez vos biens et donnez l’argent aux pauvres Munissez-vous de bourses qui ne s’usent pas… » (12,33).

Dans le passage d’aujourd’hui, Luc présente une parabole tellement pleine de sens qu’il lui rattache trois conclusions ou applications, que nous trouverons dans l’évangile de demain : l’argent de l’amitié (v. 9), le test de l’argent (vv. 10-12) et le choix entre Dieu et l’argent (v.13).

Habileté du gérant

Pour comprendre cette parabole, il faut la replacer dans le contexte social et économique de l’époque. De riches propriétaires, étrangers et païens, possédaient en Galilée de vastes domaines, dont ils confiaient l’administration à un intendant. Eux-mêmes habitaient souvent au loin.

Même si les mesures que l’intendant mentionne ne sont guère précises pour nous, il est possible d’en avoir une vague appréciation. Un « tonneau » équivalait à environ 45 litres, tandis qu’un « sac » de blé contenait 400 litres. Les quantités dans les deux cas sont considérables. Comment des individus pouvaient-ils avoir contracté d’aussi énormes dettes ? Il ne s’agissait pas, en fait, de simples individus, mais de marchands, qui achetaient de larges quantités d’huile et de blé pour les revendre. Ils s’acquittaient de leurs dettes envers le propriétaire à mesure qu’ils vendaient les produits qu’ils avaient achetés.

La remise que le gérant accorde aux débiteurs de son maître est considérable, car elle équivaut à 500 journées de travail. En signant une nouvelle créance, les débiteurs savent qu’ils auront une importante dette de reconnaissance envers le gérant. Celui-ci montre son habileté en accordant à chacun la même remise, de façon qu’il n’y ait pas entre les débiteurs une jalousie, qui pourrait se retourner contre le gérant, qui aurait accordé plus à l’un qu’à l’autre.

Éloge d’un voleur ?

Le gérant se fait donc des amis avec l’argent de son maître. Comment Jésus peut-il alors louer l’action d’un voleur ? Mais le stratagème du gérant peut avoir deux aspects, l’un répréhensible, l’autre louable. Jésus ne se compare-t-il pas à un voleur, qui peut surprendre à n’importe quelle heure ? De même ici, l’action du gérant est un vol, mais il a pris très rapidement une décision qui assure son avenir, car il était coincé. Ce que Jésus loue, ce n’est pas évidemment le vol, mais l’intelligence et la rapidité de la décision du gérant pour se tirer d’affaire. Les débiteurs de son maître vont accueillir chez eux ce gérant, à qui ils doivent une large reconnaissance.

Jésus nous propose comme modèle ce gérant, qui a pris une décision rapide et radicale. Se détourner de ce qui nous sépare du Seigneur, se convertir, est urgent, car le temps avance et nous rapproche de la fin de notre pèlerinage sur terre. Le temps est plus court que nous le pensons. La tentation consiste à remettre toujours au lendemain la décision vitale. Saint Augustin comparaît ses chrétiens aux corbeaux qui croassent : « Cras, cras, cras (en latin), demain, demain, demain ».

La conclusion de Jésus semble pessimiste, mais elle est réaliste pour susciter la honte chez les chrétiens. « Les fils de ce monde », dont parle Jésus, sont les gens qui misent toute leur existence sur la vie présente et déploient toute leur énergie pour une réussite temporaire. Ils agissent avec plus de volonté et d’intelligence à leur niveau, sans Dieu, que « les fils de la lumière », ceux qui visent au-delà de la seule existence d’ici-bas. La réussite chrétienne exige plus qu’une routine facile et monotone !

Jean-Louis D’Aragon SJ