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LcNon classifié(e)

2021/09/13 – Lc 7, 1-10

By 2024-01-04janvier 12th, 2024No Comments

Un centurion a un esclave sur le point de mourir. Ayant entendu parler de Jésus, il envoie des notables juifs pour lui demander de guérir le malade. Jésus se met en route, mais avant d’atteindre la demeure du centurion, il rencontre des messagers envoyés par ce dernier pour lui dire:« …je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit…dis seulement un mot et que mon serviteur soit guéri. »

Ce qui retient l’attention dans l’évangile d’aujourd’hui, c’est d’abord l’humilité que traduisent ces deux petites phrases auxquelles nous sommes très habitués : nous les reprenons, en les modifiant légèrement, à chaque célébration de l’eucharistie, juste avant la communion : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri. » Dans le complexe rituel de la messe, elles constituent ce que la science des religions appelle « une mise en garde », une précaution avant d’entrer en contact avec le sacré, comme Moïse ôtant ses sandales avant de se mettre à l’écoute de la voix qui, parlant du buisson ardent, lui confie la mission terrifiante d’aller affronter Pharaon et lui intimer l’ordre de libérer son peuple.

Chez Luc, l’humilité du centurion est beaucoup plus soulignée que dans la variante du même texte chez Matthieu (Mt 8,5-13). Ici, le centurion envoie des notables juifs pour plaider sa cause auprès de Jésus, alors que chez Matthieu, c’est lui-même qui va à la rencontre de Jésus. Par deux fois donc, le centurion de Luc évite une rencontre directe avec Jésus. Il connaît la règle de pureté qui déclare qu’un juif se met en situation d’impureté rituelle s’il entre en contact avec un païen.

Nous savons que pour Jésus, la loi est faite pour les humains et non l’inverse. On peut supposer que le centurion « qui avait entendu parler de Jésus » n’ignorait pas que ce dernier, plaçant la loi de l’amour au-dessus de tout, allait sans réticence à la rencontre des païens, même si cela lui attirait des ennuis. En évitant de rencontrer Jésus, le centurion de Luc se préoccupe certainement de le protéger. Ce qui rend admirable ce centurion n’est donc pas seulement son humilité et la grande foi dont Jésus fait un vibrant éloge, mais aussi sa prévenance et son respect des coutumes d’autrui, d’autant plus que, vue de l’extérieur, la loi voulant qu’un juif contracte une souillure en s’approchant d’un étranger apparaît comme raciste, méprisante, extrémiste.

Alors que Matthieu n’y fait même pas allusion, Luc insiste aussi sur la générosité du centurion. Les notables juifs qu’il envoie vers Jésus utilisent pour le convaincre, cet argument qui semble superflu: « Il mérite que tu lui accordes cette guérison. Il aime notre nation : c’est lui qui a construit notre synagogue. » Même sans ces mérites, Jésus aurait sans doute répondu à l’appel de cet homme en détresse, par pure miséricorde.

Mais c’est évident que dans cet évangile Luc ne veut pas fixer notre attention sur ce que fait Jésus, même pas sur l’exploit de guérir à distance. Le héros du jour, c’est cet homme d’exception, ce centurion païen, représentant de la puissance dominante, qui aime son esclave, se lie d’amitié avec les juifs dominés, se montre généreux envers eux, fait confiance à leur guérisseur et manifeste un respect scrupuleux de leurs mœurs. C’est un modèle de vertu que Luc nous donne à imiter.

Melchior M’Bonimpa