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Lc

2021/08/30 – Lc 4, 16-30

By 2024-01-04janvier 12th, 2024No Comments

Jésus se trouve chez lui, à Nazareth. Le jour du sabbat, il entre dans la synagogue et veut faire la lecture des Écritures. On lui présente le livre d’Isaïe et il trouve un passage qui décrit sa mission prophétique. Il explique : « Cette parole de l’Écriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. » Ceux qui l’écoutent se demandent : « N’est-ce pas le fils de Joseph ?» Voyant leur manque de foi, Jésus leur déclare que la bonne nouvelle ainsi rejetée ira aux étrangers. Piqués au vif par cette provocation, ils cherchent à le faire mourir, mais il leur échappe.

Une comparaison de ce passage avec les variantes des deux autres synoptiques montre que la version de Luc est trois fois plus longue. Ici, la dramatisation est beaucoup plus élaborée que chez Marc et Matthieu. Il y a une réelle mise en scène : Jésus se lève, lit, commente la lecture, se heurte à la réticence de l’assemblée, se met en colère et provoque une riposte agressive des siens. En examinant ce que le texte de Luc ajoute à ceux des deux autres évangélistes, on découvre le message qu’il veut transmettre et qui lui est propre. Chez Luc, Jésus prend l’initiative de faire la lecture de l’Écriture. On lui donne le livre d’Isaïe où il trouve un passage qui définit sa mission et précise les bénéficiaires privilégiés de celle-ci: les pauvres, les prisonniers, les aveugles, les opprimés. Trois chapitres plus loin, on retrouve une énumération plus longue des destinataires de la bonne nouvelle : « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres… » (Lc 7, 23).

Dans l’évangile d’aujourd’hui, l’innovation de Luc par rapport à ce que contient le récit du même épisode chez Marc et Matthieu se trouve ensuite dans les exemples dont Jésus se sert pour rappeler que déjà, dans l’ancienne alliance, Israël n’a pas eu le monopole de l’affection de Dieu. Alors que sévissait une longue famine, il y avait beaucoup de veuves en Israël, mais Élie fut envoyé dans le pays de Sidon, à une veuve de Sarepta. Alors qu’il y avait beaucoup de lépreux en Israël, Élisée ne purifia que Naaman le Syrien. On dirait qu’il y a ici un clin d’œil à l’actualité, aux peuples qui s’affrontent encore dans cette région du monde : une Libanaise et un Syrien ont bénéficié de faveurs que n’ont pas eues les ressortissants du peuple choisi! Mais retournons au temps de Luc: dans ce texte, l’intention évidente de l’évangéliste est de mettre « les siens », c’est-à-dire les païens, sur la liste des destinataires prioritaires du salut. La miséricorde de Dieu ne va donc pas seulement à la rencontre de la misère des déshérités d’Israël, mais aussi aux « nations » qu’une religion tribale rejetait dans les ténèbres extérieures. Comme chez Paul avant lui, il y a dans l’évangile de Luc une formidable relativisation de la notion de « peuple élu » : en Jésus-Christ, l’humanité entière peut accéder au salut. Même de nos jours, cette exigence d’inclusion ou d’universalité n’est pas caduque.

Melchior M’Bonimpa