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Mt

2023/12/04 – Mt 8, 5 – 11

By 2024-01-04janvier 14th, 2024No Comments

L’évangile que la liturgie nous propose aujourd’hui parle d’un centurion de Capharnaüm qui demande à Jésus de guérir son serviteur « couché à la maison, atteint de paralysie et terriblement souffrant. » Sans exiger plus de précisions, Jésus répond à la requête : « Moi j’irai le guérir. »  On peut penser qu’il manifeste ainsi sa totale disponibilité, mais ce n’est probablement pas ce que comprend le centurion. À la place de ce dernier, n’importe qui aurait jubilé et conduit Jésus au chevet du malade sans aucune hésitation. Or, le centurion bloque la solution proposée : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement un mot et mon serviteur sera guéri. »

En fait, si le centurion avait accepté immédiatement la suggestion de Jésus, cela aurait pu indiquer un déficit dans sa foi : il aurait douté que Jésus soit capable de guérir à distance. À cette époque, le thaumaturge par excellence était celui qui pouvait guérir par la pensée pure, sans aucun besoin de voir le malade, de l’entendre, de le toucher, de le sentir, d’établir un contact physique avec lui. Ce qui est sous-entendu par les mots du centurion est donc ceci : « Je ne doute pas que tu aies le pouvoir de guérir à distance. »

Puis le centurion se lance dans une justification de son attitude en avançant un argument qui, à première vue, semble plutôt  compliqué et boiteux. Il a cent soldats à ses ordres. Il a aussi des esclaves! S’il dit à l’un de ses soldats « Va » il va, à un autre « Viens » il vient. S’il dit à son esclave « Fais ceci » il le fait. Le parallélisme semble évident : Jésus est crédité du pouvoir de commander en disant à la maladie « Disparais ». Mais peut-on assimiler la maladie à un soldat ou à un esclave, comme si elle était au service de Jésus et pouvait recevoir des ordres?

Une meilleure compréhension de l’ensemble du texte consisterait à souligner l’affirmation qui précède l’allégorie dont on vient de montrer l’aspect problématique. Le centurion déclare: « Ainsi, moi je suis soumis à une autorité… » On sait qu’ultimement, c’est l’empereur de Rome qui représentait cette autorité. Ce morceau de phrase attire donc l’attention sur autre chose que l’attribution à Jésus du pouvoir de commander. En fait le centurion souligne l’obéissance et la loyauté absolues de celui qui est  au service d’un pouvoir plus grand que lui. De même que l’autorité du centurion procède de l’empereur, de même, l’autorité de Jésus procède de Dieu lui-même.

Jésus fut plein d’admiration et dit à ceux qui le suivaient : « En vérité, je vous le déclare, chez personne en Israël je n’ai trouvé une telle foi. » Cela veut dire que chez ce païen, bien plus que chez ses congénères, on rencontre une saisie pénétrante de ce que le Fils de l’homme représente réellement. Le centurion a compris qu’il n’était pas en présence d’un thaumaturge parmi tant d’autres. En Jésus, le pouvoir de guérir coïncide avec une « épiphanie » sans équivalent dans toute l’histoire du salut : Dieu se donne à toute l’humanité et pas seulement à Israël. Cet accent radicalement universaliste est tout à fait évident si l’on ajoute à l’évangile d’aujourd’hui (Mt 8, 5-11) les deux versets qui ont été exclus, sans doute pour éviter une mauvaise actualisation prêtant à Jésus des propos antisémites. Le texte complet aurait dû être Mt 8, 5-13. Pris dans leur contexte, les deux derniers versets censurés signifient simplement que le temps de l’exception est révolu et qu’en Jésus, Dieu se fait tout à tous. Ces deux versets expriment donc la leçon à tirer de toute l’histoire, le courage qu’exige la proclamation du Kaïros: « Les temps sont accomplis », tirez-en toutes les conséquences, s’il vous plaît!

Melchior M’Bonimpa