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MtNon classifié(e)

2022/12/28 – Mt 2, 13-18

By 2024-01-04No Comments

Dans notre humanité corrompue par le péché, l’injustice et la violence, ce sont les êtres les plus fragiles qui sont les victimes. Pensons aux enfants devenus soldats malgré eux, qu’on oblige à tuer et… à se faire tuer, à ceux qui doivent travailler dans des conditions révoltantes, … Le monde ancien n’était pas meilleur que le nôtre, il écrasait les enfants d’une manière encore plus cruelle. Quand on ne s’en était pas débarrassé avant leur naissance, on les abandonnait souvent. Chez les Romains, la coutume voulait qu’on dépose l’enfant nouveau-né sur les genoux de son père, qui décidait si son enfant vivrait ou non.

Dans cette veine de la violence et de la cruauté, Hérode dépassait les tyrans de son époque. Comme tous les ambitieux, il était hanté par le soupçon et il éliminait sans hésitation toutes les personnes qu’il soupçonnait, même celles qui lui étaient les plus proches. C’est ainsi qu’il fit exécuter sa belle-mère, son épouse et trois de ses fils. Pour l’évangéliste Matthieu, Hérode réincarne le terrible pharaon, qui, au temps de Moïse, voulait exterminer, par un génocide programmé, tous les enfants mâles des Juifs.

Consultées par Hérode, les autorités juives avaient indiqué exactement le lieu où le Messie devait naître, mais personne d’entre eux ne s’est déplacé. Ce sont des étrangers, les Mages, qui ont cru et qui ont manifesté leur foi par leur démarche. Ces autorités juives, associées ici à Hérode, préfigurent celles qui rejetteront et condamneront à la crucifixion le Christ Jésus.

Les enfants de Bethléem, massacrés par Hérode, nous rappellent les bébés juifs que le pharaon noyait dans le Nil. Pourquoi célèbre-t-on leur sainteté, alors qu’ils n’étaient ni conscients, ni libres pour croire en Dieu et en son Envoyé? Très tôt, la piété populaire, confirmée par l’Église, a célébré leur mémoire en les déclarant « Saints Innocents. » Nous oublions trop facilement que nous ne sommes pas des êtres isolés, indépendants, repliés sur nous-mêmes. Ces enfants se rattachaient inconsciemment au Sauveur qui venait de naître parmi eux. Ils étaient solidaires, associés au Christ Jésus, et participaient par avance à sa passion.

En dépit de ce stratagème d’Hérode et de ce massacre répugnant, la cruauté de la violence et de la haine n’aura jamais le dernier mot. La sagesse et l’amour de Dieu l’emportent toujours sur la force brutale. Par son ange, Dieu déjoue le stratagème du tyran. Il ordonne à Joseph de partir avec « l’enfant et sa mère » pour l’Égypte, la terre traditionnelle des réfugiés. Mais il ne lui donne pas d’autres précisions, sur l’endroit exact de son séjour et sur le temps de cet exil. Joseph ne pose pas de questions, il obéit, modèle de disponibilité, qui accomplit exactement ce que l’ange lui a ordonné. Le salut dépend toujours de cette parfaite confiance dans le plan mystérieux de Dieu.

À son retour d’Égypte, Jésus réactualise l’Exode de son peuple, que Dieu a délivré de la terre de l’esclavage, pour l’orienter à travers le désert vers la liberté, vers la Terre promise. Dans cette citation du prophète Osée (11,1), le Seigneur prend son peuple près de lui et lui donne le titre de « Mon Fils ». En appliquant cette déclaration divine à Jésus, Matthieu veut signifier que le Christ est le peuple de Dieu, qu’il l’incorpore en lui, pour cheminer avec lui vers la Terre promise, la terre de la liberté, de la vie et du bonheur.

En conclusion, Matthieu rappelle la prophétie du prophète Jérémie (31,15), qui décrit la tragédie des Juifs exilés à Babylone, sur lesquels leur mère, Rachel, se lamente. Jésus prend sur lui toutes les misères, toutes les souffrances, celles des exilés et celles des mères éprouvées par la violence et la cruauté. Les mères des « Saints Innocents » et toutes celles et ceux qui ont mis leur confiance en Dieu semblent écrasés et vaincus par les violents, comme le Christ condamné et exécuté. Mais la réponse de Dieu éclatera dans la résurrection de Jésus, qui prouvera que son amour n’est jamais vaincu. Les exilés de Babylone et tous ceux qui gisent loin de Dieu reviendront dans la Terre, dans la patrie qu’il leur avait promise.

Jean-Louis D’Aragon SJ

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