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Jn

2022/06/06 – Jn 19, 25-34

By 2024-01-04No Comments

L’Évangile de Jean présente la mère de Jésus seulement en deux circonstances, au tout début de la mission de son Fils et à la fin, à son sacrifice sur la croix. Aux noces de Cana, elle avoue à Jésus la honte et la pauvreté des époux, qui représentent notre humanité: ils n’ont plus de vin, ils n’ont plus la source de joie. C’est l’aveu de notre pauvreté humaine radicale.  Par la suite, Marie enseigne aux serviteurs la disponibilité, cette ouverture du coeur à la volonté du Christ: « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5). Les serviteurs représentent tous les disciples de son Fils, qui comblera leur pauvreté en raison de leur accueil dans la confiance.

Au pied de la croix, Marie se retrouve associée au disciple que Jésus aimait. Depuis le repas d’adieu, la veille, ce disciple apparaît pour la première fois dans l’Évangile et il occupe une position privilégiée, sur la poitrine de son Seigneur (Jn 13,23). Il vit dans une communion intime avec Jésus , tout comme celui-ci vit dans l’union avec son Père (Jn 1,18). Ce disciple est l’auteur du 4e Évangile (Jn 21,24), que les membres de sa communauté ont idéalisé pour le hisser comme le modèle de tout chrétien. Ainsi, il se trouve en compagnie de Pierre durant la tragédie de la passion de Jésus: familier du grand prêtre, il peut introduire Pierre dans la cour intérieure où Jésus comparaît (Jn 18,16). Au matin de Pâques, il court plus vite que Pierre pour atteindre le tombeau de Jésus et il est le premier qui croit dans la résurrection de son Seigneur (Jn 20,8).

Lorsque le Christ s’offre en sacrifice sur la croix, il est en mesure de donner à tous ceux qui croient en lui une vie nouvelle et il crée une famille unie par l’amour. S’adressant à sa mère, « Voici ton fils, mère », puis à son disciple, « Voici ta mère », Jésus emploie les formules rituelles d’adoption dans le monde ancien. Par cette déclaration, Jésus introduit son disciple, et ceux qu’il représente, dans sa propre famille. Dans ce disciple idéal, Jésus voit tous ses frères et soeurs croyants, qui participeront à sa propre filiation envers sa mère.

Le Seigneur Jésus associe tous les siens dans sa famille humaine. Le matin de Pâques, il les introduira tous dans sa famille divine, en donnant cette mission glorieuse à Marie de Magdala: « Va dire à mes frères que je monte vers mon Père, qui est aussi votre Père, vers mon Dieu, qui est aussi votre Dieu » (Jn 20,17) À la suite de sa glorification, ses disciples sont maintenant ses « frères », membres de sa famille. Ayant introduit les siens dans sa famille humaine, le Christ leur annonce maintenant que son sacrifice sur la croix les élève dans la famille de Dieu, le Père de tous.

Le monde pervertit encore ici la loi de Dieu. On encourrait une im­pureté rituelle en laissant les cadavres en croix le jour du sabbat, qui, selon l’évangéliste, coïncidait cette année-là avec la fête de Pâque. Les Juifs dési­rent assurer leur sécurité en observant littéralement la prescription de Dieu, alors qu’ils viennent de rejeter Dieu lui-même présent dans son Fils en le conduisant à la mort. La fraction des jambes accélérait l’asphyxie du cruci­fié, qui ne pouvait plus dégager ses poumons pour respirer.

L’évangéliste souligne avec une telle insistance l’incident de l’eau et du sang coulant du côté transpercé de Jésus, afin d’inciter son lecteur à en dé­couvrir le sens caché. Il cite tout d’abord deux témoins, dont l’un est Dieu lui-même. L’autre, probablement le disciple bien-aimé, porte explicitement té­moignage, dont on garantit la véracité. Enfin, seul exemple dans les évan­giles, deux prophéties confirment le mystère qui s’est produit. La 1ère épître de Jean (5,5-8) se base sur ce phénomène pour affirmer que l’eau, le sang et l’Esprit convergent dans un unique témoignage, celui par lequel Dieu nous révèle sa vie divine et nous la communique.

Le sang répandu, dans lequel se trouve la vie, montre que le sacrifice de l’Agneau pascal fut bien réel. Cet Agneau, comme toute victime régénérée dans le sacrifice, sera consommé par les croyants pour donner et développer la vie nouvelle et glorieuse du Christ, spécialement dans l’eucharistie (6,53-38). L’eau symbolise l’Esprit Saint (7,38s), qui communique la vie nouvelle au croyant uni au Seigneur ressuscité.

Le cité (Ex 12,46) stipule dans le rituel de la Pâque juive qu’on ne doit pas briser les os de l’agneau. Jésus apparaît ainsi comme le véritable Agneau, dont l’agneau pascal était l’image.

Dans la seconde prophétie (Zach 12,10), ceux qui regardent se sépa­rent en deux groupes d’après leur attitude à l’égard du Crucifié. Les pre­miers sont des révoltés, qui rejettent l’Envoyé de Dieu et qui se condamnent eux-mêmes (Apoc 1,7). Les autres le regardent avec foi pour s’unir à lui et re­cevoir la vie (Jn 3,14s).

Comme partout dans le 4e Évangile, la personne, les actions et les paroles du Christ provoquent la division chez les humains. Cette scène du Calvaire montre le don ultime de Dieu dans son Fils, victime de la brutalité humaine. Tel est le cœur du mystère d’amour du Seigneur : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… » (Jean 3,16). Confronté à ce mystère, toute personne doit décider librement. C’est dans cette décision que consiste le jugement. Ce n’est pas Dieu dans son Fils qui juge, car il le déclare : « Moi, je ne juge personne. » (Jean 8,15) mais bien la personne humaine qui se juge  elle-même, en refusant librement le don de Dieu dans son Fils, ou en adhérant par la foi au sacrifice du Christ, qui transforme la mort en résurrection.

Jean-Louis D’Aragon SJ

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