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2024/01/31 – Mc 6, 1-6

Jésus, avec ses disciples, revient à Nazareth. Le jour du sabbat dans la synagogue, il enseigne. Les gens sont frappés par sa sagesse et ses miracles. Ils sont même choqués parce qu’ils le connaissent lui, le charpentier, et sa parenté. Jésus cite un proverbe: un prophète n’est méprisé que dans son pays et sa famille. Il ne pouvait accomplir aucun miracle sauf quelques-uns et il s’étonnait de leur manque de foi. Il parcourt alors les villages d’alentour en les enseignants.

Jésus a commencé son ministère public dans la région de Capharnaüm, près du lac de Gennésareth. A Nazareth, on a entendu parler de sa prédication, de ses miracles et des foules qu’il attirait. Il revient maintenant pour la première fois à son village. Il continue à faire ce qu’il faisait: le jour du sabbat dans la synagogue il enseigne. Selon son habitude, Marc ne donne pas le contenu de cet enseignement. L’auditoire est d’abord frappé. Mais des objections surgissent: où a-t-il pris cette sagesse? On sait qu’il n’a pas étudié auprès d’un maître: on le connaît et on connaît sa vie. C’est la vie d’un charpentier, quelqu’un qui fait de la construction. Il n’est pas riche mais il n’est pas pauvre non plus. Il a un métier qui est moins pauvre que celui qui cultive une terre et il ne se comptera jamais parmi les pauvres. On connaît sa parenté. En disant qu’il est le fils de Marie, le seul endroit où la mère de Jésus est nommée dans l’évangile de Marc, plutôt que de nommer son père, le texte reflète probablement la croyance de la communauté de Marc dans la naissance virginale. Marc en profite pour donner des détails sur sa parenté. Il ne donne pas le nom de ses soeurs mais il donne des noms pour ses frères, qui représentent plutôt des parents plus ou moins proches puisqu’on sait que José et Jude, donnés comme frères, sont en fait des fils d’une autre Marie que la mère de Jésus (Marc 15,40).

Pour l’auditoire, cette connaissance du métier de Jésus et de ce qu’il avait toujours fait, de même que la connaissance de la parenté, devient un obstacle qui non seulement les empêche de recevoir ses paroles mais encore le fait considérer comme un imposteur. Jésus cite un proverbe qui s’applique non seulement à un prophète mais bien souvent aussi à quiconque est en avant de son temps. Marc nous a déjà montré que sa famille, au sens large, était opposée à sa prédication ou bien à son immense succès. Ils avaient essayé d’aller le chercher à Capharnaüm pour l’arrêter de parler parce qu’ils pensaient qu’il avait perdu la tête (Marc 3,21). Après tout, Jean Baptiste était en prison pour avoir trop parlé!

Marc en profite pour faire un lien étroit entre la foi et les miracles. Là, il ne pouvait faire aucun miracle et Jésus s’étonnait de leur manque de foi. Les miracles de Jésus ne sont pas des gestes magiques ou des remèdes automatiques. Ils présupposent une rencontre où la personne de Jésus est complètement acceptée, comme Jaïre ou comme la femme qui souffrait d’une maladie incurable (Marc 5,21).

Mais comme le disent aussi les autres évangélistes, c’est ce refus qui devient l’occasion pour d’autres de recevoir la Bonne Nouvelle qu’apporte Jésus: Il parcourait les villages d’alentour en enseignant.

Jean Gobeil SJ 

2024/01/30 – Mc 5, 21-43

Au bord du lac, une foule s’est assemblée autour de Jésus. Un chef de synagogue nommé Jaïre vient supplier Jésus de venir imposer les mains à sa petite fille qui est entre la vie et la mort. Jésus part aussitôt avec lui. Une femme qui souffrait d’une maladie incurable veut toucher le vêtement de Jésus pour être guérie.  Jésus se rend compte qu’une force est sortie de lui et demande qui dans la foule l’a touché. Les disciples lui font remarquer que la foule le presse de tous côtés. La femme guérie se jette à ses pieds. Jésus lui dit: « Ta foi t’a sauvée. Va en paix. » On annonce la mort de la petite fille. Jésus rassure le père en lui disant de croire. Arrivé à la maison, il fait sortir tout le monde et, avec le père et le mère et aussi quelques disciples (Pierre, Jacques et Jean), il va où est l’enfant, la prend par la main et la fait se lever en lui disant: Thalita koum..  Les gens sont bouleversés mais Jésus recommande le silence, puis il suggère de faire manger la petite fille.

C’est un texte rempli de détails. Ce sont les souvenirs d’un témoin oculaire comme le nom du chef de synagogue et la parole de Jésus en araméen. Mais ce sont les souvenirs d’un conteur qui relate à mesure que ces souvenirs reviennent, donc pas nécessairement en ordre, comme l’âge de la petite fille qui nous est dit quand tout est fini! Ce sont des souvenirs qui ne sont pas retouchés ou édités, comme l’ignorance de Jésus sur qui l’a touché, une ignorance qui embarrassera Matthieu et Luc, de même que la remarque fort cavalière des disciples: « Comment peux-tu demander cela quand tout le monde te presse? «

Ce récit est pourtant dans la ligne de la présentation de Jésus par Marc: il est celui que Jean Baptiste annonçait comme plus puissant que lui; il avait reçu l’Esprit et affrontait les esprits mauvais qui devaient lui obéir. Il affrontait aussi les différentes forces du mal comme la lèpre et les maladies. Les deux femmes ici représentent des cas très graves. L’une a une maladie incurable: les médecins ne peuvent rien faire. En outre, comme il s’agit d’une perte de sang, elle est rituellement impure et ne doit toucher personne. L’autre finalement est considérée comme morte: les gens ont commencé les lamentations funèbres. Il suffit d’une parole de Jésus pour la ramener à la vie. Et pour la première, il a suffi qu’elle touche au vêtement de Jésus. Le Messie puissant est à l’oeuvre.

Mais les deux cas illustrent bien la démarche de la foi. Le père demande à Jésus de venir pour que sa petite fille soit sauvée.  La femme pense: Si je parviens à toucher son vêtement, je serai sauvée.  Et Jésus lui dit: Ta foi t’a sauvée. Ce sont donc deux beaux exemples de foi. La réponse de Jésus est irrésistible: avec le père, il se met tout de suite en route pour aller chez lui. Au toucher de la femme, la rencontre dans la foi se fait immédiatement: elle est guérie non seulement de sa maladie mais aussi de l’impureté rituelle qui l’isolait des autres.

Finalement, en dessous des mots, il semble y avoir une marque de tendresse dans la façon de Jésus de parler de la petite fille. Les serviteurs de Jaïre lui disent: Ta fille. Jaïre, lui, parle de sa petite-fille.  Le narrateur, lui, parle de l’enfant. Mais pour la parole de Jésus en araméen, Marc emploie une sorte de diminutif (au neutre!) qu’on pourrait peut-être traduire par ma-toute-petite. Quand tout est terminé, Jésus, lui, continue d’être intéressé par la petite fille et recommande qu’on lui donne à manger. Il y a certainement une touche de familiarité et même de tendresse de la part de Jésus pour cette petite fille…

Jean Gobeil SJ  

 

2024/01/29 – Mc 5, 1-20

Pour ce lundi, le long passage proposé à notre réflexion décrit une scène  spectaculaire. L’événement se produit en terre païenne : dans la Décapole ou « au pays des Géraséniens ».  Le malade qui bénéficiera du pouvoir de Jésus est un fou furieux, que personne ne pouvait  maîtriser et qui hantait les tombeaux et les montagnes, se déchirant avec des pierres et poussant des cris affreux. Il semble donc que les humains aient abandonné ce forcené, l’estimant irrécupérable parce que son mal était sans remède : impossible aux simples mortels d’arracher cet individu à la foule de démons qui avaient élu domicile en lui.

Ce cas désespéré permettra une démonstration de l’étendue de la puissance de Jésus. Le possédé reconnaît cette puissance car, cette sorte d’Hercule détraqué se précipite vers Jésus, non pas pour l’attaquer et  le mettre en pièces  mais pour se prosterner devant lui. On s’attendrait à ce qu’il demande la guérison, comme c’est toujours le cas quand un malade rencontre Jésus, mais en fait, ce cinglé n’a même plus la faculté de la parole indépendante. Ce sont les démons qui parlent par sa bouche, le réduisant au rang d’un simple  instrument. Ils demandent à Jésus de les laisser tranquilles, mais c’est bien évident qu’il n’accèdera pas à cette requête en abandonnant le pauvre homme à leur empire.

La confrontation inévitable prend des allures étranges. Jésus intime aux démons de sortir de cet homme. En fait, il semblerait qu’ils aient un porte-parole qui en leur nom, engage la négociation avec Jésus. C’est lui qui supplie, (ne me tourmentes pas), qui révèle qu’ils sont « Légion », et qui insiste pour ne pas être envoyé hors du pays. Surprenante demande qui suggère que ces démons sont sédentaires ou qu’ils ne parviendraient pas à opérer en terre sainte, car, « hors du pays » signifie probablement « en terre d’Israël ». Et c’est ce porte parole qui finit par trouver une solution : « Envoie-nous dans les porcs pour que noue entrions en eux. » Il le leur permit, et le troupeau de porcs se précipita de la falaise dans la mer. Il y en avait environ deux mille.

Les porcs sont impurs. Comme les démons. On ne devrait donc pas regretter leur noyade, métaphore de  la domination irrésistible du Fils de Dieu. Mais en fait, tout ne finit pas bien! L’homme délivré des démons n’obtient pas le privilège de suivre Jésus. Ceux qui ont assisté à la scène du naufrage des porcs sont saisis de panique : ils s’enfuient, répandent la nouvelle, et à leur tour, ceux qui entendent leur récit sont saisis de crainte. Ils demandent à Jésus de s’éloigner de leur territoire. Mais pourquoi le supplient-ils de s’en aller? On pourrait avancer l’explication suivante.

L’acte de puissance que Jésus vient de poser signifie qu’il concentre en lui l’aspect redoutable du sacré : le tremendum.  Cet aspect du sacré est dangereux et l’on doit s’en protéger, même et surtout parce qu’il est attirant, un peu comme un feu  nocturne en plein air : les flammes captivent les insectes qui finissent par s’y brûler les ailes et tomber dans le brasier. Et si le texte n’était pas plus proche d’un conte fantastique que d’un reportage, il y aurait un autre argument pour souhaiter que le guérisseur de Nazareth retourne chez lui au plus vite : sa propre sécurité! Car, précipiter deux mille porcs dans la mer, c’est provoquer un désastre économique. Pour les gens de la Décapole, un porc n’est pas impur : c’est de la nourriture. Même de nos jours, un entrepreneur chrétien dont on provoquerait la banqueroute de cette manière réagirait violemment : il tuerait Jésus ou le poursuivrait pour dommages et intérêts.

Melchior M’Bonimpa

2024/01/27 – Mc 4, 35-41

Un correspondant de Californie me demandait récemment si la présente crise économique annonçait la fin du monde. Pour les spécialistes de la finance en effet, cette crise peut leur paraître la fin de leur monde. Lorsque leur bulle de la spéculation s’évapore, tout semble s’évanouir dans l’espace. Notre sécurité dépend évidemment de la valeur à laquelle on a rattaché sa personne. Or tout est relatif dans notre monde, un coup de vent peut tout balayer. Se raccrocher par la foi à l’Absolu est l’unique moyen d’assurer son avenir et sa sécurité.

La tempête apaisée par le Christ est un événement, qui a toutefois une signification symbolique au-delà de la réalité immédiate. Jésus avait enseigné toute la journée la foule qui l’écoutait sur le rivage. « Le soir de ce même jour », il invite ses disciples à « passer de l’autre côté du lac. » Ce passage vers l’autre rive n’est pas simplement un trait anecdotique, il peut signifier le passage du disciple vers l’au-delà de son existence terrestre. Des obstacles et des épreuves, symbolisés par la tempête sur le lac, rendent ce voyage  pénible et périlleux. Le vent s’engouffre subitement dans le couloir au nord du Lac de Galilée, où des vagues violentes peuvent atteindre six mètres de hauteur.

Lorsque cet ouragan s’élève, que les vagues se jettent dans la barque qui se remplit d’eau, les disciples sont effarés devant la perspective d’une mort imminente. Démunis en face des forces de la nature, ils ne voient aucun moyen de salut. Ils sont atterrés, car ils ne comptent que sur eux-mêmes. Jésus leur reprochera de ne pas avoir la foi, la confiance en sa présence, même s’il dort. Déjà auparavant, la même tentation tourmentera le fidèle des psaumes qui accuse le Seigneur d’être silencieux, de dormir : « Réveille-toi, Seigneur ! pourquoi restes-tu inactif ? (Ps 44, 24) Si on avait la foi, on aurait confiance en sa protection en vertu de sa seule présence, même s’il semble absent ou ne pas répondre.

Jésus nous donnera l’exemple parfait de cette confiance au dernier moment de sa mission, lorsqu’il remettra sa personne entre les mains de Dieu: « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Lc 23, 46). Cloué à la croix, Jésus est devenu le plus pauvre, complètement démuni, mais il se livre totalement à Dieu, apparemment absent. Endormi dans la barque qui menace de sombrer, Jésus dort, remettant sa personne entre les mains de Dieu. À son réveil, ressuscité par Dieu présent en lui, il a le pouvoir de commander aux forces du mal et de dominer les démons, que représentent les vagues rugissantes du lac.

L’existence humaine se déroule dans un combat incessant entre les forces de la vie et les puissances de la mort, en nous-mêmes et autour de nous. À certains moments, les épreuves nous amènent presque à l’anéantissement, à la mort. Nous nous sentons démunis, incapables de faire face à des défis qui nous paraissent démesurés, qui vont nous écraser. Si nous fixons notre regard seulement sur nous-mêmes, sur nos limites, l’angoisse s’empare de nous. Devant un cancer généralisé, que pouvons-nous faire? Regarder plus haut et au-delà de nos possibilités humaines.

Il faut se rappeler sans cesse que la peur surgit en nous dans la mesure où nous manquons de foi. Au général Abner, demeuré fidèle au Dieu d’Israël, mais apeuré par les menaces de la reine impie Athalie, le grand prêtre lui répond fermement: « Je crains Dieu, cher Abner, et n’ai point d’autre crainte »  (Jean Racine, Athalie, 1er acte). La foi bannit toute peur !

Jean-Louis D’Aragon SJ      

2024/01/25 – Mc 16, 15-18

Après la résurrection, Jésus donne aux Onze leur mission. Ils doivent proclamer la Bonne Nouvelle sans limites. Ceux qui croiront et recevront le baptême seront sauvés. Ceux qui croiront feront des signes en son nom: chasser les esprits mauvais, parler un langage nouveau, échapper à des dangers mortels, imposer les mains aux malades qui s’en trouveront mieux..

Dans la première lecture, Paul relate le récit de sa conversion. Il rapporte les paroles d’Ananie après qu’il lui ait fait retrouver la vue:

Le Dieu de nos pères t’a destiné à connaître sa volonté, à voir celui qui est le Juste et à entendre  la parole qui sort de sa bouche. Car tu seras pour lui, devant tous les hommes, le témoin de ce que tu as vu et entendu.      (Actes 22,14-15)

La mission de Paul est donc de s’adresser à tous les hommes. C’est cet aspect universaliste de son oeuvre qui l’a fait surnommer l’Apôtre des Gentils, aspect que l’on retrouve dans la conclusion de l’évangile de Marc: les apôtres doivent proclamer la Bonne Nouvelle sans limites. Comme Marc parle seulement de la vie publique de Jésus et surtout de ses actions, concrètement c’est toujours d’Israël qu’il s’agit. Luc avait profité de l’évangile de l’enfance, avec l’annonce des anges aux bergers et les paroles du vieillard Syméon au temple, pour indiquer que la personne du Christ dépassait Israël. De même, Matthieu, avec la visite des mages, laissait entendre que la réponse des non-juifs serait supérieure à celle des autorités religieuses et politiques d’Israël.

Marc a quand même deux récits qui montrent que ceux qui sont en dehors d’Israël ne sont pas exclus.  Il y a d’abord la guérison par Jésus de la fille d’une Syrophénicienne, c’est-à-dire d’une non-juive vivant dans le Liban actuel. Matthieu empruntera ce récit à Marc. Il y a ensuite la guérison d’un possédé dans le territoire de la Décapole, où l’élevage des porcs montre bien qu’on est en territoire non-juif. Or l’homme qui est guéri voulait suivre Jésus mais celui-ci lui confia plutôt la mission de témoigner parmi les siens de ce que Jésus avait fait. Ce récit est emprunté et par Matthieu et par Luc.

Mais dans les dernières paroles de Jésus que nous avons ici, les Onze ont reçu la mission de proclamer la Bonne Nouvelle sans limites. C’est leur mission et c’est ainsi qu’ils sont envoyés (apôtres).

Quand les communautés chrétiennes choisiront des gens pour les envoyer en mission, ils les appelleront apôtres. C’est ainsi que Barnabé et Paul, choisis par l’église d’Antioche et envoyés dans une première mission, sont appelés apôtres. Et Paul, à son tour, considérera que tout chrétien a reçu des apôtres la mission de témoigner selon la part que l’Esprit lui a donnée.

Jean Gobeil SJ 

2024/01/24 – Mc 4, 1-20

Jésus, assis dans une barque, parle à la foule qui est sur le rivage. Pour leur enseigner, il leur parle en paraboles. Un semeur jette du grain sur la terre. Une partie tombe sur le bord du chemin et elle est mangée par les oiseaux. Une autre partie est tombée sur un sol pierreux: le gain lève mais sèche faute de racines. D’autres graines tombent parmi les ronces et sont vite étouffées. D’autres finalement tombent dans de la bonne terre et donnent du fruit à trente, soixante, cent pour un. Jésus termine avec un avertissement: Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende.  Plus tard, c’est-à-dire loin de la foule, les Douze et d’autres compagnons demandent à Jésus le sens de la parabole, ce qui surprend Jésus. La semence, c’est la Parole qui est semée chez les gens. Les oiseaux représentent Satan qui vient enlever la Parole chez ceux qui l’avaient reçue. Les terrains pierreux représentent ceux qui croient un moment mais n’ont pas de persévérance. Les ronces représentent les soucis du monde qui peuvent étouffer la Parole. La bonne terre sont ceux qui accueillent la Parole et portent du fruit.

Il faut remarquer le début de ce texte. Il a des caractéristiques qui reviennent dans Marc comme ces explications mais qui sont plutôt des répétitions: Jésus monte dans une barque et s’assoit …..Il était sur le lac….la foule était au bord du lac……sur le rivage…. Ce n’est pas un style écrit; c’est un style parlé. C’est quelqu’un qui raconte en revivant ses souvenirs. Il a besoin de confirmer ou vérifier chaque étape. On peut voir et entendre un pêcheur assis sur le quai, en train de réparer ses filets, racontant, avec beaucoup de pauses,  une scène où il était présent, comme Pierre, que la tradition donne comme source de l’évangile de Marc.

La parabole que nous avons ici est plutôt une allégorie puisqu’elle contient plusieurs significations. Mais elle a le même but que la parabole. C’est ce que l’avertissement de Jésus vient rappeler. L’auditeur est invité à se demander quelle est sa place dans ce récit. A quelle catégorie appartient-il?  Il peut ignorer la question et refuser de répondre. Il sera alors un de ceux qui regardent sans voir ou qui entendent sans comprendre. C’est le sens de la citation d’Isaïe que Jésus utilise. La parabole n’a pas pour but d’obscurcir. Mais comme elle est une offre qui suggère, la conséquence est que la liberté de l’auditeur peut la refuser.

La parabole a l’avantage de toujours rester actuelle. Elle invite à la réflexion mais non pas d’une façon théorique. Elle demeure une interpellation pour le lecteur.

Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende.

Jean Gobeil SJ  

 

 

 

2024/01/23 – Mc 3, 31-35

Jésus est dans une maison où il y a beaucoup de monde. Sa mère et ses frères arrivent mais ils doivent rester dehors à cause de tous les gens assis autour de lui. Ils le font donc demander. On dit à Jésus: Ta mère et tes frères te cherchent. Jésus pose la question: Qui est ma mère? Qui sont mes frères? Il regarde autour de lui et dit: Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma soeur, ma mère.

Cette façon vague de Marc de parler de la famille de Jésus sans nommer personne peut représenter la parenté de Jésus en général. Il en a été question un peu plus tôt. Juste avant l’épisode précédent des scribes qui attribuaient les pouvoirs de Jésus à Satan et qui étaient ainsi en opposition à la mission de Jésus, les siens avaient été mentionnés comme étant eux aussi en opposition à cette mission. Ils disaient de Jésus qu’il était-hors-de-lui-même, ce qui peut avoir voulu dire qu’il avait perdu la tête. Après tout, on devait savoir dans la famille que Jean Baptiste avait été arrêté et que ce n’était pas le temps d’attirer l’attention. Ils veulent se-saisir-de lui: c’est le même mot qui est employé pour les soldats qui vont arrêter Jésus au jardin des Oliviers (14,44.46). Il n’y a donc aucun doute que ce groupe, lui aussi, est en opposition à la mission de Jésus.

Ils sont maintenant arrivés à la maison où se trouve Jésus. Ils ne peuvent entrer à cause de tous ceux qui sont déjà là. Marc précise leur position qui est importante: ils sont assis en cercle autour de Jésus. Ce n’est pas la cohue d’une foule. C’est la position de ceux qui sont là pour écouter un rabbin, pour se faire instruire comme des disciples. Ce sera la position de Marie, la soeur de Lazare, qui écoutait la parole de Jésus, assise aux pieds du Seigneur  (Luc 10,39) .

On transmet la demande à Jésus: Ta mère et tes frères sont là dehors qui te cherchent.

Jésus pose la question: Qui est ma mère? qui sont mes frères ?

Et regardant-autour: Jésus a cette façon spéciale de regarder avant de faire une déclaration importante. Il regarde ceux qui sont assis comme des disciples comme s’il les regardait un par un. Et c’est alors qu’il leur déclare: Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu

Sa vraie famille sont ceux qui écoutent la volonté de Dieu en l’écoutant. Il prend certainement une distance vis-à-vis de la parenté charnelle: cela ressemble même à une rupture avec ceux qui rejettent sa mission. Il rappelle où est la priorité. Ce rappel est important pour les auditeurs de Marc, les chrétiens de Rome, soumis à une persécution: leur appartenance à la communauté chrétienne les oblige parfois à une semblable rupture avec les liens du sang. C’est cette communauté qui est la vraie famille dont les membres s’appellent frères et sœurs.

Jean Gobeil SJ

2024/01/22 – Mc 3, 22-30

Il y a de ces jours où tout va mal et qu’on se sent lâché même par ceux dont le soutien devrait nous être acquis. L’évangile d’aujourd’hui relate l’un de ces jours dans la vie de Jésus. Les gens de sa « maison », de sa parenté, cherchent à « s’emparer de lui », l’estimant fou. Ce n’est probablement pas par amour qu’ils veulent le neutraliser : ils ont envie de se protéger en lui imposant le silence parce qu’il les met en danger par ses propos et ses gestes qui attirent des foules et provoquent la controverse.

Mais ils ne parviennent pas à leurs fins, car ils le trouvent en plein débat avec des gens très importants venus de la capitale: des scribes descendus de Jérusalem! Il ne s’agit pas d’une discussion tranquille et civilisée. Jésus est en train de se faire carrément insulter. On peut imaginer les scribes circulant dans la foule, faisant tout leur possible pour miner la crédibilité de Jésus en chuchotant à tous ceux qui veulent les entendre : « Il a Béelzéboul en lui »; « C’est par le chef des démons qu’il chasse les démons. » De nos jours, pour plus d’efficacité, ils distribueraient des tracts sur papier ou sur internet.

Jésus se rend compte qu’on est en train de le poignarder dans le dos. Il décide de faire face en interpellant ses détracteurs qui ne se savent pas déjà démasqués.  Il les fait venir et leur dit : « Comment Satan peut-il expulser Satan?… Si Satan s’est dressé contre lui-même et s’il est divisé, il ne peut pas tenir, c’en est fini de lui. » Très drôle : le génie des « paraboles » recourt maintenant à la logique pure et dure et mobilise le principe de la non-contradiction contre ses adversaires.

Dans la version de Matthieu du même épisode, Jésus recourt en plus à un argument « ad hominem » qui met en cause la cohérence des scribes dans leurs vies et dans leurs relations. En effet, ils ont des disciples qui font exactement la même chose que Jésus : ils soulagent des personnes tourmentées par des esprits mauvais. Ils s’acquittent de la même mission consolatrice que Jésus dans la situation limite que vivent les Juifs dont la nation est menacée de suppression. La menace n’était pas une lubie : elle s’est effectivement concrétisée. Mais avant, le cul-de-sac historique ou l’avenir bouché détraquait la santé mentale des compatriotes du guérisseur de Nazareth. Et Jésus n’était pas le seul thaumaturge ou exorciste qui tentait de réconforter les siens.

Chez Matthieu, Jésus pose donc aux scribes cette question : « Si c’est par Béelzéboul que moi, je chasse les démons, vos disciples, par qui les chassent-ils? » En fait, Jésus reconnaît indirectement que leurs disciples exerçant le ministère de la guérison annoncent à leur manière la venue du royaume. Et il met en garde les scribes aveuglés par la mauvaise foi : « Vos disciples seront eux-mêmes vos juges. »

N’en déplaise à Ivan qui, dans Les frères Karamazov, prétend que la souffrance infligée aux enfants n’est pas pardonnable, Jésus déclare que tout sera pardonné, y compris son assassinat par ceux qui ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Seul le « blasphème contre l’Esprit Saint » restera à jamais sans pardon. Et ce blasphème n’est rien d’autre que l’impénitence absolue qui rend impossible le pardon. Dieu fasse que le groupe des blasphémateurs contre l’Esprit Saint soit pour toujours un ensemble vide !

Melchior M’Bonimpa

 

2024/01/20 – Mc 3, 20-21

Cette scène et celle qui, par la suite, la complète (3, 31-35) nous surprennent et même nous déconcertent. Non seulement les membres de sa famille ne croient pas en Jésus, leur frère, mais ils jugent qu’il a perdu la raison, qu’il est fou! Comment comprendre cette intervention de leur part?

Le Christ Jésus est donc un scandale pour ses compatriotes juifs et même pour ses proches (1 Cor 1, 18s). Tout prophète doit affronter l’incompréhension des gens à qui il adresse son message, un message qui ne vient pas de lui, mais de Dieu qui nous dérange toujours. Jésus vient de Dieu, sa personne, son enseignement et sa manière d’agir incarnent le mystère de Dieu. Comment pourrait-on s’étonner qu’on ne le comprenne pas et que les siens en viennent à juger qu’il a perdu la raison? Le père de François d’Assise n’a-t-il pas dénoncé son fils à l’évêque de l’endroit, pour ensuite le renier? Avec une terrible franchise, Jésus préviendra les disciples qui le suivront: « On aura pour ennemis les membres de sa propre famille » (Mt 10, 36).

Deux univers s’opposent. L’un se prétend réaliste, proche des réalités terrestres, où il n’y rien d’absolu, où il faut être disposé aux compromis. L’autre apparaît utopiste, relevant du rêve, hors de la réalité dans laquelle on vit. Pour bien comprendre cette opposition, il est éclairant d’esquisser quelques traits contradictoires entre ces deux univers, ceux qui s’affrontent dans la scène que nous rapporte l’Évangile d’aujourd’hui.

L’univers des parents de Jésus

Pour quels motifs jugent-ils que Jésus a perdu la tête et qu’ils doivent le ramener à la maison? Il a quitté Nazareth où il exerçait le métier de charpentier qui assurait un revenu convenable pour vivre. Au lieu de cette sécurité, il a quitté subitement son foyer pour devenir un prédicateur itinérant. Aucune personne sensée quitterait un négoce bien rémunéré pour aller sur les routes, vivant au hasard des circonstances et n’ayant même pas un endroit fixe pour se reposer (Mt 8, 20).

En plus de cette vie itinérante sans sécurité, Jésus provoquait les autorités en place par son enseignement et sa manière d’agir. Jean Baptiste avait déjà été emprisonné, en attendant d’être exécuté, pour avoir dénoncé l’adultère du roi Hérode. Le même sort attendait probablement Jésus. De plus, il critiquait les Pharisiens et les docteurs de la Loi, que le peuple écoutait et admirait. La famille de Jésus pouvait prévoir un affrontement tragique avec les autorités de l’époque, politiques et religieuses, qui le submergeraient.

Jésus avait recruté autour de lui un petit groupe misérable, quelques pêcheurs du Lac de Galilée, un publicain converti et un nationaliste fanatique, tous des galiléens méprisés par l’élite de Jérusalem. Aucun homme sensé n’aurait choisi de tels amis pour favoriser sa carrière. Que pouvait-il espérer d’eux?

Les exigences de sa mission

À l’encontre des siens et de toute préoccupation humaine, Jésus dédaignait la sécurité que le monde recherche. Une règle unique le dirigeait, la volonté de Celui qui l’avait envoyé et la mission qu’il lui avait confiée. Rien ne pouvait s’opposer à la vérité de Dieu. Aussi Jésus était indifférent à l’opinion des gens autour de lui, même des dirigeants politiques ou religieux.

Pour devenir son disciple, il fallait le suivre dans cette intransigeance de la vérité. Le monde dira que le chrétien, le témoin du Christ, est un fanatique, n’acceptant aucune compromission. C’est la vérité qui est intransigeante, elle exige le renoncement à toutes les faussetés. Celui qui a découvert l’Absolu écarte tout ce qui est relatif. Jésus reflétait cet Absolu, au-delà de nos limites humaines, de nos hésitations et de nos doutes. Aussi les contemporains de Jésus et les foules à travers les siècles ont été fascinées par la vérité qu’il proclamait.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2024/01/19 – Mc 3, 13-19

Jésus monte sur une montagne. Il appelle ceux qu’il a choisis et il institue les douze pour l’accompagner et pour aller prêcher et avoir le pouvoir de chasser les esprits mauvais. Suit la liste des douze noms.

Lorsqu’on s’éloigne des rives du lac de Gennésareth, on monte nécessairement puisqu’il est situé à 230 mètres sous le niveau de la mer. Mais on doit parler de collines plutôt que de montagne. On veut donc nous faire voir dans la position de Jésus pour le geste qu’il va poser une image de Moïse sur le mont Sinaï alors qu’il est l’intermédiaire entre Dieu et le peuple d’Israël, les douze tribus de Jacob.

Marc répète qu’il fait les douze. Il fait quelque chose de spécial puisque ceux qu’il choisit sont déjà des disciples. Les apôtres comprennent qu’il a fait alors une sorte d’institution puisqu’après l’Ascension, alors que Judas est disparu, ils doivent compléter le groupe des douze. Donc, derrière cette institution, on peut voir que Jésus avait une intention spéciale. Comme le groupe des douze tribus représentaient le peuple d’Israël, le peuple de l’Alliance, les Douze de Jésus représentent le peuple de la Nouvelle Alliance. Ils sont le fondement de ce peuple nouveau comme le dit l’épître aux Ephésiens (2,20). L’Apocalypse dira que les 12 assises de la nouvelle Jérusalem portent le nom des apôtres (21,14).

Marc dit que la mission des Douze est d’être les compagnons de Jésus et d’être envoyés prêcher avec le pouvoir de chasser les esprits mauvais. Ils ont donc un double rôle. D’abord ils seront présents pour voir les actions du Christ et entendre ses paroles: ils deviendront ainsi des témoins du Christ. Mais en plus d’être des témoins, ils seront appelés à prendre part à l’oeuvre du Christ: ils seront envoyés annoncer la Bonne Nouvelle et partageront les pouvoirs du Christ pour montrer que le Royaume de Dieu est proche.

Dans les Actes des apôtres (1,15), lorsqu’il s’agit de trouver un remplaçant pour Judas, on donne les conditions requises pour ce poste. Il faut que ce soit quelqu’un qui ait accompagné Jésus depuis le baptême de Jean et qu’il ait été témoin de sa résurrection. Comme c’est Jésus qui avait eu le choix des Douze, les Onze maintenant ne veulent pas prendre sa place; ils procèdent donc par un tirage au sort, ce qui signifie toujours qu’on s’en remet à Dieu pour la décision.

On a compris que cette institution était pour la fondation de l’Eglise. Avec le temps et la disparition des témoins, on ne remplacera pas les vides: ainsi, lorsque Jacques le Majeur, un des Douze, sera exécuté par le roi Hérode Agrippa, il ne sera pas remplacé. Le témoignage est devenu le rôle de chaque chrétien.

Jean Gobeil SJ