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2023/12/07 – Mt 7, 21.24-27

Je crois, mais je ne pratique pas.” Combien de fois a-t-on entendu cette formule pour décrire sa condition spirituelle. Croire peut être rassurant, mais on ne fait aucun effort pour exprimer sa relation à Dieu. Pourquoi consacrer un peu de temps à la prière ou pour se joindre à une communauté qui célèbre l’eucharistie? Pourquoi perdre son temps dans une rencontre avec le Seigneur, qu’on soit seul ou avec un groupe? Un recensement nous révèle que la majorité des personnes se déclarent chrétiens, mais que très peu fréquentent une église sauf à Noël et à Pâques ?

Jésus a développé dans trois longs chapitres la charte de la vie chrétienne. Le “Sermon sur la montagne” suscite l’admiration d’un grand nombre, mais suffit-il d’admirer? Pour conclure tout son enseignement, Jésus affirme, dans deux images opposées, que sa parole exige de s’épanouir dans une conduite humaine qui la rende vivante et visible.

Chacun et chacune d’entre nous éprouvent des sentiments, réfléchit, possède des convictions qu’il exprime par la parole, mais tout ce processus humain débouche naturellement sur son action. Tout en nous s’ordonne à l’action et produit des fruits dans notre conduite. Celui qui ne se soucie pas d’agir, celui qui ne veut pas faire l’effort de rendre concrète sa foi, celui qui emprisonne en lui-même ses fragiles convictions, celui qui n’ose pas se compromettre, est comparable à un handicapé qui n’a plus de mains, ni de pieds. Il ressent, il désire, mais il ne fait rien. Il demeure impuissant. Ses pensées généreuses, son idéal de bonheur lui donnent l’illusion d’être en sécurité, en accord avec son Seigneur.

Si on ne pratique pas, on accepte par le fait même d’être inutile, on glisse lentement vers la stérilité et la désespérance. Combien de retraités sans occupation, sans motif de vivre, se sentent inutiles, dévalorisés à leurs yeux et descendent vers la dépression! Au contraire, des bénévoles, qui rendent service gratuitement, se sentent meilleurs après une action généreuse.

Toute parole et toute action pour son prochain permet de sortir de soi-même, d’entrer en communication avec les autres et avec Dieu. Autrement, on demeure seul, enfermé dans la pauvreté de sa solitude. Jésus nous enseigne que la vraie recette du bonheur, c’est l’ouverture aux autres, donner de son temps pour rendre son prochain heureux. Il est étonnant qu’on trouve soi-même le bonheur en le donnant aux autres.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2023/12/06 – Mt 15, 29-37

Près du lac de Galilée, Jésus monte sur une montagne et s’assoit. Des foules s’approchent. On dépose à ses pieds des malades: boiteux, aveugles, estropiés, muets et beaucoup d’autres. Jésus les guérit. La foule est dans l’admiration en voyant les gens guéris et ils rendirent gloire au Dieu d’Israël.  Jésus dit à ses disciples: J’ai pitié de cette foule. Ils n’ont pas mangé depuis trois jours et Jésus ne veut pas les renvoyer sans leur donner à manger pour qu’ils ne défaillent pas. Les disciples n’ont que sept pains et quelques poissons. Jésus ordonne à la foule de s’asseoir. Il prend la nourriture, rend grâce, rompt pains et poissons, les donne aux disciples pour qu’ils les donnent à la foule. Tous mangèrent à leur faim et il resta sept corbeilles pleines.

Jésus s’assoit: c’est la position des rabbins pour enseigner. On mentionne cette position avant le Sermon sur la Montagne et avant le sermon en Paraboles.  Jésus est le Maître qui enseigne. En ajoutant la mention qu’il est sur une montagne, Matthieu fait allusion au fait qu’il est le nouveau Moïse  Il apporte la Parole de Dieu. Saint Jean dira: Il est la Parole de Dieu.

On dépose des malades à ses pieds: il les guérit. La foule est dans l’admiration et les gens rendent gloire à Dieu. La chose étonnante est que c’est après les guérisons que Jésus dit:    J’ai pitié de cette foule.

Au-delà des besoins des malades, il voit un autre besoin encore plus grand que les maladies. Dans la foule qui est venue l’écouter, il y a une faim de la parole et de la présence de Dieu. C’est de cette faim dont Jésus a pitié. Ce que Jésus fera maintenant sera un signe de ce qu’il veut faire pour satisfaire cette faim. Il commence par la faim matérielle en fournissant une nourriture qui ne s’épuise pas. Moïse dans le désert avait obtenu la manne, une nourriture venue du ciel, pour les Israélites qui souffraient de la faim. Jésus est celui qui va apporter la vraie nourriture venue du ciel dont les sept pains et les poissons ne sont qu’une image. Ce sera une nourriture abondante comme l’indiquent les sept corbeilles de restes.

Pour que la leçon soit bien claire pour les disciples et pour ceux qui viendront après eux, Jésus emploie un geste qu’on ne peut pas ne pas reconnaître. Ce geste a quatre éléments: Jésus prend la nourriture, il rend grâce, il rompt la nourriture, il la donne aux disciples. C’est un geste liturgique qui sera repris à la dernière Cène pour l’institution de l’Eucharistie. Même le mot Eucharistie (eucharistèsas) est employé ici pour rendre grâce. La seule différence est qu’à la dernière Cène, c’est Jésus qui distribue le pain. Ici, Jésus fait faire la distribution par les disciples, ce qu’il continue à faire dans l’Eglise.

Jésus est le Maître qui apporte la parole du Père. Mais avec cette Parole, il apporte sa Présence qui restera même après son départ.

Jean Gobeil SJ 

2023/12/05 – Lc 10, 21-24

Dans la joie, et sous l’action de l’Esprit Saint, le Christ fait une prière de louange au Père pour sa révélation aux tout-petits. Dans sa bonté, le Père a tout confié au Fils qui est le seul à pouvoir révéler le Père. Ensuite il déclare bienheureux les disciples qui peuvent voir et entendre ce que les prophètes voulaient voir et entendre.

Le contexte prépare cette prière de Jésus. Soixante-douze disciples ont été envoyés en mission par Jésus pour ceux qui sont prêts à accueillir la paix qu’ils offrent. La paix représente tous les biens qu’apporte le salut. Les envoyés doivent annoncer que le Règne de Dieu s’approche et Jésus leur a donné les mêmes pouvoirs que lui-même pour faire des guérisons, ce qui inclut des exorcismes. Les disciples reviennent tout joyeux et disent:  Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom.

Jésus leur dit qu’il a vu Satan tomber du ciel devant les pouvoirs de ses envoyés. Le fait que les disciples exercent ces pouvoirs montre que l’empire des forces du mal s’effondre devant le Règne de Dieu. C’est de là que vient la joie du Christ et sous l’action de l’Esprit Saint il adresse sa prière de louange au Père. Les mentions de l’Esprit Saint et de la joie sont deux thèmes qui revenaient au cours de l’évangile de l’enfance pour manifester la présence du Règne de Dieu.

La prière commence par le vocable Père qui va revenir une seconde fois. Ce sera de la même façon que jésus adressera sa prière à Gethsémani dans Marc. Cette appellation traduit le lien personnel et unique qu’il y a entre lui et le Père de même que la connaissance qu’il en a et qui le fait l’unique médiateur de la révélation du Père, le Seigneur du ciel et de la terre.  C’est au début du chapitre suivant que Jésus révélera aux disciples la prière du Notre Père leur communiquant ainsi sa relation de Fils.

L’objet de la louange de cette prière est que Dieu se révèle non pas aux sages, c’est-à-dire aux scribes et aux experts de l’Ecriture qui refusent de reconnaître le Messie, mais aux tout-petits. Le mot signifie des petits enfants, ceux qui, à l’époque, n’ont aucun droit ni aucune reconnaissance dans la société. Il s’agit des simples, des humbles qui, eux, sont prêts à recevoir la bienveillance gratuite de Dieu. La prière se termine en louant la bonté de Dieu.

Ce qui suit est adressé aux disciples pour rappeler que c’est lui qui a la connaissance unique du Père et qu’il est donc le seul à être en mesure de communiquer cette connaissance. C’est comme le résumé et d’ailleurs l’essentiel de la personne de Jésus: il est celui qui vient révéler et communiquer la relation que Dieu veut avoir avec les disciples de Jésus, celle d’un Père.

Jean Gobeil SJ 

2023/12/04 – Mt 8, 5 – 11

L’évangile que la liturgie nous propose aujourd’hui parle d’un centurion de Capharnaüm qui demande à Jésus de guérir son serviteur « couché à la maison, atteint de paralysie et terriblement souffrant. » Sans exiger plus de précisions, Jésus répond à la requête : « Moi j’irai le guérir. »  On peut penser qu’il manifeste ainsi sa totale disponibilité, mais ce n’est probablement pas ce que comprend le centurion. À la place de ce dernier, n’importe qui aurait jubilé et conduit Jésus au chevet du malade sans aucune hésitation. Or, le centurion bloque la solution proposée : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement un mot et mon serviteur sera guéri. »

En fait, si le centurion avait accepté immédiatement la suggestion de Jésus, cela aurait pu indiquer un déficit dans sa foi : il aurait douté que Jésus soit capable de guérir à distance. À cette époque, le thaumaturge par excellence était celui qui pouvait guérir par la pensée pure, sans aucun besoin de voir le malade, de l’entendre, de le toucher, de le sentir, d’établir un contact physique avec lui. Ce qui est sous-entendu par les mots du centurion est donc ceci : « Je ne doute pas que tu aies le pouvoir de guérir à distance. »

Puis le centurion se lance dans une justification de son attitude en avançant un argument qui, à première vue, semble plutôt  compliqué et boiteux. Il a cent soldats à ses ordres. Il a aussi des esclaves! S’il dit à l’un de ses soldats « Va » il va, à un autre « Viens » il vient. S’il dit à son esclave « Fais ceci » il le fait. Le parallélisme semble évident : Jésus est crédité du pouvoir de commander en disant à la maladie « Disparais ». Mais peut-on assimiler la maladie à un soldat ou à un esclave, comme si elle était au service de Jésus et pouvait recevoir des ordres?

Une meilleure compréhension de l’ensemble du texte consisterait à souligner l’affirmation qui précède l’allégorie dont on vient de montrer l’aspect problématique. Le centurion déclare: « Ainsi, moi je suis soumis à une autorité… » On sait qu’ultimement, c’est l’empereur de Rome qui représentait cette autorité. Ce morceau de phrase attire donc l’attention sur autre chose que l’attribution à Jésus du pouvoir de commander. En fait le centurion souligne l’obéissance et la loyauté absolues de celui qui est  au service d’un pouvoir plus grand que lui. De même que l’autorité du centurion procède de l’empereur, de même, l’autorité de Jésus procède de Dieu lui-même.

Jésus fut plein d’admiration et dit à ceux qui le suivaient : « En vérité, je vous le déclare, chez personne en Israël je n’ai trouvé une telle foi. » Cela veut dire que chez ce païen, bien plus que chez ses congénères, on rencontre une saisie pénétrante de ce que le Fils de l’homme représente réellement. Le centurion a compris qu’il n’était pas en présence d’un thaumaturge parmi tant d’autres. En Jésus, le pouvoir de guérir coïncide avec une « épiphanie » sans équivalent dans toute l’histoire du salut : Dieu se donne à toute l’humanité et pas seulement à Israël. Cet accent radicalement universaliste est tout à fait évident si l’on ajoute à l’évangile d’aujourd’hui (Mt 8, 5-11) les deux versets qui ont été exclus, sans doute pour éviter une mauvaise actualisation prêtant à Jésus des propos antisémites. Le texte complet aurait dû être Mt 8, 5-13. Pris dans leur contexte, les deux derniers versets censurés signifient simplement que le temps de l’exception est révolu et qu’en Jésus, Dieu se fait tout à tous. Ces deux versets expriment donc la leçon à tirer de toute l’histoire, le courage qu’exige la proclamation du Kaïros: « Les temps sont accomplis », tirez-en toutes les conséquences, s’il vous plaît!

Melchior M’Bonimpa 

2023/12/02 – Lc 21, 34-36

Jésus multiplie les avertissements et les exhortations relatives à la venue du Fils de l’homme. La rencontre de ce personnage venant du ciel est à ses yeux d’une importance décisive. Jésus veut tellement notre bonheur qu’il répète à satiété ses conseils de prudence et de vigilance, comme des parents qui désirent de tout coeur que leur enfant soit heureux.

Le Christ craint pour nous l’usure du temps, qui enlève progressivement l’élan de la ferveur et qui nous enlise dans la routine. Rien de nouveau chaque jour, puisque nous répétons les mêmes gestes, sans ouverture sur l’avenir! Nous perdons de vue le but vers lequel toute notre existence devrait tendre. Nous en arrivons à l’impression de piétiner sur place, sans le ressort d’une vive espérance.

Ne pas se noyer dans le présent!

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus craint pour nous les plaisirs immédiats qui risquent de nous noyer dans le présent et qui accaparent toutes nos énergies pour nous enlever tout espoir dans l’avenir. Ils sont bien connus tous ces faux plaisirs, qui dansent autour de nous pour nous étourdir et nous alourdir: la recherche insatiable de l’argent, les jouissances sexuelles jusqu’à la débauche, la drogue et la boisson pour rêver d’une autre existence, en nous aliénant à nous-mêmes. Toutes ces fausses joies débouchent sur la déception et sur la tristesse, quand ce n’est pas le désespoir.

Peut-on rappeler la fable des trois démons comparaissant devant leur chef, pour lui expliquer le plan que chacun d’eux a imaginé afin d’entraîner les humains dans l’illusion, vers la ruine, le désespoir et la mort. Le premier a centré toute sa stratégie sur un slogan: “Dieu n’existe pas, vous avez toute liberté pour faire ce que vous voulez.” Mais Lucifer secoue la tête: “Ton plan ne réussira pas. Les chefs communistes en Russie ont propagé pendant des années une telle propagande et n’ont pas réussi. Dieu éclate tellement dans toute la création qu’il est impossible de nier son existence.”

Le second diable pense tromper les humains en les convainquant que leurs actions n’ont aucune conséquence, qu’ils peuvent agir selon leurs goûts, car il n’y a pas ni jugement, ni enfer. “L’homme est libre!” Mais son chef demeure sceptique: “Tu oublies que chaque être humain a une conscience qui le juge et dont le remords le torture. Un début de jugement et d’enfer existe déjà sur terre.”

Le troisième propose un projet qui semble, au premier abord, insignifiant et inefficace. “Moi, je vais leur dire et les convaincre qu’ils ont tout le temps, qu’ils doivent vivre et jouir dans le présent, le seul moment qu’ils possèdent vraiment. Pourquoi se torturer pour un avenir dont ils ne savent rien?”  Le chef des démons esquisse un sourire sadique, en approuvant ce plan: “Toi, tu réussiras. Les humains vont se relâcher et profiter de la vie, jusqu’à perdre toute leur énergie vers le vrai bonheur.”

 “Soyez vigilants!”

À l’encontre de ce programme diabolique, Jésus s’écrie: “Restez éveillés et priez en tout temps.” Nous sommes des êtres humains, ne vivant pas dans les rêves du sommeil, mais éveillés, libres et responsables, pour progresser dans l’espérance de la venue du Fils de l’homme, dont l’amour nous attend. Pour persévérer dans cette veille qui semble sans fin, le secours du Seigneur est absolument nécessaire. La communion dans la prière procure la force de surnager et d’avancer vers la rencontre bienheureuse de Celui qui nous a créés pour l’aimer.

 Quel bonheur!

La première lecture d’aujourd’hui (Apoc 22,1-7) nous décrit, en traits éblouissants, cette rencontre dans la béatitude. Dieu et l’Agneau sont l’unique source de l’eau qui donne la vie. Ceux et celles qui auront part à ce monde nouveau ne subiront ni souffrance, ni maladie, ni mort. Le trône, lieu de la présence de Dieu, remplace maintenant le temple. Le service liturgique évoque la communion intime des saints et des saintes avec Dieu et le Christ. La vision de Dieu, suprême bonheur, comblera les élus. Marqués au front, ils lui appartiennent de façon définitive, dans un règne sans fin.

À travers la voix de l’ange, le Christ répète le thème central de toutes les visions de l’Apocalypse: sa venue imminente. Dans sa prière de tous les instants, le chrétien répète : Marana tha, “Viens, Seigneur.”

 Jean-Louis D’Aragon SJ

2023/12/01 – Lc 21, 29-33

Pourquoi Jésus insiste-t-il si souvent sur la fin des temps et sur sa venue? Le terme de tout mouvement est le moment suprême, celui qui donne un sens à tout ce qui précède, soit, négativement, le vide et la ruine de ce qu’on pensait avoir réalisé, ou, positivement, le couronnement d’une histoire qui atteint son plein épanouissement. Le Christ annonce ici la Pâques ultime, le passage éblouissant du monde présent à l’ère de l’au-delà.

À l’époque de l’Exode, Dieu avait appelé son peuple à quitter l’esclavage en Égypte pour passer à la liberté, d’abandonner la mort pour aller vers la vie de la Terre promise. Cette “Pâque” était la préfiguration du passage que le Christ nous invite à franchir pour quitter ce monde de misère pour celui de la vie éternelle, qu’il nous invite à partager avec lui.

L’avenir demeure toujours l’inconnu qui inquiète ou même qui fait peur. Il suscite l’effroi, parce qu’on se regarde, pour estimer que nous n’avons pas la force pour dominer une situation nouvelle. Au contraire de cette réaction apeurée, Jésus nous enseigne la confiance et l’espérance. Pour la personne croyante, qui regarde avec foi son Seigneur et non pas elle-même, l’avenir n’est plus source de peur, mais d’espoir.

 Jésus et les premiers chrétiens

      Jésus aborde la dernière semaine de sa mission terrestre, qui culminera le vendredi suivant. Ce n’est ni l’angoisse, ni le doute qui l’agitent, mais c’est avec un regard de confiance et de sérénité qu’il aborde ce moment crucial. Son attitude héroïque devient l’exemple et la source de la persévérance des premiers chrétiens. Ils forment un groupe peu nombreux, pauvre, qui subit la persécution des Juifs et des Romains. Cette persécution s’étendra sur près de trois siècles, durant lesquels l’Église n’aura pas le droit légalement d’exister. Pour les Juifs devenus chrétiens, leur patrie, la Palestine, Jérusalem leur capitale, et le Temple, le sanctuaire sacré, ne sont plus que des ruines. Tout paraît susciter le désespoir.

 L’enseignement de Jésus

      La destruction du monde présent prélude à la naissance d’un monde nouveau. Jésus nous exhorte à ne pas nous installer dans le présent de l’esclavage. Un regard lucide sur les conditions dans notre monde nous révèle combien nous sommes esclaves, dépendant de la boisson, de la drogue, du plaisir sexuel,… La destruction de ce monde marque le début de notre salut, l’aurore du Règne de Dieu. Créés pour la liberté, nous devons couper les liens qui nous retiennent prisonniers, qui nous aliènent et qui nous empêchent d’être nous-mêmes.

L’espérance se ravive à la vue des bougeons de cette vie nouvelle. Jésus offre l’exemple du figuier. Toute la nature qui fleurit, au printemps, annonce la splendeur de l’été. La venue du Seigneur apportera cette explosion de lumière, de liberté et de vie. Pour y prendre part, il faut toujours être prêts, guetter l’aurore avec confiance et raviver sans cesse notre espérance.

 Jean-Louis D’Aragon SJ

2023/11/30 – Mt 4, 18-22

         Nous célébrons aujourd’hui la mémoire d’un apôtre, l’un des Douze qui rappellent et continuent le même peuple élu par Dieu, peuple descendant des douze patriarches et constitué par douze tribus. Ce groupe des Douze, que le Christ a choisi pour être ses témoins oculaires privilégiés, sont au point de départ de la tradition chrétienne.

           André, associé à son frère Simon, surnommé Pierre par Jésus, devint le premier disciple de Jésus (Jn 1,40). La tradition chrétienne l’a vénéré, en particulier l’Église de Constantinople et l’Église d’Écosse, qui l’ont choisi comme leur patron.

           Le Seigneur, dans l’histoire ancienne, a fait toujours les premiers pas pour instaurer un dialogue avec celui qu’il a choisi. Comme il est l’Amour, il interpelle et fait le premier geste, prenant  le risque d’essuyer un refus. Présent dans son Fils Jésus, Dieu manifeste toujours le même amour qui prévient et qui se compromet. En appelant des disciples, Dieu nous invite à réaliser des rêves qui dépassent tous nos petits projets, limités, mais qui ne visent que l’immédiat.

           L’appel de Jésus à deux groupes de frères se répète dans deux scènes parallèles, avec la même invitation et la même réponse. Suivre le Christ comprend d’abord une conversion, le renoncement à tout le passé. Dans le cas des deux groupes de frères, ceux-ci quittent immédiatement leur métier et, dans le second exemple, il laisse même leur père. Ce qu’ils quittent n’est nullement mauvais, mais ce passé n’entre plus dans la vocation qu’ils reçoivent. Pour devenir disciple du Christ, il faut marcher dans ses pas, délaissant tout ce qui se trouve en arrière ou en marge de cette voie vers l’avenir.

 C’est le sacrifice que le disciple consent par amour du Seigneur, croyant que Dieu lui rendra au centuple ce qu’il a abandonné: “Je vous ferai pêcheurs d’hommes.” Le Christ les prend avec leur expérience de pêcheurs, mais il élève leur identité à un niveau complètement supérieur. Dieu ne détruit nullement l’identité, le caractère, qu’il nous a donné, mais il le transfigure dans un registre jusque-là inconnu. Jésus ne fait pas simplement un jeu de mots, mais il exprime cette vérité que son appel modifiera totalement l’avenir de ses disciples, tout en conservant leur personnalité avec ses traits distinctifs.

           L’appel du Seigneur s’adresse à toute personne, qu’il a créée pour devenir son témoin dans l’histoire humaine. Tout être humain, créé par Dieu, entend son appel, il reçoit une vocation, celle du don de soi-même. Chaque personne n’est pas un numéro dans une série, mais il est un être unique, dont l’identité constitue sa richesse. En l’appelant, le Seigneur ne détruit rien en lui, au contraire. Il l’appelle à suivre son Fils dans une voie supérieure, qui comblera son désir de vie sans limites.

 Jean-Louis D’Aragon SJ

 

2023/11/29 – Lc 21, 12-19

Après avoir parlé de la fin du monde qui sera le temps de sa venue dans la gloire, Jésus parle du temps présent qui est le temps de l’Eglise. C’est un temps où le mal est encore présent et où les disciples de Jésus, à cause de leur appartenance, seront persécutés, arrêtés et amenés en jugement. Ils n’auront pas à s’inquiéter comment rendre ce témoignage. Jésus lui-même sera là pour inspirer leur langage et leur sagesse. Les contradictions et les dénonciations pourront venir de partout: à cause de leur appartenance à Jésus ils seront détestés de tous. Ils ne doivent pas s’inquiéter pour eux-mêmes mais pour obtenir la vie ils doivent continuer à persévérer.

Deux choses sont frappantes dans ce texte: la présence de Jésus et le devoir de persévérance.

Jésus avait déjà prévenu ses disciples que comme leur maître ils auraient à subir des attaques et des persécutions. Le même avertissement est donné ici mais il va plus loin que les disciples immédiats: les premiers chrétiens auront à subir la présence du mal à travers des pouvoirs religieux comme les synagogues et des pouvoirs politiques comme les rois et les gouverneurs. Mais les disciples n’auront pas à s’inquiéter pour rendre leur témoignage: le Seigneur sera présent avec eux. Cette assurance de la présence du Seigneur est d’ailleurs, dans Matthieu, la dernière parole de Jésus à ses disciples:

Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde.   (Matt.28,20)

Forts de cette présence, les disciples ont quand même le devoir de persévérer:

C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie.

Nous avons déjà dit que pour Luc, le temps après la résurrection est le temps où le Règne de Dieu est déjà présent; c’est le temps de l’Eglise. C’est le temps où la patience, la persévérance et la prière  sont importantes et sont des thèmes majeurs de l’évangile de Luc.

Jean Gobeil SJ

 

2023/11/28 – Lc 21, 5-11

Ce sont probablement des disciples qui sont avec Jésus dans le temple et qui admirent la beauté des pierres et les décorations faites par les offrandes votives. Jésus annonce qu’un jour tout cela sera détruit. Les disciples demandent quand cela arrivera et quels seront les signes que le moment est proche. Jésus les prévient de ne pas se laisser tromper par ceux qui annoncent que la fin est proche. S’ils entendent parler de guerres et de soulèvements ce ne sera pas tout de suite la fin.

Jésus continue (au verset 10) en donnant une description apocalyptique de cette fin qui est la venue du jugement final de Dieu: guerre nation contre nation, tremblements de terre, épidémies, famine, et des signes terrifiants dans le ciel.

Au temps de Jésus, le temple n’était pas encore complètement fini. Les travaux avaient été commencés  46 ans plus tôt (Jean 2,20) par Hérode le Grand qui, même à l’échelle de l’empire romain,  était un grand constructeur. On peut encore voir un mur, le mur de l’ouest où les Juifs vont prier, qui soutenait l’esplanade sur laquelle était bâti le temple. Les pierres de ce mur nous font soupçonner ce que pouvait être les portiques et le sanctuaire. Parfaitement rectangulaires et polies, avec une lisière légèrement encavée comme bordure, elles pèsent au minimum 2 tonnes mais des pierres angulaires qui forment les coins vont jusqu’à 50 tonnes.

Quelle peut être la réaction des disciples quand Jésus leur déclare que, de cette construction qu’ils admirent, il ne restera pas pierre sur pierre? Ils ont dû penser qu’il fallait que ce soit la fin du monde.  On en parle et on écrit beaucoup sur cette fin du monde au temps du Christ. Il y a, dans la Bible, la conviction que Dieu conduit l’histoire vers un but bien précis où le monde ancien, le nôtre, sera remplacé par le Monde nouveau. Pour redonner du courage à ceux qui souffrent de la présence du mal, la littérature apocalyptique, abondante au temps du Christ, donnent des images symboliques de cette fin pour essayer d’en transmettre l’importance. C’est ce que fait Jésus au moment où il parle de La Fin: des guerres, des tremblements de terre, des épidémies, des famines et surtout des signes dans le ciel comme les astres qui se décrochent de la voûte céleste. Mais ce ne sont pas des informations photographiques et Jésus les a avertis: si vous voyez des guerres n’allez pas croire que La Fin est proche. Surtout n’allez pas croire ceux qui disent que le moment est arrivé.

Ainsi la destruction du temple sera une fin: ce sera la fin du culte de l’Ancien Testament. Ce ne sera pas la Fin du monde. Et dans le verset qui suit immédiatement notre texte, Jésus revient sur l’avertissement qu’il faut conserver la vigilance et la persévérance:

Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et on vous persécutera … à cause de mon Nom. Ce sera pour vous l’occasion de rendre témoignage.    (Luc 21,12-13)

Jean Gobeil SJ

2023/11/27 – Lc 21, 1-4

Le texte proposé aujourd’hui à notre méditation est très bref: il ne comporte que quatre versets. Mais sa brièveté sert très bien le but que vise Jésus: un formidable coup de poing à ceux qui se flattent la bedaine, satisfaits du peu qu’ils font pour soulager la misère du monde. Le texte montre des riches qui versent des offrandes impressionnantes au trésor du temple. J’imagine qu’ils le font très ostensiblement pour se donner en spectacle. Puis une pauvre veuve y dépose deux piécettes, presque en se cachant.  Mais, c’est elle que Jésus élève au rang de modèle en matière de générosité, parce qu’elle a donné tout ce qu’elle avait alors que les riches n’ont pris que sur leur superflu.

Ce message est plutôt troublant si l’on tente de le replacer dans son contexte afin d’en tirer des leçons pour notre époque. Ainsi, quand j’ai appris que Bill Gates avait décidé de donner deux ou trois milliards de dollars pour la lutte contre le Sida en Afrique, ma réaction spontanée fut d’applaudir très fort en me disant: pour une fois, richesse et générosité ne s’excluent pas. Les artistes, ces fous désargentés, n’auraient produit rien de grand sans les mécènes qui, à toutes les époques, leur ont assuré le minimum vital pour leur permettre de créer des œuvres qui nous enchantent. Aujourd’hui, dans les pays développés, c’est l’État qui joue le rôle de mécène: sans subventions, nos maisons d’édition francophones, nos théâtres, nos galeries d’art ne survivraient pas. D’aucuns pourraient donc dire qu’attaquer tous les riches sans distinction, c’est jouer à l’enfant qui crache dans la soupe ou mord la main qui le nourrit.

Cela dit, l’éloge de la pauvre veuve qui offre de son indigence me rappelle une scène de mon enfance en Afrique. J’ai été témoin de la sainte colère d’un missionnaire qui hurlait: « Nous ne devons pas gaspiller l’argent des pauvres. » Je ne me souviens pas de ce qui a provoqué l’ire de ce religieux. Il y avait probablement des individus qui essayaient de lui soutirer des sous pour aller se soûler au bar. Dans le contexte, n’importe quel Blanc était considéré comme tout cousu de pistoles. De nos jours, on dirait qu’il est perçu comme un guichet automatique.

Sur le coup, je n’ai pas compris ce qu’il entendait par « l’argent des pauvres ». Longtemps après, je me suis retrouvé chez les Blancs et l’on m’a demandé d’aller prêcher dans diverses paroisses lors d’un « dimanche des missions ». C’était au Québec, dans la région du Lac Saint-Jean. Des trois paroisses où j’ai fait des sermons sur les pays de mission, je me souviens d’un seul lieu dont le nom  ne m’aurait pas étonné si je l’avais croisé dans la savane africaine: Péribonka!

Là, j’ai compris ce que le vieux missionnaire voulait dire par « l’argent des pauvres ». Les écoles, les centres de santé et toutes les « œuvres missionnaires » dont j’ai bénéficié plus que personne, étaient financés par de petits fermiers, des ouvriers et tout un tas de gagne-petit occidentaux qui, comme la veuve de cet évangile, donnaient de leur indigence lors de la quête dominicale. Plus que Bill Gates, ces pauvres qui, sans profiter d’une publicité tapageuse, aident d’autres pauvres, méritent d’être célébrés. Le missionnaire avait donc raison de s’irriter contre ceux qui le poussaient à détourner leur argent. Et Jésus a eu raison de surprendre tout le monde en accordant à la veuve une note parfaite et en collant un échec cuisant aux riches qui s’attendaient à avoir dix sur dix.

Melchior M’Bonimpa