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2023/06/010 – Mc 12, 38-44

Juste auparavant, Jésus a dénoncé la faiblesse de l’enseignement des docteurs de la loi. Maintenant, il condamne leur manière de se conduire et il la met en contraste avec la générosité d’une pauvre veuve.

De longues études dans les écoles rabbiniques étaient exigées pour être reconnus docteurs de la loi. Le scribe était fier de cette reconnaissance, qui lui attirait l’admiration du peuple. Jésus, au contraire, n’avait jamais étudié dans les écoles officielles. D’où la méfiance et même le mépris que ressentaient les scribes à l’égard de ce prétendant, qui n’avait que lui-même pour se recommander et qui, d’ailleurs, venait de la Galilée, cette région méprisée du nord.

Le présent passage rapporte le dernier conflit entre Jésus et les scribes. Jésus a revendiqué, tout au long de son ministère, les droits de la liberté humaine, dénonçant les minuties contraignantes des docteurs de la loi. Ici, Jésus ne dénonce plus leur enseignement, mais leur manière de se conduire..

Ce que Jésus condamne

L’habillement luxueux rehausse la prestance d’une personne. Mais cette apparence extérieure peut masquer le vide intérieur. Une scène du film sur François d’Assise correspond à la dénonciation par Jésus du luxe ostentatoire des docteurs de la loi. Le groupe de François et de ses compagnons, debout en haillons, comparaissent devant la cour pontificale, composée du pape et des cardinaux siégeant sur une haute estrade, dans des tenues resplendissantes. Un contraste flagrant oppose les deux groupes, chez qui le coeur, l’intérieur, contredit l’apparence.

Non seulement les scribes accueillent avec satisfaction les marques de respect, mais ils les recherchent dans les synagogues et dans les dîners. Telle est la tentation de tout groupe riche et dont le rang lui assure respect et considération. Les privilèges sont toujours une occasion de tentation. Pourquoi certains membres du clergé ou des religieux avaient-ils autrefois le privilège de passer avant les autres, qui attendaient, dans des services publics ?

Jésus va jusqu’à condamner les scribes qui exploitent les pauvres, en particulier les veuves. Celles-ci sont traditionnellement considérées, avec les étrangers et les orphelins, comme des personnes démunies. Une veuve, dans le monde ancien, est ordinairement seule, sans le soutien d’un père ou d’un mari.

On a toujours été révolté par les manigances de Tartuffe, dans la comédie de Molière, dont le nom a passé dans le langage courant pour dénoncer l’hypocrisie aux apparences religieuses. Le vieux dicton dit bien : « Le meilleur devient le pire. »

Pour être juste, il faut nuancer cette condamnation générale des scribes. Des documents historiques montrent que de nombreux scribes étaient pauvres et qu’ils offraient gratuitement leurs services au peuple. Ils vivaient des dons provenant de gens souvent démunis, en particulier des veuves.

Jésus recourt souvent à l’accusation d’hypocrisie. Pourquoi ? Parce que cette division entre l’extérieur et l’intérieur, entre ce qu’on veut montrer de soi-même et ce que l’on est vraiment, entre son masque et son cœur, est fréquente dans le monde et tellement destructrice. Toute division provoque peu à peu la ruine d’une personne.

Le don de la veuve

Dans son appréciation des dons offerts au temple, Jésus distingue les apparences de l’intérieur chez les riches et chez la veuve. Extérieurement et financièrement, les premiers ont donné de « grosses sommes », avec lesquelles les deux sous de la veuve ne peuvent se comparer. Deux récipients en forme de trompettes renversées, étaient placées à l’entrée du temple pour recevoir les aumônes. Les dons, tous en métal, résonnaient dans ces récipients en cuivre. Les « grosses sommes » des riches attiraient l’attention, tandis que les deux cents de la veuve ont passé inaperçus.

Mais Jésus ne juge pas la générosité des uns et de l’autre d’après le montant de l’aumône. Les riches ont pu donner par ostentation. Pour Jésus, la valeur d’un geste se mesure au degré d’amour et de don de soi qui l’anime. Il nous rappelle que « l’essentiel est invisible. » La veuve a sacrifié ce qu’elle avait pour vivre, alors que les riches ont donné de leur superflu. Le Seigneur le rappelle à Samuel, qui a mission de découvrir le futur roi d’Israël : « Dieu ne regarde pas les apparences, mais le cœur. » (1 Sam 16,7)

Conclusion

Jésus nous enseigne le chemin de la vie et du bonheur. Pour être heureux, il faut réaliser l’unité dans notre personne entre l’extérieur et l’intérieur, entre nos paroles, nos actions et notre cœur. Il faut bannir toute forme d’hypocrisie ! Enseigner l’idéal de l’Évangile devient un défi énorme pour tout chrétien et, tout particulièrement, pour ceux qui ont la mission officielle de proclamer la Bonne Nouvelle. Est-ce une proclamation des lèvres seulement, ou un idéal vécu qui interpelle ?

Aux yeux de Dieu, la charge d’amour dans nos actions est tout ce qui compte, seulement cela a de la valeur. Une mère apprécie le geste de son enfant qui lui offre une fleur. Cette fleur, en elle-même n’a peut-être aucune valeur, mais elle est embaumée par l’amour de l’enfant.

Jean-Louis D’Aragon SJ                   

2023/06/09 – Mc 12, 35-37

À la suite d’une série de controverses avec différents groupes juifs, Jésus rencontre enfin un scribe sympathique. Au terme de cette conversation avec le docteur de la Loi, celui-ci fait l’éloge de Jésus et de la sagesse qu’il a manifestée. En conclusion, l’évangéliste note que « personne n’osait plus interroger » Jésus.

Après cette série de questions qu’on lui a posées, Jésus passe à l’attaque et démontre la faiblesse de l’enseignement proposé par les scribes. Le but immédiat de Jésus est de discréditer, aux yeux du peuple, les docteurs de la Loi, qui ne peuvent répondre à la difficulté qu’il leur propose. Plus profondément, Jésus fait surgir la question sous-jacente tout au long de l’Évangile de Marc: « Qui est cet homme ». Au-delà des apparences, qui est-il vraiment, quel est le coeur de sa personnalité, d’où vient-il ?

Le Messie, Fils de David

Le Messie (en hébreu) ou Christ (en grec) signifie celui qui a reçu l’onction de Dieu, à qui il appartient et qui le représente. Le Messie était bien plus qu’un prophète, celui qui, mandaté par Dieu parlait et agissait en son nom. Le Christ, l’Oint du Seigneur, devait incarner son intervention suprême, finale et définitive, pour conduire à son sommet l’histoire de son peuple. Après cet Envoyé ultime pour le salut de ses fidèles, Dieu avait tout dit et tout fait ; on ne devait plus en attendre un autre.

Il est normal d’imaginer un personnage qui viendra nous libérer sous les traits d’un héros du passé, tout en espérant qu’il le dépasse. Notre imagination ne peut s’inspirer que des expériences que nous avons déjà vécues. Moïse était la figure en qui se concentrait la naissance merveilleuse du peuple élu. David, plus tard, avait réalisé l’unité des tribus du nord et du sud, tout en les sauvant de tous les ennemis qui les entouraient. Son règne illustre demeurait dans la mémoire du peuple comme le sommet atteint par leur nation. Fidèle à cette longue tradition, l’État d’Israël a choisi, de nos jours, l’Étoile de David pour son drapeau, comme signe distinctif.

Inspiré par les promesses des prophètes, le peuple juif se représentait le Messie sous les traits de David, dont il serait le descendant. Jésus se base sur cette espérance pour poser une question à propos de ce « Fils de David. » La citation que Jésus met en relief, pour en demander l’explication aux scribes, provient du psaume 110,1, qu’on attribuait traditionnellement au roi David : « Le Seigneur (Dieu) a dit à mon Seigneur (le Messie) ». Selon les coutumes orientales et juives, jamais un père n’aurait honoré son fils par le titre de « Seigneur », à moins qu’il soit d’origine mystérieuse ou divine.

Conséquences

Tout ce qui concerne le Messie, cette figure centrale de l’espérance en Israël, est fondamental. Si les scribes ne peuvent répondre à la difficulté que leur pose Jésus au sujet de la filiation davidique du Messie, ils sont incompétents. Ils prétendent pourtant être le magistère en Israël et veulent régenter le peuple élu. Celui-ci ne doit pas écouter ces docteurs, qui se prétendent des maîtres. S’ils étaient lucides, ils devraient percevoir dans la personne de Jésus une dimension mystérieuse, qui relève de sa filiation à l’égard de Dieu.

Au-delà de son auditoire immédiat, le Christ exhorte ses disciples de toutes les époques d’être prudents à l’égard des faux prophètes, des prétendus gourous, dans le genre des scribes, qui veulent exercer leur influence sur les gens et diriger leur existence.

La personne du Christ Jésus a déconcerté ses contemporains, mais leur étonnement n’était pas la foi. Il ne suffit pas, de nos jours, d’admirer Jésus comme un grand personnage de l’histoire. Toutes les recherches purement humaines pour percer l’énigme de sa personne se perdent dans le brouillard. Seuls ceux qui croient au mystère du Christ, dans son union unique avec Dieu, et qui engagent leur personne à la suite de leur Seigneur, peuvent comprendre. « Crois pour comprendre », répétait saint Augustin.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2023/06/08- Mc 12, 28-34

Un scribe sympathique

Après la rencontre polémique de Jésus avec les Pharisiens et les Hérodiens, sur le paiement du tribu à César, et la controverse avec les Sadducéens, sur la résurrection, le climat change et devient plus serein. Le docteur de la loi qui interroge Jésus a été bien impressionné par la réponse du Christ aux Sadducéens (12,24-27) et il se montre disposé à entendre Jésus.

Mais sa question surprend de la part d’un spécialiste des Écritures, car il devait en connaître la réponse. Cependant, la multiplication des préceptes entraînait les rabbins de cette époque à discuter indéfiniment sur l’importance relative de ces nombreuses lois. Ils en avaient recensé 613, correspondant aux 365 jours de l’année et les 248 parties formant l’ossature du corps humain. Le juif pieux se plaçait donc tout entier, chaque jour de l’année, sous la volonté de Dieu exprimée dans la Loi.

Cet ensemble de 613 commandements s’est transmis jusqu’à nos jours dans le Judaïsme. Établir une hiérarchie entre tous ces commandements préoccupait à juste titre les écoles juives de l’époque. On comprend qu’un discernement s’imposait pour ne pas verser dans une morale écrasante et compliquée.

La question du docteur de la Loi peut avoir une double signification : ou bien le scribe cherche à distinguer, comme les autres rabbins, entre les grands et les petits commandements ; ou plutôt, il voulait connaître le principe central et suprême d’où toutes les lois découlaient.

Aimer Dieu

La réponse de Jésus s’inspire de la prière quotidienne chez les Juifs, « Schéma, Israël, … »: « Écoute, Israël, le Seigneur est unique… » Pourquoi adorer un seul Dieu, alors que les nations païennes autour d’Israël avaient toujours vénéré de nombreux dieux et déesses? Si on adore plusieurs divinités, on s’identifie d’une certaine manière à chacun et à chacune d’entre eux ou elles. Par l’adoration, on devient peu à peu l’objet qu’on vénère, on s’identifie à ce qu’on adore. Si notre vénération et notre amour se dispersent sur plusieurs divinités, nous nous divisons nous-mêmes et nous glissons vers notre propre destruction. L’adoration et la confiance au Dieu unique assurent notre unité, notre vie, notre bonheur et l’épanouissement de notre personne.

« Aimer le Seigneur de tout ton cœur, de toute ton âme, … » signifie qu’on ne peut aimer avec un cœur partagé, comme les païens. L’amour profond est nécessairement exclusif de tout autre amour. Toutes les aspirations de son être s’orientent vers l’unique Personne qu’on aime. Le croyant qui aime fidèlement de cette manière réalise l’unité de sa personne et parvient à la paix.

Aimer son prochain

Jésus n’offre pas une pensée originale en mentionnant le précepte d’aimer son prochain. Le Livre du Lévitique (19,18) prescrivait déjà : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même : je suis le Seigneur. » Restait la question disputée : qui est mon prochain ? Jésus donnera une réponse claire à cette question dans la parabole du « Bon Samaritain. » (Luc 10,25-28).

Ce qui est nouveau de la part de Jésus, c’est de joindre les deux commandements en un seul : il n’y a qu’un seul amour, celui de Dieu qui s’étend au prochain. L’amour reçu de Dieu et tout don découlant de cet amour doit être partagé avec le prochain. Autrement dit, Dieu est présent dans le prochain, quel qu’il soit, parce qu’il a été créé à l’image et ressemblance de Dieu. Il porte en lui un reflet de son Créateur (Gn 1,26s).

Un docteur qui a compris

Le scribe exprime avec insistance son plein accord avec Jésus. Il complète même la réponse du Christ, en comparant l’amour de Dieu et du prochain aux holocaustes et aux sacrifices. En effet, ces offrandes louables sont extérieures à la personne humaine et n’engagent pas nécessairement son coeur. C’est son amour qui est l’essentiel, parce qu’il anime le cœur du croyant et qu’il donne vie et valeur à toutes ses actions. Le scribe rejoint ainsi les prophètes qui avaient dénoncé si souvent les sacrifices sans amour et sans don de soi-même, des sacrifices purement matériels, exprimant un formalisme sans âme.

En louant le scribe, Jésus lui dit qu’il n’est pas loin du Royaume de Dieu. Que lui manque-t-il pour entrer dans le Royaume ? Il lui manque de croire en Jésus, l’Envoyé de Dieu, et de le suivre comme son disciple.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2023/06+/07 – Mc 12, 18-27

Des Sadducéens viennent questionner Jésus. Pour montrer que la résurrection est absurde, il présente un cas de l’application de la loi du lévirat. Pour assurer une succession à son mari défunt, la veuve doit selon cette loi épouser son beau-frère. Ce dernier meurt à son tour sans avoir procuré une descendance au premier mari et un autre frère doit assurer cette descendance. L’histoire se répète six fois si bien que la femme a été l’épouse de sept frères. La question finale est: de qui sera-t-elle l’épouse lors de la résurrection. La réponse de Jésus est double. D’abord il les accuse d’ignorer la puissance de Dieu: la vie de la résurrection n’est pas une copie de la vie terrestre. On n’a plus besoin de mariage. Il les accuse ensuite d’ignorer les Écritures qu’ils sont supposés connaître. Il cite un passage du livre de l’Exode (3,1-6) où Dieu dit qu’il est le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Jésus conclut implicitement qu’il doit y avoir une résurrection puisque Dieu, dit-il, n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants.

Les Sadducéens sont un parti religieux qui est constitué en grande partie par l’élite sacerdotale qui a la charge du temple et du culte. Cette élite est héréditaire. En font partie aussi des notables de Jérusalem reliés à l’opération du temple et probablement assez riches. Donc, pour plus d’une raison, les Sadducéens tiennent ils à conserver les choses telles qu’elles sont. Ils sont toujours prêts à pactiser avec les gouverneurs romains et réagissent violemment à toute atteinte au prestige du temple. Il semble bien qu’ils seront les seuls au procès religieux de Jésus.

Ici, leur façon de se présenter à Jésus en lui donnant le titre de Maître comme s’ils venaient pour une consultation légale n’est qu’une façade à cause de la foule et le caractère très hypothétique de leur problème cache une opposition beaucoup plus sérieuse. C’est pour cette raison que Jésus les traite d’hypocrites.

La croyance en la résurrection au temps de Jésus se basait sur les textes de Daniel (12,2) et du second livre des Maccabées. (2 Mac 7,1-23). Les Pharisiens l’acceptaient mais non les Sadducéens qui tenaient pour normatifs seulement les cinq livres de Moïse et excluaient les écrits des prophètes et les écrits de la Sagesse.

La réponse de Jésus peut sembler prouver une survie mais pas nécessairement une résurrection. Ainsi, pour nous, Dieu n’est pas le Dieu des morts peut signifier qu’il n’est pas le Dieu de ce qui n’existe pas mais il est certainement le Dieu des âmes des justes. Mais c’est différent si on se place dans le contexte hébraïque pour qui l’être humain n’est pas fait de différentes parties, matérielle et spirituelle: il est un tout complet, une personne. Et on ne peut concevoir une survie qui ne serait pas la survie de toute la personne: c’est toute la personne qui va avoir accès à une vie nouvelle.  

Mais la phrase: Dieu, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, n’est pas le Dieu des morts mais des vivants, garde toute sa beauté et fera dire à saint Irénée (dans son Traité contre les hérétiques) : La gloire de Dieu c’est l’homme complètement vivant.

 Jean Gobeil SJ

2023/06/06 – Mc 12, 13-17

Des pharisiens et des hérodiens sont envoyés à Jésus dans le but de le faire parler pour le compromettre. Ils l’abordent en l’appelant Maître (un maître qui enseigne) et en prétendant reconnaître qu’il enseigne le vrai chemin de Dieu. Puis ils posent la question (qui en fait est double):  Est-il permis de payer l’impôt à César (nom donné aux empereurs romains)? Seconde question: Est-on obligé de le faire?

Jésus voit que leurs compliments cachent en réalité un piège: ils veulent le “tenter” (ou “tester”, comme Satan l’a fait: Marc 1,13). Ils veulent essayer de le faire tomber dans un piège.

Jésus demande une pièce d’argent puis demande :

“L’effigie et l’inscription sont de qui?”  – “De César”, doivent-ils répondre.

Alors Jésus dit: “A César, rendez ce qui est à César, et à Dieu, ce qui est à Dieu.”

Les interlocuteurs sont remplis de stupeur et ne trouvent plus rien à dire.

C’est un récit de controverse, parmi d’autres. Mais celui-ci révèle que le pouvoir politique aussi bien que les dirigeants religieux ont peur de Jésus et veulent le compromettre pour pouvoir le faire condamner.

Les pharisiens sont probablement envoyés par le Sanhédrin de Jérusalem (cour suprême religieuse) dont les membres tiennent leur positions grâce à l’appui des Romains. Les hérodiens sont des membres proches ou éloignés de l’entourage d’Hérode Antipas, gouverneur de Galilée, qui doit garder l’ordre dans son domaine et assurer le retour des taxes à Rome s’il veut conserver le poste qui lui a été donné par Rome.

Le piège est évident: refuser les taxes (cela est déjà arrivé en l’an 6 avec Judas le Galiléen) est l’équivalent de la révolte contre Rome mais prôner le paiement des taxes montrerait que Jésus n’est pas le Messie qui doit libérer Israël parce que le peuple, lui, supporte très mal le tribut à Rome.

Cette attaque est très forte et reviendra au procès de Jésus pour l’accuser faussement d’empêcher de payer le tribut à César.

La réponse de Jésus (souvent discutée) semble bien indiquer, au moins comme première application, qu’il ne faut pas confondre les devoirs réels à l’État avec les devoirs réels à Dieu. Et évidemment, que les devoirs à Dieu passent avant les devoirs politiques quand il y a conflit.

Mais dans le contexte, la stupeur des interlocuteurs de Jésus vient de ce qu’ils sont renvoyés à leur question et à leurs responsabilités (comme ceux qui voulaient faire lapider la femme prise en adultère dans Jean 8). Puisque la monnaie qu’ils utilisent dans leurs affaires est celle de César, il est logique qu’ils s’acquittent de l’impôt dû à César. Ils se trouvent ainsi coincés. Jésus s’est ainsi placé au-dessus de la discussion entre le parti pro-révolution et le parti proromaine. Mais les opposants continueront à essayer de le compromettre pour le faire disparaître.

Jean Gobeil SJ

2003/06/05 – Mc 12, 1-12

Jésus parle à des responsables d’Israël: chefs des prêtres, scribes et anciens. Il leur dit une parabole. Un homme a planté une vigne et pris tous les soins nécessaires pour elle. Puis il en a loué l’exploitation à des vignerons locaux. Plus tard il envoie des serviteurs pour réclamer ce qui lui revient de cette opération. Les vignerons les renvoient les uns après les autres après les avoir battus. Finalement, le propriétaire envoie son fils bien-aimé, l’héritier, à la vigne. Les vignerons tuent le fils pensant ainsi s’accaparer la vigne. Le propriétaire devra punir les vignerons et confier la vigne à d’autres.

Jésus conclut en citant le psaume 128: La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire (la plus importante: elle doit résister à la poussée de deux pans de mur). En entendant cela, les chefs des Juifs, comprenant qu’ils étaient visés à travers les vignerons, voulurent mettre à exécution un complot déjà amorcé (Marc 11,18) pour arrêter Jésus mais durent reculer par crainte de la foule.

Il s’agit d’une allégorie plutôt que d’une parabole: ici, chaque élément a un double sens.

La vigne, c’est le peuple de Dieu, qui, lui-même, est représenté par le propriétaire de la vigne. Les vignerons chargés de la vigne représentent les chefs religieux d’Israël. Les serviteurs envoyés par le propriétaire représentent les prophètes envoyés par Dieu et persécutés et rejetés par Israël. Le dernier envoyé est le fils. La notation de bien-aimé rappelle au lecteur chrétien la voix du ciel qui disait au baptême de Jésus: Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur.  (Marc 1,11)

La représentation d’Israël comme une vigne était courante dans l’Ancien Testament. A cause de tout ce qui était requis pour faire pousser une vigne et pour la protéger, elle fournissait une bonne illustration de tout ce que Dieu avait fait pour son peuple. La description de la vigne dans Isaïe (Isaïe 5,1-7) est comme un chant de l’amour de Dieu pour son peuple. Mais la conclusion de ce chant est que Dieu n’a pas trouvé les fruits de justice et de fidélité qu’il attendait en retour et il intente un procès à son peuple. C’est le peuple qui est blâmé. Ici, ce sont les dirigeants du peuple, représentés par les vignerons, qui sont dénoncés.

Les détails de ce que les vignerons firent au fils, saisirent, tuèrent, jetèrent dehors, évoquent la passion du Christ. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. C’est l’image de la pierre qui continue l’histoire que l’allégorie présentait. La pierre rejetée représente bien la passion du Christ. Mais quand elle devient une pierre angulaire, très importante pour une construction, elle fait allusion à la victoire du Christ sur la mort, la Résurrection, et son nouveau rôle. Cette pierre angulaire évoque un fondement nouveau et une nouvelle construction. Le Christ qui a été rejeté par les autorités juives deviendra le fondement d’un peuple nouveau. D’où la conclusion:  C’est là l’oeuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux.     (Marc 12,11)

Jean Gobeil SJ 

 

 

 

 

 

2022/06/18 – Mt 6, 24-34

Deux divinités se disputent le coeur de l’homme. Pourquoi s’opposent-elles entre elles? Ne serait-il pas possible de les concilier, d’établir des ponts entre chacune d’elles et de les unir? De tirer profit des deux côtés? Pourquoi cet exclusivisme, pourquoi une telle intransigeance?

Ils sont nombreux, à toutes les époques, qui ont voulu, consciemment ou non, associer ces deux divinités et être leurs serviteurs, pour retirer des dividendes des deux côtés. L’argent semble donner le plaisir et la sécurité, tout en offrant les moyens de se procurer tous les biens souhaitables. Par ailleurs, on aime se ménager la protection de cet Être suprême, Souverain de l’univers, même si le culte qu’on lui rend est formaliste, souvent sans âme.

Avec cette double allégeance, on ne se rend pas compte qu’on se divise. On devient ce qu’on aime, ce en quoi on cherche sa vie, son bonheur et sa sécurité. Si on aime deux divinités, une moitié de soi-même adhère à l’une, et l’autre moitié à la seconde. Cette division équivaut à un cancer moral, cette maladie qui mine et qui détruit. Une telle division empêche de réaliser l’unité en nous-mêmes, qui est la condition de notre épanouissement pour vivre pleinement et être heureux. Le bonheur ne fleurit que dans une personne dont tous les désirs et tous les efforts tendent vers un but unique.

Le mot qu’emploie Jésus exprime clairement cette unité de l’être humain et la nécessité d’un choix exclusif. Le terme hébreu, èbed, ou son équivalent grec, doulos, désigne non pas simplement un serviteur, mais un esclave. Dans le monde social de l’époque, la condition de l’esclave réduit un humain à ne plus être une personne, mais un objet, que son maître possède. En conséquence, son propriétaire en fait ce qu’il veut. L’esclave ne dispose pas de son existence, ni même d’aucun moment de repos ou loisir. L’esclave n’a pas choisi une telle condition, il la subit. C’est la dégradation à laquelle réduit la servitude de l’argent

Comment l’argent peut-il devenir un mammon, un dieu tyrannique qui possède son esclave? L’argent et les biens qu’il procure seraient-il mauvais? Pourtant Dieu a béni son peuple en lui accordant un pays et les richesses qu’il contient. Ces richesses sont le signe de la bénédiction de Dieu. Cependant, lorsqu’il donne à Israël la Terre qu’il lui a promise, il le prévient avec insistance: Prends bien garde d’oublier le Seigneur ton Dieu, en négligeant d’obéir à ses commandements, à ses règles et à ses lois que je te communique aujourd’hui. (Deut 8,11) L’argent est un bien donné par Dieu, mais que l’égoïsme de l’homme peut facilement utiliser pour se construire une situation confortable et se donner l’impression de la sécurité. Aussi saint Paul peut affirmer: « L’amour de l’argent est la racine de tous les maux » (1 Tim 6,10).

Ayant la fausse impression d’avoir tout ce qui lui faut pour vivre et être heureux, le riche n’a plus besoin de Dieu. Sans nier son existence, il l’oublie. Il vit comme si Dieu n’existait pas, comme le riche de la parabole qui pense avoir assuré son avenir (Luc 12,16-21), ou celui qui se noie dans les plaisirs du moment présent (Luc 16,19-31). Dans nos sociétés d’abondance, combien de nos voisins vivent dans cette insouciance et dans cette illusion?

L’argent ne suscite pas seulement un nuage d’illusions , mais il devient un tyran dont on devient prisonnier. Tout en nous rendant dépendant,  il multiplie pour nous les soucis et même les angoisses. Le financier scrute à tout moment les cotes de la bourse, espérant une hausse et craignant le désastre d’une dégringolade. Le prix de l’essence grimpe et s’envole à des sommets qui menacent l’ensemble de l’économie et notre niveau de vie personnelle. Oui! vraiment les motifs d’inquiétudes sont innombrables,…quand on prétend assurer par soi-même sa sécurité. On s’est illusionné en se fiant à sa fragilité.

Pour n’importe quelle situation, Jésus nous dit d’unir notre volonté à celle de Dieu pour trouver la vraie liberté. En épousant la volonté de Dieu, on participe à sa souveraine liberté pour dominer tout ce qui nous menace. C’est ainsi que le grand prêtre d’Israël répondait au général rempli de peur pour l’avenir: « Je crains Dieu, cher Abner, et n’ai point d’autre crainte » (Racine).

Dieu nous a créés par amour, gratuitement, chacun et chacune d’entre nous. Il aurait créé des milliards d’autres êtres humains à notre place. Mais il nous a choisis personnellement. Comment ne nous donnerait-il pas ce qu’il nous faut pour entretenir et développer cette existence qu’il nous a accordée. Lorsqu’on s’inquiète de l’avenir, c’est que nous essayons de mettre notre confiance en nous-mêmes, plutôt que dans la Providence.

En servant Dieu librement, par amour et dans la confiance, nous parvenons à nous libérer de la tyrannie de l’argent. La dernière scène du film « L’avare », qui reprend la célèbre comédie de Molière, illustre cet esclavage de l’argent. L’avare avance péniblement dans le désert en traînant son sac d’or auquel il s’est attaché. L’expérience nous montre combien Jésus a raison: il faut choisir entre deux maîtres. L’argent nous fascine et nous réduit à la misère de l’esclavage. Dieu nous offre de nous libérer de tout souci, en nous associant à sa souveraine liberté.

Jean-Louis D’Aragon SJ 

        

 

        

 

2022/06/17 – Mt 6, 19-23

Les conseils de la sagesse s’imposent à nous si nous désirons mener notre vie vers le succès et le bonheur. Le Sermon inaugural de Jésus, sur la montagne, présente une série de directives pour orienter sagement sa vie. Dans le présent passage de la liturgie, Jésus nous donne un avis précieux sur le véritable but de notre existence, la vraie vie, et sur la manière de voir cette vie.       

Mon beau-frère avait un petit chien, nullement attrayant, mais auquel il était attaché. « Après celui-ci, je n’en aurai plus d’autre » – me disait-il – « parce que j’ai trop de peine quand il disparaît. » C’est le grand danger d’attacher son bonheur à ce qui passe. Tout est relatif et ne dure qu’un instant. Par contre, on ressent le besoin de s’attacher à quelque chose, un animal de compagnie et, encore plus, à une personne. Jésus nous enseigne que ce besoin naturel de s’attacher doit viser non ce qui passe, mais l’Absolu, qui demeure éternellement.

Jésus donne trois exemples, propres à son milieu, de biens attirants, mais fragiles, dans les domaines du vêtement, de la nourriture et de l’argent. Ce sont les biens que recherchaient les gens de cette époque, mais qui donnaient seulement l’illusion du bonheur. Les mites, la vermine (souris, rats,…) ou les voleurs montrent la précarité de ces biens qui devaient procurer le bonheur. Au début, ils procurent un plaisir, qui, malheureusement, s’affadit et s’évapore bien vite. Nous sommes tous comme les enfants qui sont éblouïs au début par le jouet qu’ils reçoivent. Après quelque temps, ce même jouet ne leur dit plus rien; ils le mettent de côté.

À notre époque, ils sont nombreux ceux qui ont l’impression d’atteindre le bonheur dans le plaisir sexuel. Le coup de foudre! Mais la foudre ne dure pas et la répétition rend rapidement le plaisir banal et fade. La drogue attire de nombreux jeunes, qui pensent y trouver une évasion de notre monde grisâtre. Mais l’usage affadit l’effet. Aussi il faut augmenter les doses et en venir à la dépendance et à la destruction de soi-même, qui conduisent au désespoir et au suicide.

Lorsque saint Laurent, diacre et administrateur de l’église de Rome, fut arrêté, le juge lui ordonna de livrer les trésors de sa communauté. Laurent montra les pauvres et déclara: « Voici nos trésors! » Ayant distribué les biens de l’église aux démunis, il pouvait affirmer que les trésors de l’église avaient pris le visage de ces pauvres, devenus les témoins de la charité dont ils avaient bénéficiée. À la mort, on n’emporte aucun bien extérieur. Comme un proverbe l’exprime d’une manière imagée: « Un suaire n’a pas de poche » pour contenir un trésor terrestre. Par contre, on possède pour toujours et on emporte ce qu’on a dans le coeur, l’amour qui s’est donné dans des actions de générosité.

L’oeil est la fenêtre par laquelle entre la lumière, mais il est aussi l’entrée pour pénétrer à l’intérieur de la personne que l’on examine. Une mère dit justement à son enfant qui a désobéi: « Regarde-moi dans les yeux. » Dans le regard, on peut comprendre le caractère de la personne à qui on s’adresse. Il y a des regards fuyants, il y a des regards fourbes, mais il y a des regards limpides. « L’oeil clair » est celui qui ne cache rien, un regard sympathique qui s’ouvre à tous ceux qu’il rencontre. C’est le regard de  la personne généreuse dans ses jugements sur les autres, de celle qui se donne pour le bonheur d’autrui.

L’oeil mauvais, au contraire, est celui qui est empreint de préjugés défavorables sur les autres, qui prend plaisir à les déprécier et à les condamner. Devant le succès des autres, il éprouve de la jalousie. L’oeil égoïste ne communique guère, il s’isole pour s’emmurer en lui-même. Comment alors peut-il vivre avec les autres et avec Dieu?

On devient d’une certaine manière l’objet ou la personne à qui on se livre. Aussi est-il capital de bien discerner les liens qui nous attachent, à clairement évaluer pour quoi ou pour qui on sacrifie une part de sa liberté. Le monde nous veut nous persuader de livrer notre liberté à de fausses valeurs, à nous attacher à l’argent, au plaisir, aux honneurs, tous des mirages qui fascinent, mais qui s’évaporent en nous laissant blessés au coeur. Pour ne pas subir la déception du mirage, afin de ne pas donner son coeur et son idéal à la vanité, au vide, il faut orienter toutes ses aspirations vers l’Absolu, l’unique qui ne déçoit pas.

Mais seul celui qui a « l’oeil clair », qui a le regard ouvert par la foi et l’amour, peut discerner le mystère de l’Absolu et le découvrir partout et, particulièrement, en lui-même, dans son coeur.

 Jean-Louis D’Aragon SJ 

2022/06/16 – Mt 6, 7-15

Le sermon sur la montagne parle des trois pratiques religieuses courantes en Israël: l’aumône, la prière et le jeûne. Trois fois Jésus mentionne la condition du secret. Pour la prière, il ajoute que ce n’est pas la quantité de paroles qui fait la valeur d’une prière mais la confiance dans le Père qui connaît nos besoins. Il leur donne ensuite un modèle de prière: le Notre Père. Il insiste sur la dernière demande: une demande de pardon qui suppose qu’on pardonne aux autres.

Les disciples ont été frappés par la façon de prier de Jésus. Il s’adresse au Père en utilisant un terme de familiarité comme Abba. On a une trace de l’étonnement des disciples dans le fait que Marc, qui écrit pour des lecteurs qui ne connaissent pas l’araméen, cite la prière de Jésus à Gethsémani en gardant le mot Abba (Marc 14,36). En donnant l’exemple du Notre Père comme prière pour ses disciples, Jésus a dû employer le même mot qui surprendra Paul puisque, par deux fois, il déclare que les disciples qui prient en utilisant le mot Abba montrent ainsi  la présence de l’Esprit Saint en eux (Galates 4,6; Romains 8,15). C’est donc à une intimité et une proximité avec Dieu que sont conviés les disciples par le don de cette prière.

Matthieu est toujours conscient de la dimension ecclésiale. Au lieu de commencer simplement par Père (comme dans Luc), il fait dire Notre Père: en tant que disciples du Christ, on constitue une famille et on ne prie jamais seul. Comme dira saint Augustin: S’il n’y a qu’un seul chrétien, cela veut dire qu’il n’y a plus de chrétien.

Mais en même temps qu’on s’adresse à lui de cette façon familière, il ne faut pas oublier que c’est à notre Dieu que nous parlons. C’est pour cela que Matthieu ajoute qui es aux cieux, ce qui est la façon juive d’éviter, par respect, de prononcer le nom de Dieu. C’est donc ainsi que commence cette prière: Notre Père et notre Dieu. C’est le résumé de la relation que le Christ offre à ses disciples: une vie dans l’intimité de Dieu.

C’est pour que se réalise cette vie en lui-même que celui qui prie demande: que ta volonté soit faite, que ton Règne arrive. Alors passera à travers ce disciple la sainteté de Dieu et le Nom de Dieu sera glorifié: que ton Nom soit sanctifié.

Après avoir souhaité et accepté la volonté de Dieu pour que se réalise ce grand dessein de Dieu, il est normal de demander à Dieu son aide pour chaque jour: Donne-nous notre pain de ce jour.

Conscients de notre indignité et de nos faiblesses, nous demandons à Dieu son pardon en nous rappelant sa parole que si nous voulons être pardonnés il faut être prêts à le faire pour les autres.

Très tôt, la liturgie a ajouté une conclusion au texte de Matthieu. C’est une belle doxologie, c’est-à-dire un hymne de louange à la gloire de Dieu:

Car à toi appartiennent le Règne, la Puissance et la Gloire pour les siècles des siècles. Amen.

Jean Gobeil SJ

 

2022/06/15 – Mt 6, 1-6.16-18

… Si vous voulez vivre comme des justes, évitez d’agir devant les hommes pour vous faire remarquer… Ainsi quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner de la trompette devant toi. …Mais toi quand tu fais l’aumône que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret; ton Père voit ce que tu fais en secret; il te le revaudra. … Et quand vous priez, ne soyez pas comme ceux qui se donnent en spectacle.   Mais toi, quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, et prie ton Père qui est présent dans le secret; ton Père voit ce que tu fais dans le secret; il te le revaudra. … Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme ceux qui se donnent en spectacle. … Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent dans le secret; ton Père voit ce que tu fais en secret; il te le revaudra.

L’aumône, la prière et le jeûne sont trois pratiques fondamentales de la piété juive. Elles garderont de l’importance pour les premiers chrétiens.

L’aumône était souvent considérée comme une oeuvre de justice plutôt qu’une oeuvre de charité: on ne donnait pas en faisant l’aumône; on s’acquittait plutôt d’une dette qui finalement était vis-à-vis de Dieu. Cette perspective de l’aumône et de l’aide à quelqu’un dans le besoin est passée dans l’Islam où elle se retrouve encore aujourd’hui. Au temps de Jésus, le nombre de gens très pauvres était particulièrement important et l’aumône représentait la seule forme d’aide sociale.

Ceux qui pouvaient faire une aumône un peu importante pouvaient en profiter pour se faire valoir: Jésus les appelle des hypocrites, ce qui vient d’un mot grec signifiant des acteurs.

A part les prières reliées au culte, les prières individuelles ont une longue tradition dans la religion juive. Le meilleur exemple sont les psaumes. Beaucoup de psaumes, au départ ont été des prières individuelles qui ont d’ailleurs souvent gardé des traces de détresse, d’impatience ou de révolte devant l’injustice de situations particulières. Les détails de la situation historique ont été perdus quand la prière individuelle a été adoptée par la communauté. Par ailleurs, différents groupes pouvaient avoir leurs propres prières. Jean Baptiste avait montré des prières à ses disciples. C’est ce qui a amené les disciples de Jésus à lui demander de leur montrer à eux aussi comment prier. Jésus lui-même a prié, dans le secret, comme il le recommande dans notre texte.

Enfin, le jeûne était une forme de piété dans les moments de deuil, dans les moments de détresse nationale ou même dans la vie courante.

Jésus donne les conditions et l’esprit qu’il faut avoir pour que ces pratiques soient vraiment religieuses. D’abord elles doivent avoir pour but uniquement Dieu. Quand elles se terminent à un avantage personnel, elles ne sont plus religieuses. Ceux qui se servent des pratiques religieuses pour eux-mêmes, Jésus les appellent des hupocritès, des acteurs.

La seconde condition est contenue dans la mention du secret: donner en secret, prier dans le secret, le Père qui est là et qui voit dans le secret. L’expression suggère une connotation d’intimité. Dans ces actions faites pour Dieu, il y a une présence de Dieu qui veut une rencontre intime, personnelle.

C’est à cette présence que le juste doit chercher à s’ouvrir par ces pratiques de piété.

Jean Gobeil SJ