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2023/06/17 – Lc 2, 41-51

Pourquoi célébrer le Cœur Immaculé de la Mère du Christ? La liturgie vient de nous proposer le Sacré Cœur de Jésus, en qui s’est incarné tout l’amour de Dieu. Le Cœur de Marie symbolise également son amour, mais qu’ajoute-t-elle à celui de son Fils? De fait, Marie n’ajoute rien par elle-même, elle reçoit tout de son Seigneur par la médiation de son Fils. Quel est alors son rôle? Elle révèle l’amour de Dieu et rend proche de nous la dimension maternelle de cet amour infini. La fête de son Cœur Immaculé manifeste sa communion intime avec celui de son Fils.

Les représentations du Seigneur dans la Bible s’inspirent d’une civilisation patriarcale, qui délaisse trop souvent la dimension, la présence et la fonction féminines de Dieu. La dévotion chrétienne, inspirée par le Nouveau Testament, corrige et complète la figure trop masculine de Dieu.

Avec notre imagination trop humaine, nous avons représenté Marie comme une reine au sens de dominatrice, à l’opposé de son rôle discret dans les  évangiles et dans les Actes des apôtres. Marie se caractérise par sa présence humble et par le don d’elle-même, en plein accord avec la volonté de Dieu.

Préfiguration du mystère pascal

Pour célébrer le coeur de Marie, la liturgie nous invite à contempler le dernier événement de l’enfance de Jésus « perdu et retrouvé au temple. » La conduite étrange du fils, qui se sépare de ses parents, nous semble étrange et déconcerte en particulier sa mère. Elle ne comprend pas, mais elle médite cet événement qu’elle accueille comme un mystère provenant de la volonté de Dieu.

Cet événement conclut la période relative à l’enfance du Christ Jésus. Comme toute conclusion, celle-ci revêt une signification spéciale. L’enfance de Jésus est significative dans la mesure où elle préfigure le ministère du Fils de Dieu dans notre monde et surtout le sommet de sa mission, son sacrifice sur la croix et sa résurrection. Une série de traits caractéristiques nous invitent à découvrir dans cet incident de Jésus au temple une anticipation du mystère pascal.

À l’âge de douze ans, tout jeune juif devait exprimer dans un rite spécial son adhésion libre et consciente à l’Alliance et devenir « fils de la loi ». C’est le « bar miswah » que les Juifs célèbrent solennellement de nos jours. Pour Jésus, cette célébration annonce que, lorsqu’il aura complété sa mission, il retournera chez son Père.

Les « trois jours » pendant lesquels ses parents cherchent Jésus correspondent aux trois jours du Christ au tombeau, depuis le vendredi jusqu’au jour de Pâques. « Pourquoi me cherchiez-vous? », répond Jésus à sa mère, comme les deux anges qui diront aux femmes venues au sépulcre: « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts? » (Lc 24,5)

« C’est chez mon Père que je dois être »: chaque fois que Jésus désigne sa mission avec le verbe « devoir », il annonce le mystère de sa passion et de sa résurrection, qu’il assume librement comme la volonté de son Père.  « Chez mon Père », dans sa maison, désigne le retour de Jésus vers son Père. « La maison de mon Père » est la première parole de Jésus dans l’Évangile de Luc » et la dernière, sur la croix, aura le même sens: « Père, entre tes mains, je remets mon esprit. »

« Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait ». Une telle incompréhension se retrouve partout dans l’Évangile où il est question du mystère pascal que le Christ va vivre. Cette intervention suprême de Dieu dans l’histoire dépasse toutes les possibilités humaines d’intelligence. Nous ne pouvons qu’imiter Marie qui conservait dans son cœur ces événements pour les méditer et les comprendre un jour.

Conclusion

Tous les épisodes que Jésus a vécus parlent du mystère central de sa vie, la mort qu’il a transformée dans sa personne en vie nouvelle de la résurrection.

L’Église propose deux vérités fondamentales au sujet de Marie, la Mère du Christ: l’Immaculée Conception et l’Assomption. La fête du Cœur Immaculée de Marie met en lumière la première intervention de Dieu, qui illumine le début du pèlerinage terrestre de la Mère de Jésus. La seconde affirme la parfaite réalisation du projet de Dieu sur elle. L’Église affirme donc que Dieu a entouré de sa bienveillance toute l’existence de la Mère de son Fils. Il l’a protégée de toute souillure, dès le début, pour qu’elle atteigne finalement la vie parfaite, sans fin, de toute sa personne, son âme et son corps.

Quel fut le cheminement de Marie pour atteindre ce but? Dans la pauvreté du cœur, selon la première béatitude, et dans une continuelle action de grâce. Après la salutation d’Élisabeth, Marie exprime dans son « Magnificat » ces deux sentiments qui devraient animer le pèlerinage de toute personne chrétienne: la conviction d’être pauvre devant son Seigneur et de tout recevoir de Lui dans une perpétuelle reconnaissance.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2023/06/16 – Mt 11, 25-30

Dans la première partie (11,25-27), le Christ adresse une prière de louange au Père. L’objet de la louange est le bon vouloir du Père, c’est-à-dire son œuvre et son action. Ce que le Père fait est de révéler aux petits le mystère du Royaume. Le Christ, lui, est le Fils qui seul a la connaissance véritable du Père. C’est par lui seul que se fait la révélation du Père.

La deuxième partie (11,28-30) est une invitation à ceux qui peinent sous le poids du fardeau:

“Venez à moi et je vous procurerai le repos.”

Première partie: Dans cette prière, le Christ révèle son intimité avec le Père.

Le Père.

Le mot Père commence la prière et revient à la fin. C’est probablement le mot Abba, un terme d’intimité qui a frappé les disciples puisque Marc l’emploie dans la prière de l’agonie pour un auditoire qui ne connaît pas l’araméen (Marc 14,36) et, avant lui, Paul l’emploie dans l’épître aux Galates et plus tard dans l’épître aux Romains, comme expression de la relation exceptionnelle que crée l’Esprit dans les disciples. C’est un terme de familiarité et d’intimité que personne, avant Jésus, n’aurait osé employer en s’adressant à Dieu.

Le mystère caché.

Ce qui était caché pour les sages et les savants, les experts comme les scribes et les docteurs de la Loi, a été révélé aux petits, ce qui désigne ordinairement les disciples, à qui Jésus dira:

A vous il a été donné de connaître le mystère du Royaume des cieux.     (Matthieu 13,11)

En d’autres mots, les gens simples ont vu en Jésus le révélateur de Dieu. Ils ont été capables de se mettre à l’écoute de sa parole et de reconnaître dans ses gestes la présence de Dieu. C’est cela l’oeuvre du Père, son bon vouloir.

Le révélateur de Dieu.

Nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils. Cette connaissance unique du Père révèle deux choses. Elle révèle d’abord la conscience claire que Jésus avait de sa filiation divine. Relié à cette filiation divine, découle le fait qu’il est le révélateur unique du Père. C’est seulement par lui qu’on a accès au Père.

Deuxième partie.

Le joug de la Loi est une expression connue dans l’Ancien Testament pour exprimer l’obligation de la Loi. La figure n’est pas nécessairement péjorative. Il suffit de relire l’Éloge de la Loi que fait le psaume 119 qui parle des commandements comme d’une source de délices (verset 47), ou comme une expression de l’amour de Dieu :

De ton amour, Yahvé, la terre est pleine,

             apprends-moi tes volontés.  (verset 64)

ou comme encore d’une expression de la sollicitude de Dieu:

 Une lampe sur mes pas, ta parole,

               une lumière sur ma route.  (verset 105)

Mais quand Jésus parle d’un fardeau qui accable, il vise d’abord le fardeau imposé par les interprétations des Pharisiens qui font de la Loi une question d’exactitude méticuleuse et de comptabilité minutieuse à assurer à tout prix.  C’est ce qu’illustreront les épisodes qui suivent notre texte.

Le joug que Jésus offre évoque l’engagement dans la Nouvelle Alliance, l’entrée dans le Royaume. Il n’est pas un joug de domination puisqu’il ajoute:

Car je suis doux et humble de coeur,

ce qui est la définition des Pauvres ou des Petits de Yahvé dans l’Ancien Testament.

Mais le fardeau peut avoir un sens plus général: le fardeau de la misère humaine. Un peu plus tôt, Matthieu disait de Jésus qui venait de parcourir villes et villages:

A la vue des foules, il en eut pitié, car ces gens étaient las et prostrés comme des brebis qui n’ont pas de pasteur.

(Matthieu 9,36)

Le joug qui est le sien est donc une réponse à cette misère et un appel à venir recevoir la Vie.

Jean Gobeil SJ 

 

2023/06/15 – Mt 5, 20-26

Les mots « loi, précepte, obligation » ne sont guère populaires de nos jours. Ils provoquent une réaction de défense, parce que nous avons l’impression qu’ils expriment des contraintes ou même qu’ils attaquent notre liberté.

Pourquoi donc la Loi occupait-elle une telle importance dans les préoccupations de l’élite et du peuple, au temps de Jésus ? Parce qu’elle manifestait la volonté de Dieu et qu’elle protégeait les Juifs contre l’idolâtrie du monde païen qui les entourait.

Cette Loi était-elle une contrainte ou bien une manifestation de bienveillance du Seigneur ? Tout dépend de l’image qu’on se fait du Dieu en qui nous croyons : soit un Maître dominateur, qui surveille et qui punit; ou bien, un Père qui regarde sans cesse les siens avec amour ? Si nous vivons sous le regard aimant de Dieu, la Loi exprime sa volonté pour éclairer la voie de la vie et du bonheur. Sans jamais nous brimer, il nous laisse libres de l’accepter ou de la refuser.

La ‘justice’, dont parle Jésus, désigne la conduite du croyant en accord avec la volonté de Dieu exprimée dans la Loi. L’ensemble de ces lignes de conduite constitue le nouveau programme de Jésus, comparé à celui de Moïse, tel que les rabbins l’enseignaient. « On vous a dit (aux assemblées de  la synagogue), mais, moi, je vous dis. »

La justice des Pharisiens et celle de Jésus

La ‘justice’ des Pharisiens, leur morale, était austère et se conformait à une série de 613  commandements, provenant de la Loi écrite et de la tradition. Cette multiplication des commandements visait à protéger le peuple élu contre les influences païennes autour de lui. Même si cet ensemble de prescriptions était pesant, il était possible de les observer, car elles concernaient la conduite extérieure des fidèles et elles étaient donc mesurables.

La ‘justice’ que proclame Jésus ne consiste pas en une nouvelle série de lois. Jésus réduit toutes les lois à une seule, celle d’aimer. Or l’amour parfait est un idéal qui devient une utopie. Il n’est pas mesurable, car il ne pourra jamais être atteint. En conséquence, le chrétien ne peut accomplir cette loi et a toujours conscience d’être pécheur, n’ayant jamais rempli cette loi de l’amour. Il demeure sans cesse dépendant de la miséricorde de Dieu. Il est donc toujours pécheur, mais pécheur pardonné.

Acte extérieur et motivation intérieure

Chacun des six exemples, que Jésus présente pour illustrer cette ‘justice’ supérieure, montre qu’il vise non seulement l’action extérieure de la personne humaine, mais surtout l’intention de celle qui agit. Toute la valeur, positive ou négative de l’action extérieure, provient de l’intention qui l’a motivée.

Le premier exemple porte sur la colère et le meurtre. Sans enlever la vie corporelle au prochain, on peut le tuer de bien des manières, par exemple en l’humiliant en parole, en l’insultant, en ternissant sa réputation,…

Défendre seulement la manifestation extérieure de la colère, c’est l’équivalent de l’intervention d’un chirurgien qui se limite à enlever une tumeur maligne, mais qui laisse intacte la racine de cette tumeur. Jésus va à la racine du meurtre, c’est-à-dire la haine, qui tend à détruire son prochain et qui produit de telles actions.

Amour et sacrifice

L’amour ne se limite pas à éviter l’agressivité à l’égard du prochain. L’amour n’est pas seulement négatif, il tend à procurer le bonheur de son frère. Aussi l’amour prend l’initiative de la réconciliation. Celui qui a l’amour dans son cœur fait les premiers pas.

Il ne faut pas s’illusionner avec des sacrifices. Qu’ils soient de n’importe quelle sorte, les sacrifices sont extérieurs à la personne qui les offre et n’ont aucune valeur, s’ils ne sont pas animés de l’intérieur par la miséricorde. Cette dénonciation des sacrifices purement extérieurs reprend les diatribes des prophètes contre l’illusion d’offrir des sacrifices pour masquer son injustice.

Conclusion

La ‘justice’ des Pharisiens apparaît comme une morale extrêmement exigeante, mais limitée et fermée. Le fidèle qui a observé tous les commandements, même les plus petits, peut se déclarer satisfait de lui-même. En contraste à cette ‘justice’ fermée, Jésus propose une ‘justice’ ouverte à l’infini, appelant le croyant à toujours progresser dans l’amour, sans qu’un terme mette fin à sa générosité.

Aussi le chrétien ressent continuellement sa pauvreté face au Seigneur qu’il aime. La célébration de l’eucharistie rappelle sans cesse qu’il doit être humble : au début, il confesse ses fautes et, même juste avant de communier, il répète : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir… » Mais la parole de grâce peut le purifier et lui donner gratuitement cette dignité.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2023/06/14 – Mt 5, 17-19

Après les béatitudes, puis les déclarations sur la mission d’un disciple, Jésus donne sa position par rapport à la Loi de l’Ancien Testament: Ne pensez pas que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abolir mais accomplir. …Pas une lettre, pas un seul petit trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. … Celui qui rejettera un seul de ces petits commandements et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux.

Jésus déclare qu’il n’est pas venu abolir les livres de Moïse (la Loi) ni ceux des prophètes. L’évangile de Matthieu souligne la continuité de Jésus et son oeuvre avec l’Ancien Testament. Il donne 41 citations de l’Ancien Testament. Elles sont souvent introduites par une phrase comme: Ceci advînt pour que soit accompli l’oracle du prophète. Jésus vient donc réaliser ce qui avait été annoncé dans l’Ancien Testament. C’est le premier sens du mot qu’il emploie: il est venu accomplir. Mais le même mot a aussi le sens de remplir, de compléter.

Il y a donc aussi une discontinuité ou au moins un certain dépassement. La réalisation est plus que la préparation. Et cet aspect est confirmé par une parole de Jésus qui vient immédiatement après notre texte :

Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des Pharisiens vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux.

Les scribes sont les experts dans les Ecritures et les Pharisiens sont ceux qui prétendent observer chaque détail de la Loi. La justice du Royaume est plus que cela. On verra Jésus prendre des textes de l’Ancien Testament qui parle des comportements, des actions, pour dépasser ces textes et rejoindre les attitudes intérieures qui sont des conditions nécessaires pour la justice du Royaume.

En disant qu’il est venu accomplir, Jésus affirme son autorité pour interpréter les paroles de Dieu dans l’Ancien Testament, ce qu’il fera abondamment dans les reste du discours sur la montagne. A son exemple, les chrétiens reliront l’Ancien Testament à la lumière du Christ. On comprend plus de choses dans la préparation quand on connaît le résultat final.

Jean Gobeil SJ  

 

 

 

 

 

 

2023/06/13 – Mt 5, 13-16

S’adressant toujours à des disciples, Jésus déclare: Vous êtes le sel de la terre. Si le sel s’affadit il n’est plus bon qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds. Vous êtes la lumière du monde. Pour qu’une lampe donne de la lumière il faut la placer bien haut. De même vos bonnes actions doivent briller pour que soit glorifié votre Père qui est aux cieux.

Nous sommes encore dans le début du sermon sur la montagne. Jésus a commencé avec les béatitudes à proclamer l’heureuse condition des disciples. Maintenant il les avertit du sérieux de leur mission.

Le sel a trois caractéristiques. La première est de donner de la saveur aux aliments. La seconde est de permettre de conserver des denrées périssables: le sel empêche la corruption. Finalement, le sel est considéré comme un élément stable, permanent, qui lui-même ne se corrompt pas. Ainsi, dans la Bible, pour désigner une alliance stable et permanente, on dit que c’est une alliance de sel.

En disant, vous êtes le sel de la terre, Jésus avertit ses disciples: ils doivent avoir un rôle important sur la terre et doivent le remplir avec fidélité et persévérance.

Une seconde image, celle de la lumière, vient renforcer l’idée d’une mission qui nettement déborde les limites d’une communauté. Isaïe avait employé la même image pour parler de la future mission d’Israël dans une perspective universaliste. Jérusalem, située sur une montagne, attirerait les peuples: Les nations marcheront à ta lumière.   (Is.60,3)

Et pour le serviteur, Yahvé dit: Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre.   (Is.49,6)

Les disciples doivent être comme cette lumière; pour éclairer, ils ne doivent pas être cachés. On ne garde pas une lampe sous le trépied où elle est quand on ne s’en sert pas. Mais la lampe allumée on la met bien haut pour éclairer toute la maison qui, pour les gens ordinaires, n’a qu’une pièce mais dont les ouvertures sont très petites pour se protéger du froid et de la chaleur. Sans lampe, la maison est toujours obscure: la femme qui a perdu une pièce de monnaie, avant de balayer, allume une lampe en plein jour (Luc,15,8). C’est donc la nécessité de rayonner sur les autres qui est rappelée. Ce rayonnement se fait par “ce que vous faites de bien”, littéralement, “vos bonnes œuvres” qui, pour des Juifs, veulent dire des œuvres de charité.

Avec ces avertissements, quelqu’un qui veut être un disciple édifiant se prépare à écouter avec attention le reste du discours qui va donner des exemples de vie appartenant au Royaume de Dieu.

Jean Gobeil SJ 

2023/06/12 – Mt 5, 1-12

Jésus gravit la montagne et s’assit (pour enseigner). Les disciples s’approchèrent. Il leur enseignait:

Bienheureux les pauvres en esprit (quant au cœur), le Royaume des cieux est à eux.

Bienheureux les doux (les humbles): ils obtiendront la Terre (promise).

Bienheureux ceux qui sont dans le deuil: ils seront consolés.

Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice: ils seront rassasiés.

Bienheureux les miséricordieux: ils obtiendront miséricorde.

Bienheureux les purs quant au cœur: ils verront Dieu.

Bienheureux les artisans de paix: ils seront appelés fils de Dieu.

Bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice: le Royaume des cieux est à eux.

Bienheureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute, si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi.

Réjouissez vous. Soyez dans l’allégresse car votre récompense sera grande dans les cieux.

C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.

Les béatitudes, comme tout le sermon sur la montagne, s’adressent à des disciples, des gens qui ont déjà accepté Jésus comme le Christ, l’envoyé de Dieu. Avec lui, le Royaume est déjà présent d’une certaine manière: remarquez le verbe au présent dans la première et la huitième béatitude.

C’est le Christ qui apporte la réalisation des promesses et des attentes de l’Ancien Testament. Ainsi, par exemple, la seconde béatitude est l’écho du 37,11:

Les humbles posséderont la terre, réjouis d’une grande paix.

Ces humbles, ou doux, ou ces petits (les anawims Yahvé), ou les “pauvres” (ceux qui n’ont rien à revendiquer mais comptent uniquement sur Yahvé), ce sont eux que Yahvé écoutent, dit le Ps.34.

Pour montrer qu’il y a un contraste entre les valeurs du Royaume et celles du Monde, la venue du Royaume montre un renversement des valeurs qu’on voyait déjà dans les venues de Yahvé dans l’Ancien Testament et dans le Magnificat de Marie, par exemple. Mais les verbes au futur nous rappellent que ce renversement ne sera complètement réalisé qu’avec le retour glorieux du Christ. Le Royaume est déjà présent mais les forces du mal (derrière les persécutions) et les limites humaines (les deuils) ne sont pas disparues. Mais ce qui fait que des faibles peuvent être dits bienheureux est le fait que dans leur faiblesse ils s’appuient essentiellement sur le Christ qui a vécu ces béatitudes:

Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger.

Jean Gobeil SJ

 

 

(Pour plus de développement, voir dans Vocabulaire de Théologie Biblique, par X. Léon-Dufour, l’article Béatitude par Jean-Louis D’Aragon.)

 

 

2022/06/25 – Lc 2, 41-51

Pourquoi célébrer le Coeur Immaculé de la Mère du Christ? La liturgie vient de nous proposer le Sacré Coeur de Jésus, en qui s’est incarné tout l’amour de Dieu. Le Coeur de Marie symbolise également son amour, mais qu’ajoute-t-il à celui de son Fils? De fait, Marie n’ajoute rien par elle-même, elle reçoit tout de son Seigneur par la médiation de son Fils. Quel est alors son rôle? Elle révèle l’amour de Dieu et rend proche de nous la dimension maternelle de cet amour infini. La fête de son Coeur Immaculé manifeste sa communion intime avec celui de son Fils.

Les représentations du Seigneur dans la Bible s’inspirent d’une civilisation patriarcale, qui délaisse trop souvent la dimension, la présence et la fonction féminines de Dieu. La dévotion chrétienne, inspirée par le Nouveau Testament, corrige et complète la figure trop masculine de Dieu.

Avec notre imagination trop humaine, nous avons représenté Marie comme une reine au sens de dominatrice, à l’opposé de son rôle discret dans les  évangiles et dans les Actes des apôtres. Marie se caractérise par sa présence humble et par le don d’elle-même, en plein accord avec la volonté de Dieu.

Pour célébrer le coeur de Marie, la liturgie nous invite à contempler le dernier événement de l’enfance de Jésus « perdu et retrouvé au temple. » La conduite étrange du fils, qui se sépare de ses parents, nous semble étrange et déconcerte en particulier sa mère. Elle ne comprend pas, mais elle médite cet événement qu’elle accueille comme un mystère provenant de la volonté de Dieu.

Cet événement conclut la période relative à l’enfance du Christ Jésus. Comme toute conclusion, celle-ci revêt une signification spéciale. L’enfance de Jésus est significative dans la mesure où elle préfigure le ministère du Fils de Dieu dans notre monde et surtout le sommet de sa mission, son sacrifice sur la croix et sa résurrection. Une série de traits caractéristiques nous invitent à découvrir dans cet incident de Jésus au temple une anticipation du mystère pascal.

À l’âge de douze ans, tout jeune juif devait exprimer dans un rite spécial son adhésion libre et consciente à l’Alliance et devenir « fils de la loi ». C’est le « bar miswah » que les Juifs célèbrent solennellement de nos jours. Pour Jésus, cette célébration annonce que, lorsqu’il aura complété sa mission, il retournera chez son Père.

Les « trois jours » pendant lesquels ses parents cherchent Jésus correspondent aux trois jours du Christ au tombeau, depuis le vendredi jusqu’au jour de Pâques. « Pourquoi me cherchiez-vous? », répond Jésus à sa mère, comme les deux anges diront aux femmes venues au sépulcre: « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts? » (Lc 24,5)

« C’est chez mon Père que je dois être »: chaque fois que Jésus désigne sa mission avec le verbe « devoir », il annonce le mystère de sa passion et de sa résurrection, qu’il assume librement comme la volonté de son Père.  « Chez mon Père », dans sa maison, désigne le retour de Jésus vers son Père. « La maison de mon Père » est la première parole de Jésus dans l’Évangile de Luc » et la dernière, sur la croix, aura le même sens: « Père, entre tes mains, je remets mon esprit. »

« Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait ». Une telle incompréhension se retrouve partout dans l’Évangile où il est question du mystère pascal que le Christ va vivre. Cette intervention suprême de Dieu dans l’histoire dépasse toutes les possibilités humaines d’intelligence. Nous ne pouvons qu’imiter Marie qui conservait dans son coeur ces événements pour les méditer et les comprendre un jour.

Tous les épisodes que Jésus a vécus parlent du mystère central de sa vie, la mort qu’il a transformée dans sa personne en vie nouvelle de la résurrection.

L’Église propose deux vérités fondamentales au sujet de Marie, la Mère du Christ: l’Immaculée Conception et l’Assomption. La fête du Coeur Immaculée de Marie met en lumière la première intervention de Dieu, qui illumine le début de du pèlerinage terrestre de la Mère de Jésus. La seconde affirme la parfaite réalisation du projet de Dieu sur elle. C’est affirmer que Dieu a entouré de sa bienveillance toute l’existence de la Mère de son Fils. Il l’a protégée de toute souillure pour atteindre finalement la vie parfaite, sans fin, de toute sa personne, son âme et son corps.

Quel fut le cheminement de Marie pour atteindre ce but? Dans la pauvreté du coeur, selon la première béatitude, et dans une continuelle action de grâce. Après la salutation d’Élisabeth, Marie exprime dans son « Magnificat » ces deux sentiments qui devraient animer le pèlerinage de toute personne chrétienne: la conviction d’être pauvre devant son Seigneur et de tout recevoir de Lui dans une perpétuelle reconnaissance.

Jean-Louis D’Aragon SJ 

2022/06/24 – Lc 15, 3-7

Le thème de l’amour revient constamment dans la littérature, les chansons, les opéras, la musique,… Partout il est question de l’amour, parce que c’est la vie qui en dépend. Même si le thème a reparu sans cesse à travers notre histoire humaine, même si l’amour a été trop souvent trahi ou déformé, on y revient toujours, car sans amour la vie est impensable, elle n’existe plus.

L’amour toutefois est exigeant, il s’accompagne toujours de souffrance, mais essayer de vivre sans amour est encore plus terrible. L’une des souffrances que provoque l’amour, c’est le renoncement. L’amour exige qu’on sacrifie tout pour lui. Un amour ne peut se partager, autrement il se détruit. Il oriente les forces vives de la personne qui aime, sacrifiant tout ce qui se trouve en dehors du chemin de cet amour.

Le thème de l’amour éclaire l’action de Dieu à travers la création et l’histoire. Chaque page de la Bible ne se comprend qu’à la lumière de cet amour. Sans cette lumière, tout serait chaos et scandale. Au terme de la Bible, la 1ère épître de Jean propose par deux fois d’identifier Dieu à l’amour: « Dieu est amour. » (1 Jean 4,8.16)

Mais notre monde pécheur et égoïste caricature et déforme trop souvent l’amour. On pense aimer quand l’objet ou la personne aimée peut nous procurer un plaisir. Cette vue égoïste est courante, mais Jésus la dénonce comme le contraire de l’amour: « Si vous aimez seulement ceux qui vous aiment, pourquoi vous attendre à une reconnaissance particulière? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment!…Au contraire, aimez vos ennemis…Vous serez alors les fils du Dieu Très-haut. » (Luc 6,32-35) Pour appartenir à la famille de Dieu, ses enfants doivent aimer sans retour sur eux-mêmes.

Jésus nous enseigne donc que l’amour vrai ne provient pas de la personne aimée, mais de l’intérieur de celle qui aime, de son coeur qui l’incline à se donner. Dieu est le modèle suprême de cet amour. Il n’avait nul besoin de nous, ni de la création. Ce n’est pas notre néant qui pouvait attirer son attention. L’unique cause de notre existence, c’est son amour et sa vie qu’il a voulu partager. « Tu aimes tous les êtres et tu ne détestes rien de ce que tu as fait. Si tu avais haï quoi que ce soit, tu ne l’aurais pas créé. » (Sag 11,24)

Après l’ensemble de l’univers, Dieu a créé l’être humain (Gen 1,26s), puis son peuple (Ex 3,14ss) pour l’inviter à entrer dans une alliance d’amour. Mais son amour infini, le Seigneur l’a montré en donnant son propre Fils, son unique: « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique,.. afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle. » (Jn 3,16) Jésus, le Fils unique, est le signe extrême de l’amour divin et son coeur est le symbole du don de lui-même pour chacun de nous: « Le Christ s’est livré lui-même pour nous sauver de nos péchés, afin de nous arracher au pouvoir mauvais du monde présent, selon la volonté de Dieu, notre Père. » (Gal 1,4)

Au terme de sa mission de salut pour nous, le coup de lance d’un soldat ouvre le coeur du Christ, le Fils de Dieu, révélant qu’il a tout donné par amour. (Jn 19,34-37) L’insistance de l’évangéliste sur ce fait attire l’attention sur la profondeur d’un tel signe.

Trois paraboles (la brebis perdue, la pièce de monnaie égarée et l’enfant prodigue) se suivent dans ce chapitre 15 de Luc, pour illustrer que Jésus incarne l’amour de Dieu dans son accueil bienveillant des pécheurs, eux qui sont séparés ou même ennemis de Dieu.

L’introduction à ces paraboles (Lc 15,1-2) signale que Jésus est sur la défensive. Les Pharisiens et les docteurs de la loi, qui prétendent diriger le peuple, défendent tout contact avec les pécheurs. Ils attaquent donc Jésus qui les accueillent et qui mangent même avec eux, partageant la même nourriture, donc la même vie. Il faut éviter toute contamination avec ces pestiférés.

La brebis perdue représente le pécheur. Cette brebis est incapable d’initiative, elle est désespérée, car elle ne peut revenir par elle-même au bercail pour retrouver la sécurité. Le berger, qui en la garde, doit partir à la recherche de ce mouton rebelle et perdu, sinon il devra en payer le prix au propriétaire du troupeau. Jésus recourt à cette expérience courante du dévouement intéressé du berger pour l’appliquer à Dieu.

La parabole de l’enfant prodigue est certes très touchante: après l’ingratitude insigne de son fils, le père l’accueille avec joie, oubliant tout le passé. Dans le cas de la brebis perdue, la démarche de Dieu est encore plus touchante, car il prend l’initiative de partir à la recherche du pécheur égaré. La réconciliation provient entièrement du Maître de la brebis. C’est par amour pur qu’il la recherche et qu’il la ramène sur ses épaules dans sa maison. Le berger de la parabole se réjouit pour un motif égoïste et invite ses amis à se réjouir avec lui. Dans le cas du pécheur ramené à Dieu, la joie pure, désintéressée, éclate au ciel pour un seul converti, plus que pour 99 qui se prétendent « justes » et qui estiment ne pas avoir à se repentir.

Jésus, le Fils de Dieu, incarne dans sa personne l’amour infini de Dieu. Son coeur, symbole de cet amour, accueille toute personne même rebelle à Dieu. Non seulement, il l’accueille, mais il guette de loin son enfant qui revient, comme l’enfant prodigue. Il part même à sa recherche et le porte sur ses épaules pour le réintroduire dans sa maison.

L’attitude des Pharisiens, et de tous ceux qui se jugent comme les purs dans un monde dépravé, veulent se protéger contre la peste du péché, de la dégradation et de la corruption. C’est le repli égoïste sur soi-même. Jésus, au contraire, révèle l’amour conquérant de Dieu. Dans notre monde où l’amour et la vie combattent le mal et la haine, l’amour triomphera toujours.

Jean-Louis D’Aragon SJ 

2022/06/23 – Lc 1, 57-66.80

La naissance de Jean-Baptiste est cause de joie pour la famille et les voisins d’Elisabeth. A la circoncision, Elisabeth et Zacharie, séparément, ont l’inspiration de lui donner le nom de Jean, un nom qui n’appartient pas à la tradition de la famille, pour souligner l’action de Dieu et le présage d’une vocation spéciale. Zacharie retrouve alors la parole et loue le Seigneur. La main du Seigneur était avec Jean et les gens se demandaient quelle serait sa vocation.

Pour Jean, l’évangéliste, Jean-Baptiste est celui qui témoigne.

En voyant Jésus il déclare: “Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.”

L’Agneau est une référence à l’agneau pascal, un symbole de libération.

Il enlève le péché du monde: c’est une référence à la prédiction d’Isaïe sur le personnage futur du serviteur qui portera ou enlèvera les péchés.

Il est donc le Sauveur qui vient libérer.

“Celui qui m’avait envoyé m’avait dit: “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint”. Et moi j’ai vu et je témoigne que celui-ci est l’Elu de Dieu.” (1,29.33-34)

Pour les synoptiques, il est le précurseur, celui qui prépare la venue du Messie. Mais pour Luc, c’est à l’intérieur de l’évangile de l’enfance et Jean-Baptiste participe à la présence de l’Esprit Saint et à la joie qui entoure l’Incarnation. Comme pour Jésus, il y a une annonciation par un ange; comme Marie, Zacharie le père a un chant d’action de grâce. Comme pour Jésus, il y a la cérémonie du nom qui est donné.

Tout en respectant le caractère unique de la personne de Jésus, Luc souligne l’importance de la naissance de Jean-Baptiste. Elisabeth est âgée et n’a jamais eu d’enfant: sa grossesse est due à la Providence et la comble de joie. La rencontre de Marie est aussi une rencontre de l’Esprit Saint. Le don du nom de Jean souligne l’importance du rôle que Dieu lui réserve.

Zacharie est un prêtre; à cause de cela, il serait normal que Jean-Baptiste reçoive le même nom que son père ou au moins le nom d’un ancêtre important. Or lorsqu’on demande à Elisabeth, puisque Zacharie est encore muet, quel sera le nom de l’enfant, elle répond sans avoir pu se concerter avec son mari que ce sera Jean. A son tour, Zacharie écrit sur une tablette: son nom est Jean. La raison est que c’est Dieu, par l’intermédiaire de l’ange dans la vision de Zacharie au temple, qui a imposé le nom de Jean. Or quand Dieu donne un nom, comme Jésus le fera pour Simon, c’est pour indiquer une vocation à une mission.

L’antienne d’ouverture de la messe rappelait les deux aspects de la mission de Jean-Baptiste : l’aspect de l’évangile de Jean, Il était venu comme témoin, pour rendre témoignage à la lumière ; l’aspect de  la version de Luc : pour préparer au Seigneur un peuple capable de l’accueillir.

Luc ne fera que mentionner la mort de Jean-Baptiste mais Marc et Matthieu expliqueront que c’est à cause de sa fidélité à sa mission qu’il sera mis à mort.

Il y a un type d’icône qui représente le Christ glorieux avec de chaque côté de lui et tournés vers lui, Marie d’un côté et Jean-Baptiste de l’autre. On appelle cette icône, la déèsis, la supplication ou la prière. Marie et Jean-Baptiste continuent à jouer un rôle important qui est de prier pour l’Église.

Avec Marie et Jean-Baptiste, nous pouvons refaire la demande de l’oraison : Seigneur, accorde à ton Église le don de la joie spirituelle, et guide l’esprit de tous les croyants dans la voie du salut et de la paix.

Jean Gobeil SJ 

 

 

 

 

2022/06/22 – Mt 7, 15-20

Ce passage, toujours dans la conclusion du sermon sur la montagne, est un avertissement à la communauté: il faut se défier des pseudo-prophètes. Ils peuvent bien paraître, déguisés en brebis, mais ils sont en réalité des loups voraces.  Leur titre et leur apparence ne sont pas une garantie. Le meilleur critère pour reconnaître ce qu’ils sont vraiment est de voir si leurs actes, leurs fruits, et leur conduite sont en accord avec l’enseignement du Christ. Tout arbre bon donne de beaux fruits.

Le prophète Joël avait prédit qu’avec la venue du Messie et l’ère nouvelle l’Esprit Saint serait répandu dans tous les fidèles : Je répandrai mon Esprit sur toute chair. Vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens auront de songes, vos jeunes gens des visions.   (Joël 3,1)

Dans l’évangile de l’enfance de Luc, on voit qu’avec la présence du Verbe la présence de l’Esprit Saint se manifeste dans Marie, dans Élisabeth, au temple dans le vieillard Siméon et la prophétesse Anne. Dans les Actes des apôtres qui décrivent les débuts de l’Église, cette présence se manifeste lors de la Pentecôte où Pierre déclare que la prophétie de Joël est maintenant réalisée. Cette présence continue de se manifester après la Pentecôte de diverses façons. Ce sont les dons ou grâces données aux individus pour servir la communauté. Parmi ces dons, il y a celui de parler sous l’inspiration de l’Esprit Saint: le don de prophétie. Il peut être occasionnel comme après le baptême où souvent le nouveau baptisé est dit “prophétiser”.  Occasionnellement, prophétiser implique une prédiction dont l’annonce demande une démarche de la communauté: à Antioche, un prophète annonce une famine et la communauté doit préparer de l’aide pour l’église de Jérusalem (Actes 11,28). Mais une prophétie n’est pas nécessairement une prédiction de l’avenir. Paul décrit l’action de prophétiser comme une action d’ édifier, exhorter, réconforter (1 Corinthiens 14,3).

Ceux qui avaient ce charisme ou ce don qui évidemment était très important pour la communauté étaient considérés comme des prophètes de façon permanente pour les distinguer des autres services comme celui des docteurs (ceux qui enseignaient) ou des prédicateurs comme Apollos qui était un très bon prédicateur mais pourtant n’est pas appelé un prophète.

Paul appréciait le rôle des prophètes dans la communauté; il recommande aux Thessaloniciens de ne pas déprécier les dons de prophétie (1 Thessaloniciens,5,19-21) mais d’utiliser quand même le discernement qui est aussi un don de l’Esprit. Le même discernement est suggéré aux prophètes de Corinthe (1 Corinthiens 14,29-32). Ceci vaut à l’intérieur d’une communauté. Les difficultés commenceront plus tard quand des gens venus de l’extérieur de la communauté se présenteront en se prétendant prophètes. Le prophétisme pouvait exercer de l’attrait sur des gens qui avaient le goût du prestige, du pouvoir ou du profit. Dès les débuts, Simon le magicien avait essayé d’obtenir le don de prophétie en offrant de l’argent à Pierre (Actes 8).

C’est donc une invitation au discernement qui est spécialement faite à la communauté à laquelle s’adresse Matthieu. Mais il reste que le discernement est toujours un don de l’Esprit et il doit encore être exercé sérieusement.

Jean Gobeil SJ