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2023/08/12 – Mt 17, 14-20

Après la Transfiguration sur la montagne, Jésus redescend dans la plaine avec ses trois disciples. Un homme vient aussitôt le supplier de guérir son fils (“lunatique”) qui a des crises qui le font se jeter n’importe où. Les autres disciples de Jésus n’ont pas été capables de le guérir. Jésus apostrophe les gens qui sont là, mais c’est probablement surtout aux disciples qu’il s’adresse. Il leur reproche leur manque de foi et se demande combien de temps il lui faudra rester avec eux et les endurer. Il fait venir l’enfant, l’interpelle et le démon sort de lui: il est guéri. Les disciples lui demandent ensuite pourquoi ils n’ont pas réussi. Il leur dit que s’ils avaient de la foi de la grosseur d’une graine de moutarde ils diraient à une montagne de se déplacer et elle se déplacerait.

Les disciples se sont attaqués à un mal très grave. Dans l’antiquité, on mettait l’épilepsie en relation avec les phases de la lune d’où le terme de lunatique pour un tel malade. Comme il n’y avait pas de remède, on en parlait comme du “haut mal”. Et ce mal comme les autres maladies était souvent attribué à la présence d’un démon. Dans le récit de Marc, Jésus parle longuement avec le père avant de faire la guérison. La suppression de ce dialogue dans Matthieu fait porter l’attention sur les disciples ce qui est confirmé par l’explication donnée aux disciples après la guérison. C’est donc, pour Matthieu, un texte qui s’adresse aussi à la communauté, à l’Église.

Comme les récits de miracles sont très rares dans cette section de l’évangile consacrée à la formation des disciples, (il n’y aura que les aveugles de Jéricho avant la montée de Jésus vers Jérusalem et la redevance au temple pour Pierre et Jésus). Ce récit frappe par le contraste avec ce qui précède. Sur la montagne, on avait un aperçu du monde de la gloire. L’aspect visible de Jésus devenait resplendissant, la présence de Moïse et d’Élie représentant la Loi et les Prophètes, la nuée qui comme au Sinaï était un signe de la présence de Dieu, la voix du Père témoignant de la filiation de Jésus, tout cela annonçait la gloire de Jésus.

En redescendant de la montagne vers la foule, on abandonne le monde de la gloire pour revenir au monde de la foi, au monde où le mal fait encore sentir sa présence. Pourtant, Jésus est encore visiblement présent et agissant comme on peut le voir dans la guérison. Mais Jésus avertit que ce même monde continuera quand il ne sera plus visiblement présent. Il ne restera que la foi pour les disciples. Mais, à condition de l’avoir, c’est tout ce qu’il faut, car même seulement une parcelle a assez de puissance pour transporter une montagne.

On peut penser, ce qui n’est pas dans notre texte, que notre foi peut transporter une montagne: elle peut transporter cette montagne de la Transfiguration pour l’emmener avec soi.

Jean Gobeil SJ

2023/08/11 – Mt 16, 24-28

Jésus déclare à ses disciples que pour le suivre il faut se renoncer et prendre sa croix. Il faut être prêt à perdre sa vie. Perdre sa vie pour lui est la seule façon de la garder. En comparaison, perdre sa vie pour acquérir le monde entier n’offre aucun avantage. Mais quand le Fils de l’homme viendra dans la gloire de son Père, c’est lui qui rendra à chacun selon sa conduite. Certains seront encore vivants quand le Fils de l’homme viendra dans son Règne.

Pierre vient de faire son acte de foi en disant à Jésus: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.  Comme le mot Christ signifie le Messie, Jésus veut préciser quelle sorte de Messie il doit être: il fait alors la première annonce de la Passion. Pierre s’objecte vivement à une telle idée et se fait rabrouer sérieusement par Jésus. Il doit accepter cette idée s’il veut être son disciple. Comme les autres disciples ont probablement la même idée d’un Messie royal et glorieux qui réserverait des postes avantageux pour ses disciples, Jésus leur adresse le texte que nous avons.

Il a dû faire la même chose plusieurs fois. Dans un texte de Jean, il avait dit aux disciples qu’il fallait, pour produire des fruits, qu’il meure comme le grain de blé qui est déposé dans la terre. L’idée du Messie pour les Juifs au temps de Jésus, et après, était que le Messie ne pouvait essuyer d’échec puisqu’il était envoyé par Dieu. En 131, un révolutionnaire avait été salué comme Messie avec le titre de Fils de l’étoile, Bar Koseba, que lui avait décerné un rabbin célèbre (Aqiba). Dès qu’il perdit une bataille contre les Romains, le même rabbin le traita de blasphémateur pour avoir fait croire qu’il était le Messie. Encore aujourd’hui, les musulmans qui reconnaissent Jésus comme un prophète, donc envoyé par Dieu, soutiennent qu’il ne peut être mort sur une croix: ceci est une invention des chrétiens!

Matthieu choisit donc une tradition encore plus explicite. Au lieu de parler du grain de blé qui doit tomber en terre pour produire des fruits, il parle de prendre sa croix. Celui qui veut le suivre, être son disciple, doit se renoncer et prendre sa croix. C’est cela perdre sa vie pour la sauver. C’est seulement quand le Christ reviendra dans la gloire du Père que les disciples recevront la gloire que leur conduite leur a méritée.

Une tradition différente a été ajoutée comme conclusion. Il ne s’agit pas de la venue du Christ dans la gloire du Père c’est-à-dire de la venue du Règne du Père avec le jugement final mais de la venue du Fils de l’homme dans son Règne ce qui est probablement une référence à la ruine de Jérusalem qui est un signe de la fin de l’ordre ancien.

Jean Gobeil SJ

2023/08/10 – Jn 12, 24-26

Avant la Pâque, c’est-à-dire avant la Passion, Jésus prépare ses disciples en leur donnant les sens de sa mort.

Ils ont franchi la frontière vers l’au-delà

La mort apparaît comme un scandale, dont on a peur et qui répugne. Nous ressentons tous un désir naturel de vivre en plénitude et indéfiniment. Or la mort vient mettre un terme brutal à cette aspiration, contredisant notre rêve de bonheur, un rêve que le Créateur a mis en nous. C’est Lui également qui nous a créés avec un corps qui grandit, qui s’use et qui, fatalement, va vers la mort. Comment le même Dieu d’amour a-t-il pu insérer en nous ce besoin de vivre sans limite et, en même temps, imposer la limite de la mort à notre corps ? Comment comprendre cette contradiction ?

Si nous regardons autour de nous, nous voyons que tout naît, vit et meurt. Le printemps annonce une nouvelle vie après la mort de l’hiver. De nouvelles fleurs et de nouveaux bourgeons remplacent les feuilles mortes et balayées par le vent à l’automne. En nous-mêmes, dans notre corps, plus de trente millions de cellules meurent chaque jour pour être remplacées par autant de nouvelles unités vivantes. Jésus donne l’exemple du grain de blé, qui meurt et pourrit en terre, pour reparaître sous la forme d’une tige qui porte de nombreuses graines. Ce grain, tombé en terre qui revit dans une gerbe, révèle la fécondité du sacrifice. Jeter du grain en terre pour qu’il pourrisse et meure paraît stupide, mais l’expérience nous montre que la régénération de la vie passe par ce processus déconcertant. Tout autour de nous, nous observons cette loi universelle de mort qui prélude à une nouvelle vie.

Pourquoi le Créateur a-t-il inscrit en nous, et dans la nature qui nous entoure, une telle loi de mort et de vie nouvelle ? Il nous a modelés pour entrer dans une communion d’amour, dans une alliance, avec Lui et avec la nature autour de nous. L’amour nous entraîne dans une sortie de nous-mêmes, hors de notre solitude égoïste et de nos limites, pour vivre dans la Personne aimée, en nous donnant à elle. Dieu a voulu que la nature nous enseigne cette loi de l’amour qui se donne et qu’elle nous accompagne dans cette montée vers le Seigneur. « La création elle-même gémit et souffre, comme une femme qui accouche, » dans ce pèlerinage vers notre Créateur (Rom 8,22).

Ce don par amour, c’est le sacrifice, offrande de notre personne, nous remettant dans une confiance absolue à Celui qui nous a donné la vie. Tout au long de notre existence, de notre pèlerinage, nous exprimons notre confiance par des dons et des sacrifices offerts par amour à Celui qui nous aime. Ces sacrifices se multiplient naturellement quand nous avançons en âge : nous perdons notre mobilité, notre mémoire, notre audition, notre vue,…Ces pertes apparentes nous acheminent et nous préparent au sacrifice suprême, la remise de notre vie entre les mains de Celui qui nous l’a donnée. Ce moment devrait être l’acte le plus sublime de notre amour dans une confiance parfaite au Seigneur. En vieillissant, chacun de nous est comme une montgolfière, dont on largue les amarres et qu’on allège en la délestant des poids et des liens qui la retenaient au sol. Purifiée de tout retour sur elle-même, de tout égoïsme, elle s’élève alors vers le ciel.

Heure difficile !

Il est pénible et même héroïque de tout quitter, et surtout de se quitter soi-même, pour plonger dans ce qui paraît un gouffre noir mystérieux. Jésus a subi, avant nous et pour nous, cette expérience : « Père, délivre-moi de cette heure ! » Au jardin de l’agonie, il s’écriera de la même manière : « Père, si c’est possible, éloigne de moi ce calice. » (Mt 26,39) Mais cette coupe représente le but suprême de sa mission reçue de Dieu. Aussi corrige-t-il sa volonté pour l’accorder à celle de son Père: « Que ta volonté soit faite ! »  De même ici, il s’écrie : « Père, glorifie ton nom !» c’est-à-dire que ta personne se révèle d’une manière éclatante dans mon sacrifice ! Aussi l’Évangile de Jean interprète la Passion du Christ comme un triomphe.

Jésus nous a ouvert le chemin et il nous accompagne dans ce passage vers la patrie, où son Père nous attend. L’amour et la confiance transforment ce sacrifice suprême en une douce dormition. Les premiers chrétiens disaient de leur frère ou de leur sœur qui les avait quittés : « Il ou elle s’est endormie dans le Seigneur », non pas seul, mais uni à son Seigneur.

Conclusion

Dans toute existence humaine, deux moments sont particulièrement pénibles, le début et la fin. Mais chacun de ces moments comprend un sacrifice pour accéder à une nouvelle forme de vie. L’enfant est forcé de quitter le sein de sa mère, qui le réchauffe et le nourrit, pour accéder à une existence autonome. Pour celui et celle qui croit dans l’amour, la fin de notre existence humaine nous ouvre sur la communion intime avec le Seigneur dans l’éblouissement de la vie éternelle.

Jean-Louis D’Aragon SJ 

2023/08/09 – Mt 25, 1-13

Prévoir le sommet de notre vie

Nous savons tous que les événements majeurs de notre vie se préparent, parfois longtemps à l’avance. Par exemple, on n’improvise pas une cérémonie de mariage. Même pour un examen de fin d’année à l’université, on ne se présente pas sans avoir étudié de longues heures. Un sportif s’entraîne durant de nombreux mois en vue d’une compétition.

Quand il s’agit de notre rencontre avec le Christ, notre Seigneur, nous devons lui consacrer une préparation qui dure toute notre vie. C’est notre pèlerinage toujours orienté vers le but de notre existence terrestre. À notre mort, nous ferons le bilan de notre vie. Un tel compte rendu, global et final, exige que notre vie tende sans cesse vers cet instant suprême.  Tel est le thème central de la parabole des deux groupes de jeunes filles, que Jésus nous présente.

Si on envisage cette rencontre comme celle d’un accusé devant son juge, qui connaît les moindres détails et toutes les fautes de notre existence, nous pouvons avoir peur. Mais ce juge apparaît ici comme l’époux, uni dans l’amour par son Alliance à chacun des membres de son peuple. Son amour transfigure toute cette scène, qui pourrait nous terrifier. Comme disait Mgr de Ségur, « Je préfère être jugé par le Seigneur Jésus que par ma propre mère. » Nous savons pourtant que la personne la plus indulgente à notre égard, c’est notre mère.

Le déroulement du mariage en Palestine

Il est éclairant de connaître les coutumes orientales pour comprendre les détails de cette parabole. Les coutumes d’un village palestinien sont les mêmes encore aujourd’hui et on ne peut s’en exempter.

Dans un premier temps, le fiancé se rend à la maison du père de sa fiancée pour amener celle-ci chez lui. Le délai, pendant lequel les jeunes filles s’endorment, dépend des longues discussions entre les deux familles à propos des cadeaux et de la dot. En effet, on discute très longtemps, une nuit, un autre jour, …  Soudain un messager crie que le fiancé s’en vient.

Les jeunes filles ont pour fonction d’éclairer le cortège quand le fiancé, avec ses amis, vient prendre la fiancée. Il faut de l’huile d’olive pour renouveler le feu des torches à tous les quarts d’heure, durant le trajet et durant les festivités chez le marié. Tout le village est en éveil ; même les marchands gardent leurs magasins ouverts.

Sens de la parabole

L’époux représente naturellement le Seigneur Jésus. Il vient à notre rencontre, à la fin de notre pèlerinage sur terre, pour la fête des noces. Cette image de l’époux et de l’épouse reprend le thème de l’Ancien Testament, surtout chez le prophète Osée, qui considère l’Alliance de Dieu, uni intimement à son peuple par le lien du mariage. Avec la révélation du Christ, Dieu se rend visible dans son Fils, qui devient l’époux parmi nous. L’amour de Dieu s’abaisse à notre niveau humain pour nous prouver sa bonté et pour solliciter notre réponse ! Une telle rencontre matrimoniale ne s’improvise pas. Elle sera d’autant plus éblouissante qu’elle sera au terme d’une vigilance constante et intense.

Pourquoi notre société se concerte-t-elle pour nous distraire de cette rencontre et même pour nous éviter d’y penser ? Devant la mort inéluctable d’un proche, on cache souvent tous les signes qui nous interpellent et qui nous annoncent notre propre mort. On fait disparaître au plus tôt le cadavre, on délaisse toute cérémonie funéraire, on évite le cimetière pour s’en tenir à une niche dans un columbarium.

Certaines valeurs, représentées par l’huile, ne peuvent s’emprunter, car elles sont personnelles, adhérant à chaque personne en vertu de son expérience vécue. On ne peut emprunter des connaissances intellectuelles ou des vertus spirituelles, tout spécialement l’amour et la communion avec le Seigneur Jésus.  Ces valeurs ne sont pas de l’ordre du commerce, elles ne s’empruntent pas, elles ne s’échangent pas, elles ne s’achètent pas. Elles sont personnelles !

Jean-Louis D’Aragon SJ

 

2023/08/08 – Mt 14, 22-36

Après la multiplication des pains pour nourrir la foule, Jésus renvoie les disciples dans leur barque et se retire dans la montagne pour prier. Pendant ce temps, la barque est battue par les vagues à cause du vent. Vers la fin de la nuit, Jésus vient aux disciples en marchant sur les eaux. Ils sont terrifiés mais Jésus les rassure: Confiance; c’est moi; n’ayez pas peur.   Pierre s’offre à aller le trouver. Jésus lui dit: Viens. Pierre a peur à cause du vent et il se met à s’enfoncer. Il crie: Seigneur, sauve-moi.  Jésus tend la main, le saisit et dit: Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté?  Ils montent dans la barque et le vent tombe. Les disciples se prosternent et disent: Vraiment tu es le Fils de Dieu. Ils arrivent à Génésareth. Les malades viennent à lui et sont guéris en touchant la frange de son manteau.

Le récit est centré sur Jésus et ses disciples. Ceci a commencé dans la multiplication des pains juste auparavant. Jésus a pris les pains, les a bénis et les a rompus: des mots qui rappellent l’institution de l’Eucharistie. Ensuite dans Marc, Jésus distribue les pains. Mais dans Matthieu, Jésus fait distribuer les pains par les disciples. On est dans une vision du rôle des disciples dans l’Église.

Jésus va prier dans la montagne. Souvent, c’est quelque chose qu’il fait avant un moment important. Les disciples sont en difficulté et Jésus semble bien absent. C’est un moment qui se répétera souvent dans l’Église. Dans ce moment de difficulté, Jésus recommande trois choses. La première est la confiance. La confiance suppose la foi. Il faut conserver la foi en la présence du Christ en dépit des apparences. La base de la confiance est dans la seconde parole: C’est moi. Il est présent et il est là pour sauver comme Pierre le demande. Et finalement il dit: N’ayez pas peur. La peur paralyse et empêche d’agir: Pierre s’est mis à enfoncer quand il a eu peur. S’il y a la foi en la présence de Celui qui sauve, il ne devrait pas y avoir cette peur qui empêche d’agir.

Dans la présence du Christ dans la tempête, il y a une promesse qui sera répétée dans les derniers mots de l’évangile de Matthieu: Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la consommation des siècles.

La conclusion est une image de la foi: il suffisait pour les malades d’avoir confiance et de toucher à la frange de son manteau et ils étaient guéris.

On peut penser qu’il n’est pas nécessaire d’être un grand mystique pour être présent à l’action salvatrice du Christ: la frange de son manteau suffit.

Jean Gobeil SJ

 

2023/08/07 – Mt 14, 13-21

Des nouvelles tristes ou même accablantes surviennent parfois dans nos vies. Comment devrait-on les surmonter et les assumer sans nous démoraliser ? Plusieurs pensent que les distractions ou le travail permettent d’oublier ou, au moins, de prendre ses distances pour objectiver et relativiser l’effet de ces événements. Quelle conduite Jésus a-t-il adoptée lorsqu’il a vécu une situation difficile et même pénible ? L’Évangile nous dit qu’il s’est retiré dans un endroit isolé, sans doute pour méditer et pour prier.

Quelles étaient ces nouvelles ?

          Tout d’abord une expérience qui a dû ulcérer Jésus : le refus que lui opposèrent les gens de son village, Nazareth (13,53-56). Ils refusèrent de croire en lui, dans la mission que Dieu lui avait confiée. Ses amis depuis son enfance se disaient qu’ils le connaissaient bien, depuis toujours ; et cela les empêchait de croire en lui (13,57). Jésus ne peut accomplir des miracles à cause de leur manque de foi (13, 57), non pas qu’il soit devenu impuissant, mais parce que la foi seule permet d’accueillir l’action du Christ, d’y découvrir un sens. Le miracle n’est pas une action extraordinaire qui voisine la magie, mais un signe qui exprime un message de Dieu.

En plus de cette épreuve, Jésus apprend l’exécution de Jean Baptiste par un roi adultère. Jean avait baptisé Jésus, qui, d’une certaine manière, avait peut-être été son disciple et qui avait commencé son ministère juste après l’incarcération de Jean, donnant l’impression qu’il continuait la mission de Jean. La mise à mort de Jean annonçait à Jésus que le même rejet et sa condamnation par les autorités seraient sa destinée de suivre son précurseur.

Jésus se retire alors dans un endroit désert, à l’écart, pour retrouver la force de persévérer dans l’intimité de la prière avec Dieu, son Père. Il évite l’amertume qui nous guette après un échec ou la colère devant l’incompréhension et l’incrédulité.

Une contrainte imprévue

Il nous arrive d’avoir planifié une période de repos dans un endroit isolé pour qu’une circonstance subite dérange nos prévisions. On est tenté de s’insurger contre cette surprise qui dérange, de fermer sa porte à cet importun qui dérange. Le Christ nous dit cependant que dans ce pauvre ennuyeux, c’est qui demande notre secours.

Pour Jésus qui cherche le repos, c’est une grande foule de gens qui l’attendent sur la rive. Ils représentent notre pauvre humanité malade, infirme et souvent sans espérance. La réaction du Christ est celle de Dieu, qui est l’Amour, il est saisi de pitié envers eux. La compassion, ce n’est pas simplement s’apitoyer, c’est souffrir en union avec l’autre écrasé par sa misère. Aussi cette pitié de Jésus est active. Dieu dans son Envoyé guérit, il cicatrise les blessures que nos péchés nous ont causées. La guérison corporelle est une image de la guérison spirituelle, bien plus profonde que celle qui n’atteint que le physique. Telle est la volonté de Dieu en nous créant, il désirait que nous vivions pleinement.

Le repas de famille

          Les disciples représentent notre humanité et ils expriment notre condition misérable dans le désert de notre existence terrestre. Notre monde a faim de vie, de joie et de bonheur. À ses disciples qui constatent la situation pénible de la foule, Jésus répond en leur rappelant leur responsabilité de nourrir tous ces gens. Il veut faire prendre conscience à ses disciples qu’ils sont démunis devant un si grand besoin, car ils n’ont que quelques pains et deux poissons, qui montrent les ressources pitoyables dont dispose l’Église réduite à ses ressources humaines face à la faim de liberté, de joie et de paix dont souffre le monde.

C’est dans notre désert que le Christ nous offre le repas dans lequel il se donne personnellement en nourriture. Ce récit de la multiplication des pains reparaît six fois dans les évangiles, attestant ainsi sa signification centrale pour les premiers chrétiens. Ce repas offert par le Christ représentait déjà pour eux le sacrement central, celui qui révèle l’Amour extrême de Dieu dans son Fils incarné. Il se livre constamment à nous, à travers les siècles, pour entretenir, renouveler et développer en nous sa vie de Ressuscité.

Jean-Louis D’Aragon SJ