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2022/12/31 – Jn 1, 1-18

En guise de préface à son Évangile, Jean emprunte un chant chré­tien déjà existante, qu’il complète pour introduire les idées essentielles que son livre développera. La mission du Verbe incarné, selon Jean, consiste dans une descente d’en haut vers le monde des humains, qui sont d’en bas, et dans une remontée auprès de Dieu. Dans son message d’adieu aux siens, Jésus leur résume ces trois étapes de sa mission : Je suis venu du Père et je suis ar­rivé dans le monde. Maintenant je quitte le monde et je m’en vais auprès du Père. (Jn 16, 28)

Comme le Prologue offre un résumé de l’Évangile, on y retrouve trois parties : 1) Le Verbe préexistant (avant la création) auprès de Dieu (vv. 1-5); 2) Le ministère du Verbe parmi les humains depuis son incarnation, avec un fort accent sur le refus incompréhensible que lui oppose le monde (vv.6-13; 3) La glorification du Verbe, qui comble ceux qui croient, en leur accordant grâce sur grâce (vv. 14-18).

La Parole de Dieu, Personne divine (vv. 1,14), est la Lumière (vv.5,9) et le Fils unique de Dieu (vv.14,18). Il est devenu chair, c’est-à-dire homme limité et faible (v.14). Bien que rejeté par les siens, il accorde à tous ceux qui l’accueillent par la foi le pouvoir de devenir enfants de Dieu, en sorte qu’ils participent à la plénitude de Dieu. Cette grâce provient de l’amour de Dieu, qui surpasse le don de la Loi par Moïse.

La tradition rattachait le début du ministère de Jésus à celui de Jean Baptiste. Aussi l’évangéliste mentionne Jean avant que la lumière vienne dans le monde, affirmant que sa mission consistait à rendre témoignage au Verbe Lumière (vv.6-8). Uni à ceux qui ont vu la gloire du Verbe venu dans la chair, Jean témoigne qu’il existait avant la création (v.15).

Ce prologue commence en précisant la relation qui unit le Verbe à Dieu (vv. 1-2). Dans une relation personnelle avec Dieu, le Verbe vit de Dieu et en Dieu. Le Verbe, sans cesse tourné vers Dieu, s’ouvre complète­ment à Dieu, qui lui donne tout, en sorte que le Verbe est lui-même Dieu (v.1c).  Mais Dieu n’absorbe pas le Verbe, qui conserve son identité distincte de Dieu. L’Évangile reprendra cette relation étroite avec les termes de Père et de Fils. Jésus exprimera avec force son union à Dieu, af­firmant que moi et le Père, nous sommes un (10, 30), non pas seulement unis, mais d’une certaine manière une seule réalité. Aussi Jésus peut-il ré­pondre à Philippe qui lui demande de lui montrer le Père : Celui qui m’a vu a vu le Père, …je suis dans le Père et le Père est en moi. (14,9-10)

La condition humaine ne se comprend que dans une vue globale de son histoire, qu’il s’agisse d’une personne ou d’un groupe. Il faut connaître ses racines et le terme vers lequel tend son cheminement. Aussi Jean évoque le début, la création de l’univers, Tout a été fait par lui (v.3), et le but que doit poursuivre le croyant, devenir enfants de Dieu (v.12) et recevoir du Fils glorifié grâce sur grâce (v.16). L’histoire d’un individu ou d’une commu­nauté ne peut avoir de sens que si elle progresse dans une continuité vers un but. Or cette continuité dépend de la fidélité à un projet. Telle est la loi exi­gée pour se développer. Le progrès, le bonheur et la vie sont à ce prix.

Jean enseigne au croyant à voir avec optimisme l’univers et l’histoire, car tout vient de Dieu, qui agit par son Verbe : Tout a été fait par lui (v.3). Contrairement à ceux qui, à son époque, enseignaient que la chair et la ma­tière étaient mauvaises, Jean affirme à la suite de la première page de la Bible que tout est bon. Aucune chose n’est mauvaise en elle-même. Après avoir mentionné à quatre reprises que ce qu’il avait créé était bon, le récit de la création concluait : Dieu constata que tout ce qu’il avait fait était vraiment une très bonne chose. (Gn 1,31) Aussi le croyant doit avoir le sens de la beauté et s’émerveiller, car pour lui tout est grâce.

Le projet de Dieu pour l’humanité et pour chaque être humain se ré­sume dans le don de la vie et de la lumière : La vie était la lumière des hommes et, en venant dans le monde, elle illumine tout homme. (vv.4.9) L’amour de Dieu se révèle dans cette offre incessante qu’il adresse par son Verbe incarné à toute personne, malgré les refus du monde.

Le Verbe incarné n’était pas une lumière parmi d’autres qui pour­raient la corriger ou la compléter. Il est l’unique lumière, l’unique révéla­tion valable pour l’être humain. Celui-ci ne peut se disperser en adhérant à plusieurs sagesses, révélations ou projets, car on devient le Dieu en qui on croit. Adhérer à Dieu et à des idoles, c’est s’écarteler, se diviser et se dé­truire. La monition du prophète Élie est toujours d’actualité : Quand cesse­rez-vous de pencher tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ? Ou bien c’est le Seigneur qui est le vrai Dieu…ou bien c’est Baal. (1 Rois 18,21)

La tentation à laquelle succombe le monde (l’humanité séparée de Dieu) quand le Verbe incarné lui offre la lumière, c’est de refuser de sacri­fier son autonomie et sa fausse sécurité (vv.10-11). Le monde craint Dieu et s’en défie, parce que Dieu n’offre pas de garanties tangibles et mesurables que son projet pour la personne humaine est raisonnable. Ceux qui, au contraire, acceptent de se livrer totalement à Dieu présent dans son Verbe constatent que leur personne est entièrement transformée. Dieu en effet leur a permis d’accéder à un nouveau registre d’existence. Il les a engendrés et ils sont devenus ses enfants (vv.12-13).

L’offre constante du Verbe, la vie et la lumière, trouve son couronne­ment lorsqu’il assume complètement, dans sa personne, la condition humaine (v.14). L’incarnation véritable du Fils, unissant en lui le divin et l’humain, paraîtra toujours un mystère scandaleux. À l’encontre d’un large groupe de la communauté de Jean, la 1ère épître proclamera sa foi dans cette manifes­tation inouïe de l’amour de Dieu (1 Jn 4,2-3.14-16). Tout au long de l’his­toire de l’Église, plusieurs voudront éliminer en Jésus, soit Dieu, soit l’homme. L’union étroite de Dieu et de l’humanité dans le Christ constitue pourtant le coeur et le trait distinctif de la révélation, dont les conséquences sont essentielles pour la vie chrétienne.

La médiation du Christ (v.18) est absolument nécessaire, car aucun être humain ne peut atteindre par lui-même Dieu, la source unique de toute vie. Quand il a l’illusion de communiquer avec Dieu, il le déforme et le cari­cature, le réduisant à ses limites humaines, à ses défauts et à ses passions. Aussi la révé­lation, venant d’en haut vers l’être humain, par amour et gratuitement, est nécessaire pour qu’il dépasse sa condition terrestre et qu’il atteigne un au-delà de lui-même. La veille de sa mort, le Christ résume sa mission dans ce mouvement du haut vers le bas et du bas vers Dieu : Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde ; tandis qu’à présent je quitte le monde et je vais au Père (Jn 16,28).

Cette médiation du Fils de Dieu incarné parmi nous est unique, la seule qui permet d’aller vers le Père. Elle englobe toutes les autres médiations, qui n’ont qu’une valeur relative, dans la mesure où elles préfigurent celle du Christ qui viendra ou qu’elles explicitent celle du Fils, qui contient toute la Parole de Dieu (v.17). C’est par référence à cette révélation unique qu’il faut juger tout message qu’on présente comme provenant de Dieu.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2022/12/30 – Mt 2, 13-15.19-23

Dans notre humanité corrompue par le péché, l’injustice et la violence, ce sont les êtres les plus fragiles qui sont les victimes. Pensons aux enfants devenus soldats malgré eux, qu’on oblige à tuer et… à se faire tuer, à ceux qui doivent travailler dans des conditions révoltantes, … Le monde ancien n’était pas meilleur que le nôtre, il écrasait les enfants d’une manière encore plus cruelle. Quand on ne s’en était pas débarrassé avant leur naissance, on les abandonnait souvent. Chez les Romains, la coutume voulait qu’on dépose l’enfant nouveau-né sur les genoux de son père, qui décidait si son enfant vivrait ou non.

Dans cette veine de la violence et de la cruauté, Hérode dépassait les tyrans de son époque. Comme tous les ambitieux, il était hanté par le soupçon et il éliminait sans hésitation toutes les personnes qu’il soupçonnait, même celles qui lui étaient les plus proches. C’est ainsi qu’il fit exécuter sa belle-mère, son épouse et trois de ses fils. Pour l’évangéliste Matthieu, Hérode réincarne le terrible pharaon, qui, au temps de Moïse, voulait exterminer, par un génocide programmé, tous les enfants mâles des Juifs.

Consultées par Hérode, les autorités juives avaient indiqué exactement le lieu où le Messie devait naître, mais personne d’entre eux ne s’est déplacé. Ce sont des étrangers, les Mages, qui ont cru et qui ont manifesté leur foi par leur démarche. Ces autorités juives, associées ici à Hérode, préfigurent celles qui rejetteront et condamneront à la crucifixion le Christ Jésus.

Les enfants de Bethléem, massacrés par Hérode, nous rappellent les bébés juifs que le pharaon noyait dans le Nil. Pourquoi célèbre-t-on leur sainteté, alors qu’ils n’étaient ni conscients, ni libres pour croire en Dieu et en son Envoyé? Très tôt, la piété populaire, confirmée par l’Église, a célébré leur mémoire en les déclarant « Saints Innocents. » Nous oublions trop facilement que nous ne sommes pas des êtres isolés, indépendants, repliés sur nous-mêmes. Ces enfants se rattachaient inconsciemment au Sauveur qui venait de naître parmi eux. Ils étaient solidaires, associés au Christ Jésus, et participaient par avance à sa passion.

En dépit de ce stratagème d’Hérode et de ce massacre répugnant, la cruauté de la violence et de la haine n’aura jamais le dernier mot. La sagesse et l’amour de Dieu l’emportent toujours sur la force brutale. Par son ange, Dieu déjoue le stratagème du tyran. Il ordonne à Joseph de partir avec « l’enfant et sa mère » pour l’Égypte, la terre traditionnelle des réfugiés. Mais il ne lui donne pas d’autres précisions, sur l’endroit exact de son séjour et sur le temps de cet exil. Joseph ne pose pas de questions, il obéit, modèle de disponibilité, qui accomplit exactement ce que l’ange lui a ordonné. Le salut dépend toujours de cette parfaite confiance dans le plan mystérieux de Dieu.

À son retour d’Égypte, Jésus réactualise l’Exode de son peuple, que Dieu a délivré de la terre de l’esclavage, pour l’orienter à travers le désert vers la liberté, vers la Terre promise. Dans cette citation du prophète Osée (11,1), le Seigneur prend son peuple près de lui et lui donne le titre de « Mon Fils ». En appliquant cette déclaration divine à Jésus, Matthieu veut signifier que le Christ est le peuple de Dieu, qu’il l’incorpore en lui, pour cheminer avec lui vers la Terre promise, la terre de la liberté, de la vie et du bonheur.

En conclusion, Matthieu rappelle la prophétie du prophète Jérémie (31,15), qui décrit la tragédie des Juifs exilés à Babylone, sur lesquels leur mère, Rachel, se lamente. Jésus prend sur lui toutes les misères, toutes les souffrances, celles des exilés et celles des mères éprouvées par la violence et la cruauté. Les mères des « Saints Innocents » et toutes celles et ceux qui ont mis leur confiance en Dieu semblent écrasés et vaincus par les violents, comme le Christ condamné et exécuté. Mais la réponse de Dieu éclatera dans la résurrection de Jésus, qui prouvera que son amour n’est jamais vaincu. Les exilés de Babylone et tous ceux qui gisent loin de Dieu reviendront dans la Terre, dans la patrie qu’il leur avait promise.

Jean-Louis D’Aragon SJ

 

 

 

 

 

2022/12/29 – Lc 2, 22-35

Les parents de Jésus vont au temple pour remplir les obligations de la purification de la mère et de la consécration du premier-né à Dieu. Poussé par l’Esprit, Syméon, un homme juste et religieux qui attendait le Messie, vient au temple au moment où les parents de Jésus y entraient. Il prend l’enfant dans ses bras et adresse à Dieu une prière d’action de grâce. Puis il bénit les parents et dit à Marie que son fils sera un signe de division puisqu’il sera la cause du relèvement et l’occasion de la chute d’un grand nombre. Elle-même aura le cœur transpercé.

La Loi est mentionnée trois fois dans le texte comme pour souligner que les parents de Jésus observent fidèlement les prescriptions de la Loi. Jésus lui-même dira qu’il n’est pas venu abolir la Loi ou les prophètes (Matthieu 5,17). Ceci indique que les actions et la personne de Jésus font partie du plan de Dieu et se relient donc avec l’action de Dieu dans le passé.

C’est pour observer cette Loi que les parents de Jésus viennent faire la consécration du premier-né et la purification de la mère. Mais pour observer ces deux rites, il n’est nullement nécessaire de se présenter au temple. La mention du temple est donc là pour attirer notre attention. L’annonce de la naissance de Jean Baptiste est le commencement de l’histoire de Jésus. C’est au temple que tout commence, alors que le peuple est en prière et que Zacharie va faire brûler du parfum dans le sanctuaire. Avec la Présentation ici, le temple est encore significatif. Il reviendra une troisième fois dans l’évangile de l’enfance avec le recouvrement de Jésus au temple. Voilà pour le commencement de l’évangile. Mais le temple revient dans la conclusion de l’évangile. Après l’Ascension, les disciples retournèrent à Jérusalem en grande joie, et ils étaient constamment dans le temple à louer Dieu. (Luc 24,52-53)

Comme les trois mentions de la Loi dans notre texte, le temple, qui était à l’origine le lieu où était gardée l’arche d’alliance, rappelle l’histoire de l’action de Dieu pour son peuple. A cause de cela, il était l’endroit d’une certaine présence de Dieu. Les psaumes diront que du fond du temple Dieu entend la plainte du malheureux.

Or, au temps de Jésus, on attendait qu’avec la venue du Messie il y ait une nouvelle présence de Dieu dans son temple. Le prophète Malachie avait dit:  Soudain il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez. (Mal.3,1) La Présentation réalise cette attente. Il y a une nouvelle présence de Dieu. Elle se manifeste à quelqu’un qui n’est pas un membre du personnel du temple: Syméon. Il est décrit comme un homme juste et religieux, quelqu’un qui est fidèle à la Loi et à la prière. Il représente tous ces humbles et ces petits qui attendaient le Messie dans la fidélité. Pour lui, avec la venue de l’enfant, l’Esprit le conduit vers lui pour l’accueillir et pour recevoir la joie de sa présence.

Jean Gobeil SJ

 

2022/12/28 – Mt 2, 13-18

Dans notre humanité corrompue par le péché, l’injustice et la violence, ce sont les êtres les plus fragiles qui sont les victimes. Pensons aux enfants devenus soldats malgré eux, qu’on oblige à tuer et… à se faire tuer, à ceux qui doivent travailler dans des conditions révoltantes, … Le monde ancien n’était pas meilleur que le nôtre, il écrasait les enfants d’une manière encore plus cruelle. Quand on ne s’en était pas débarrassé avant leur naissance, on les abandonnait souvent. Chez les Romains, la coutume voulait qu’on dépose l’enfant nouveau-né sur les genoux de son père, qui décidait si son enfant vivrait ou non.

Dans cette veine de la violence et de la cruauté, Hérode dépassait les tyrans de son époque. Comme tous les ambitieux, il était hanté par le soupçon et il éliminait sans hésitation toutes les personnes qu’il soupçonnait, même celles qui lui étaient les plus proches. C’est ainsi qu’il fit exécuter sa belle-mère, son épouse et trois de ses fils. Pour l’évangéliste Matthieu, Hérode réincarne le terrible pharaon, qui, au temps de Moïse, voulait exterminer, par un génocide programmé, tous les enfants mâles des Juifs.

Consultées par Hérode, les autorités juives avaient indiqué exactement le lieu où le Messie devait naître, mais personne d’entre eux ne s’est déplacé. Ce sont des étrangers, les Mages, qui ont cru et qui ont manifesté leur foi par leur démarche. Ces autorités juives, associées ici à Hérode, préfigurent celles qui rejetteront et condamneront à la crucifixion le Christ Jésus.

Les enfants de Bethléem, massacrés par Hérode, nous rappellent les bébés juifs que le pharaon noyait dans le Nil. Pourquoi célèbre-t-on leur sainteté, alors qu’ils n’étaient ni conscients, ni libres pour croire en Dieu et en son Envoyé? Très tôt, la piété populaire, confirmée par l’Église, a célébré leur mémoire en les déclarant « Saints Innocents. » Nous oublions trop facilement que nous ne sommes pas des êtres isolés, indépendants, repliés sur nous-mêmes. Ces enfants se rattachaient inconsciemment au Sauveur qui venait de naître parmi eux. Ils étaient solidaires, associés au Christ Jésus, et participaient par avance à sa passion.

En dépit de ce stratagème d’Hérode et de ce massacre répugnant, la cruauté de la violence et de la haine n’aura jamais le dernier mot. La sagesse et l’amour de Dieu l’emportent toujours sur la force brutale. Par son ange, Dieu déjoue le stratagème du tyran. Il ordonne à Joseph de partir avec « l’enfant et sa mère » pour l’Égypte, la terre traditionnelle des réfugiés. Mais il ne lui donne pas d’autres précisions, sur l’endroit exact de son séjour et sur le temps de cet exil. Joseph ne pose pas de questions, il obéit, modèle de disponibilité, qui accomplit exactement ce que l’ange lui a ordonné. Le salut dépend toujours de cette parfaite confiance dans le plan mystérieux de Dieu.

À son retour d’Égypte, Jésus réactualise l’Exode de son peuple, que Dieu a délivré de la terre de l’esclavage, pour l’orienter à travers le désert vers la liberté, vers la Terre promise. Dans cette citation du prophète Osée (11,1), le Seigneur prend son peuple près de lui et lui donne le titre de « Mon Fils ». En appliquant cette déclaration divine à Jésus, Matthieu veut signifier que le Christ est le peuple de Dieu, qu’il l’incorpore en lui, pour cheminer avec lui vers la Terre promise, la terre de la liberté, de la vie et du bonheur.

En conclusion, Matthieu rappelle la prophétie du prophète Jérémie (31,15), qui décrit la tragédie des Juifs exilés à Babylone, sur lesquels leur mère, Rachel, se lamente. Jésus prend sur lui toutes les misères, toutes les souffrances, celles des exilés et celles des mères éprouvées par la violence et la cruauté. Les mères des « Saints Innocents » et toutes celles et ceux qui ont mis leur confiance en Dieu semblent écrasés et vaincus par les violents, comme le Christ condamné et exécuté. Mais la réponse de Dieu éclatera dans la résurrection de Jésus, qui prouvera que son amour n’est jamais vaincu. Les exilés de Babylone et tous ceux qui gisent loin de Dieu reviendront dans la Terre, dans la patrie qu’il leur avait promise.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2022/12/27 – Jn 20, 2-8

Pour commémorer l’apôtre Jean, la liturgie nous présente aujourd’hui le disciple bien aimé de Jésus, qui accompagne Simon-Pierre au sépulcre de Jésus. Très tôt, la tradition de l’Église a identifié ce disciple avec l’apôtre Jean, l’auteur du quatrième Évangile. Dans le présent passage, il apparaît supérieur à Pierre, parvenant le premier au tombeau de Jésus et il est le premier qui croit à la résurrection, alors qu’on ne dit rien de la foi de Pierre.

Après le sabbat, Marie se rend très tôt au tombeau, entre trois et six heures du matin. Elle ne vient pas pour compléter l’ensevelissement, comme le mentionnaient les trois autres évangiles, mais par amour et fidélité à son Maître. Elle ne croit pas encore à la résurrection de Jésus, même après avoir vu le tombeau vide. Pensant à la violation du tombeau, comme il survenait parfois à l’époque, elle court prévenir les deux disciples : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. » Le pluriel « nous » laisse entendre que Marie n’est pas seule, même si l’évangéliste concentre son attention sur elle.

L’association de Pierre et du disciple bien aimé apparaît pour la première fois au repas d’adieu de Jésus (Jn 13, 23 ; comp. 21, 7.20-23). Ce disciple « courut plus vite que Pierre », manifestant mieux que Pierre sa fidélité et sa générosité à l’égard de son Maître. Il laisse Pierre entrer dans le sépulcre, qui en examine l’intérieur et constate que tout est en ordre, bien plié, ce que n’auraient certainement pas fait des violeurs de tombeau, qui craignaient la peine de mort, s’ils étaient pris. Pourtant on ne dit rien de la foi de Pierre face à ces indices.

Le disciple bien aimé entre à son tour dans le sépulcre, en examine comme Pierre l’intérieur et devient le premier et le modèle de tous les croyants : « Il vit et il crut ». Il voit des détails secondaires, les bandelettes d’un côté et le suaire roulé à part. Tel fut le signe que Dieu lui présenta pour susciter sa foi. De même, il sera le premier à reconnaître le Seigneur au bord du lac, après le signe de la pêche miraculeuse (21, 7).

Le disciple voit et comprend le message contenu dans ces quelques signes. La révélation de Dieu s’incarne dans notre histoire et dans notre monde par des signes, dont le centre et le coeur est la personne de Jésus, à la fois parfaitement homme (la dimension visible du signe) et Dieu (le sens contenu dans le signe). Tout ce qui vient du Christ Jésus contient cette double dimension, ils sont des symboles qui nous suggèrent la révélation de Dieu.

Dieu nous parle constamment dans l’histoire en général et dans notre histoire personnelle par des signes. Il faut être attentif pour les entendre et les comprendre. Le roi Charles VII, jaloux de Jeanne d’Arc, se plaignait : « Pourquoi vos voix vous parlent-elles, et non à moi ? » Et Jeanne de répondre naïvement : « Elles vous parlent, mais vous n’écoutez pas. » Telle est la leçon que le disciple bien aimé enseigne à tous les chrétiens et à tous les humains : s’oublier soi-même et ses préoccupations pour entendre et comprendre la Parole.

« Il vit et il crut » résume pour l’Évangéliste l’essentiel de l’attitude chrétienne. « Voir » les signes, les interpellations de Dieu dans le domaine sensible de notre histoire. « Croire » que Dieu est présent et nous parle dans ces signes.

Jean-Louis D’Aragon SJ

2022/12/26 – Mt 10, 17-22

Les envoyés peuvent s’attendre à des persécutions. Ils seront livrés aux tribunaux (sanhédrins), flagellés dans les synagogues, traînés devant les gouverneurs et les rois. Ils ne doivent pas s’inquiéter sur leur façon de répondre: c’est l’Esprit du Père qui parlera en eux. Leur appartenance au Christ entraînera des divisions même dans leurs familles. Ils doivent s’attendre à la persécution et être prêts à fuir dans une autre ville.

Notre texte est la continuation des instructions que Jésus donnait aux 12 au moment de les envoyer en mission. Mais il est clair qu’il déborde ce moment. On peut voir dans le récit de Marc (6,12) et dans celui de Luc (9,6) que les 12 ont proclamé et fait des guérisons mais il n’a pas été question de persécution, d’arrestation et de comparution devant des gouverneurs et des rois. Matthieu a profité de l’occasion pour grouper des paroles afin de faire une sorte de traité du missionnaire.

Il fait ainsi allusion à des situations qui sont arrivées après la vie de Jésus. Par exemple, Paul, alors qu’il est prisonnier, avant d’être envoyé à Rome a comparu devant Félix, le gouverneur, et devant Agrippa I, qui était roi à ce moment (vers l’an 60), d’où la mention de gouverneurs et de rois.

La mention des sanhédrins rappelle qu’à part le grand Sanhédrin de Jérusalem (71 membres) il y avait des sanhédrins régionaux composés de 23 notables, qui devinrent très importants après la disparition du grand Sanhédrin lors de la chute de Jérusalem en 70.

La fuite de ville en ville est une description des voyages missionnaires de Paul qui prêchait jusqu’à ce qu’il soit expulsé ou bien jusqu’à ce que la situation devienne trop dangereuse.

Mais il semble bien que Matthieu, dans ses instructions, ne pense pas seulement aux 12 ou aux missionnaires “professionnels”, comme Paul et Barnabé. Jésus parle de persécutions à cause de moi et à cause de mon Nom. N’importe quel disciple porte le nom du Christ: c’est l’origine du mot chrétien très tôt (Actes 11,26).

Ainsi, tout disciple de Jésus doit être prêt à témoigner de son appartenance au Christ par sa propre vie. Cela ne se fait pas sans difficultés comme l’histoire d’Etienne, racontée dans les Actes (6,8 – 7,60), nous le montre bien. Mais l’aide de l’Esprit est promise et la fidélité, persévérer jusqu’à la fin, fait partie du devoir de celui qui veut être sauvé :  Le juste vivra par sa fidélité.   (Habaquq 2,4)

Jean Gobeil SJ