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2023/02/25 – Lc 5, 27-32

Jésus voit un collecteur d’impôts du nom de Lévi assis à son bureau de publicain. Il lui dit : Suis-moi. Et il se mit à le suivre. Il offrit un grand repas pour Jésus. Il y avait de nombreux publicains comme invités et d’autres gens aussi. Les pharisiens et les scribes protestaient auprès des disciples parce qu’ils mangeaient avec des publicains et des pécheurs. Jésus leur répondit que ce n’était pas les gens en bonne santé qui avaient besoin du médecin, mais les malades et qu’il était venu appeler à la conversion non pas les justes mais les pécheurs.

La première partie du récit décrit l’appel d’un disciple à suivre Jésus et sa réponse est immédiat. Il se mit à le suivre. Le temps du verbe utilisé par Luc (imparfait) indique que la réponse n’a pas été seulement l’affaire d’un moment précis, seulement à cette occasion, mais bien qu’il est devenu quelqu’un qui suivait Jésus, qui était un disciple. Mais le point qui attire l’attention est la profession de ce Lévi : il est un collecteur de taxe. Il est à Capharnaüm, assis à son bureau à l’extérieur, et collecte vraisemblablement des frais de douane pour les denrées qui viennent de la Syrie et pour le poisson qu’on exporte.

Les publicains, à cause de leurs contacts avec toutes sortes de gens et avec des étrangers, sont considérés comme impurs par les Pharisiens. Ils sont mis dans le même sac que les pécheurs publics et sont en marge de la société. Il faut éviter de les fréquenter et il n’est pas question de s’associer à eux dans une occasion aussi intime qu’un repas. Jésus fait donc quelque chose d’exceptionnel en introduisant parmi ses disciples un publicain.

Or, pour Luc, dont les auditeurs sont des grecs, c’est-à-dire des païens convertis, ces différentes sortes de marginaux, plus ou moins exclus de la société juive, ont eu une place importante dans la vie de Jésus. Comme les autres évangélistes, il mentionnera tous ces malades impurs que Jésus laisse approcher et même ce lépreux que Jésus touchera. Mais il aura ces exemples qu’il est seul à mentionner. Il y aura Zachée, de Jéricho, ce publicain très riche, qu’il fera descendre de son arbre pour aller chez lui. Il y aura ce Samaritain que Jésus choisit comme exemple de charité dans une parabole. Pour les Juifs, il n’y a pas de bon Samaritain : ils sont tous des hérétiques. Il y aura ce centurion de Capharnaüm, un païen, dont le serviteur est malade. Luc souligne qu’il doit être vraiment bon pour avoir payé pour la construction de la synagogue. Il y a enfin une catégorie de personnes qui ne sont pas exclues de la société mais qui ne sont pas très importantes et qui ne seraient pas admises à suivre un rabbin : des femmes. Non seulement Luc mentionne ces femmes qui suivaient Jésus mais encore il donne leurs noms et ajoutent qu’elles les assistaient de leurs biens. Il les mentionne au Calvaire en ajoutant qu’elles avaient suivi Jésus depuis la Galiléé…comme les autres disciples. On les retrouve à surveiller la sépulture de Jésus. Elles seront les premières à annoncer la résurrection aux autres disciples. Au calvaire, il y avait le bon larron à qui Jésus avait déclaré : En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis.

La seconde partie de notre texte parle de Lévi. Il veut célébrer son appel à être disciple. Il offre un grand festin à Jésus. Ses invités sont évidemment des gens qu’il pouvait fréquenter : d’autres marginaux et des publicains. C’est ce qui amène la troisième partie du texte, la controverse.

Des Pharisiens et des scribes se rendent compte que Jésus mange et boit avec des gens qu’il ne convient pas de fréquenter. Ils protestent auprès des disciples. Jésus lui-même leur répond d’abord en se comparant à un médecin qui va auprès des malades. Puis il ajoute une déclaration qui révèle le cœur de sa mission : Je suis venu appeler non ps les justes mais les pécheurs pour qu’ils se convertissent.

Il répètera cela à la fin de l’épisode de Zachée, cet autre publicain chez qui il s’était invité à manger : Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. (Luc 19, 10)

Jean Gobeil SJ

2023/02/24 – Mt 9, 14-15

Des disciples de Jean Baptiste viennent demander à Jésus pourquoi ses disciples ne jeûnent pas comme eux et comme les Pharisiens. Jésus répond que sa présence a priorité sur des pratiques de pénitence.

Il y avait des jeûnes obligatoires pour les Juifs à certains moments de l’année. Mais les Juifs pieux pouvaient aussi pratiquer des jeûnes occasionnels. Le jeûne, la prière et l’aumône constituaient trois pratiques religieuses importantes: elles sont mentionnées dans le sermon sur la montagne. Les Pharisiens et les disciples de Jean avaient aussi leurs jours de jeûne propres à leur groupe.

Les disciples de Jean Baptiste sont probablement agacés par le contraste entre la façon de vivre de Jésus et celle de leur maître. Jean Baptiste qui se présente comme un ascète sorti du désert proclame avec sévérité l’approche d’un jugement alors que Jésus et ses disciples ne refusent pas les repas qu’on leur offre.

La réponse de Jésus est de dire que sa présence est comme celle de l’Époux: c’est un temps de noces et de réjouissance. Lorsqu’il ne sera plus visiblement présent, on pourra revenir à ces pratiques que Jésus évite ainsi de condamner. Pourtant, juste après notre texte, l’image qu’il emploie du vin nouveau qui ne doit pas être mis dans de vieilles outres sinon et le vin et les outres sont perdus peut diminuer l’importance du jeûne. Cela pourrait justifier les églises primitives de ne pas donner autant d’importance que les Juifs à la pratique du jeûne. L’Époux est visiblement absent mais il a assuré les disciples de sa présence. L’accueil de cette présence demeure plus important que des pratiques particulières.

Jean Gobeil SJ 

2023/02/23 – Lc 9, 22-25

La première lecture aujourd’hui reproduit l’exhortation divine qui conclut les cinq livres de la Loi, le Pentateuque (Deut 30, 15-20). Après avoir décrit en détail les préceptes qui expriment sa volonté, le Seigneur dit qu’il offre deux chemins à son peuple et à tout être humain: celui du bonheur et de la vie ou celui du malheur et de la mort. Les préceptes de la Loi n’ont pas pour but d’humilier l’homme, mais de l’éclairer sur la voie du bonheur et de la vie, en l’associant à la volonté de Dieu. Ce projet divin vise uniquement l’épanouissement et la joie de son peuple. Après avoir indiqué les deux voies possibles, le Seigneur lance cet appel d’amour : « Choisis donc la vie pour que vous viviez, toi et ta descendance , en aimant le Seigneur ton Dieu et en écoutant sa voix. »

Mais ce chemin du Seigneur paraît rebutant, alors que la désobéissance pour défendre son autonomie séduit l’humanité. C’est la tentation que le monde fait sans cesse miroiter: l’argent et les plaisirs. Telle est la voie large et facile, mais Jésus nous affirme qu’elle ne mène pas au Royaume de Dieu, elle conduit à sa perte celui qui la prend. Le chemin du Christ, suivant la volonté de son Père, c’est celui qui va vers la croix. Quelle stupidité…apparente!

Première annonce de la Passion

Jésus prévoit et annonce ici pour la première fois la fin tragique de sa mission. Cette prédiction se situe après la proclamation de Pierre que Jésus est le Messie. Mais quel Messie? Un chef militaire, victorieux des Romains, qui libérera son peuple de l’humiliation et de la servitude? Le Christ répondrait ainsi à l’espoir de Pierre et du peuple d’Israël. Ce serait la voie large et facile, celle que le diable proposait à Jésus dans l’ultime tentation, lorsqu’il lui offrait tous les royaumes du monde et leur gloire.

Jésus est lucide et prévoit l’issue tragique de son ministère. Les autorités de Jérusalem se préoccupent à son sujet. Ils ont envoyé des docteurs de la Loi pour scruter son enseignement et juger ses actions. Jésus s’est montré libre à l’égard des traditions que les Pharisiens ont multipliées pour protéger le peuple des influences païennes, mais le fardeau de ces traditions étouffent les gens. Le Christ veut libérer son peuple et il critique ces traditions au point d’irriter ses adversaires, qui ne voudront pas le tolérer longtemps.

« Le Fils de l’homme » est ce personnage glorieux envoyé par Dieu pour sauver son peuple soumis à la persécution du roi Antiochus Épiphane, l’an 167 av. J.C. (Daniel, 7, 13s). Jésus s’attribue ce titre et affirme par là qu’il est le Sauveur d’Israël, espérance du prophète et du peuple. Mais Dieu veut sauver son peuple et toute l’humanité d’une manière déconcertante, par « la folie de la croix », dira saint Paul (1 Cor 1,18). « Les anciens, les chefs des prêtres et les docteurs de la loi », c’est-à-dire le Sanhédrin, l’autorité suprême, l’élite entière d’Israël le condamnera. Mais la mort ne sera pas l’issue finale, dans laquelle sombrerait le Christ. L’humanité pécheresse et homicide n’aura pas la victoire finale. De la mort, Dieu ramènera « le Fils de l’homme » et tous les siens dans la gloire d’une vie nouvelle.

Disciples du Fils de l’homme

Après cette annonce de sa passion, Jésus s’adresse « à tous », donc à nous aujourd’hui, et non pas seulement à ses disciples. Pour nous sauver, le Christ nous incorpore comme ses membres dans sa personne. Dans la prophétie de Daniel, c’est « le peuple saint », celui qui participe à la sainteté de Dieu, que « le Fils de l’homme » vient sauver de la persécution et de la mort.
Cette union de chacun de nous avec « le Fils de l’homme » a pour conséquence notre participation à sa destinée, à la route étroite et difficile qu’il a parcourue. La croix du Christ, au terme, signifie le dénuement complet, le renoncement à tout pour être libre d’accueillir l’amour de Dieu. Cette conversion, qui consiste à se détourner de tout pour nous orienter et nous élever vers Dieu, se réalise peu à peu, « chaque jour ». C’est la croix qu’il faut porter sans cesse jusqu’au don total et final de soi-même, pour répondre à l’amour divin.

Jésus remet sous nos yeux les deux voies qui s’offre à chacun(e) de nous. « Sauver sa vie », c’est se cramponner à ce qu’on pense posséder, aux biens qu’on accumule pour son apparente sécurité. C’est se contenter des plaisirs superficiels, de tout ce qui passe si vite, que la mort montrera comme vanité et fumée. Se replier sur soi-même, penser « sauver sa vie », c’est la perdre. Cultiver l’égoïsme. c’est s’enfermer dans sa solitude, dans une sclérose qui aboutit à la mort définitive. À François Xavier qui cultivait l’ambition de devenir un éminent universitaire, Ignace de Loyola répétait souvent l’avertissement du Christ: « Que sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il se perd lui-même? » Répétition salutaire qui provoqua la conversion de François!

Le Carême est cette période privilégiée de quarante jours pour nous préparer à célébrer la fête de Pâques. « Quarante » est une chiffre traditionnel qui signifie la préparation à un événement majeur: Moïse jeûne 40 jours sur le Sinaï pour accueillir le Code de l’Alliance, Israël fait un pèlerinage de 40 ans dans le désert pour se préparer à entrer dans la Terre promise, Jésus jeûne 40 jours au désert comme prélude à son ministère, les disciples prient et espèrent la venue de l’Esprit Saint à la Pentecôte pendant 40 jours, après l’ordre de Jésus montant au ciel.
Nous sommes des pèlerins sur cette terre, des voyageurs, qui ne peuvent ni s’arrêter, ni s’installer, ni surtout se noyer dans la vie présente. Que nous le voulions ou non, le temps nous entraîne, nous avançons sans souvent nous en rendre compte. Serait-il sage de marcher sans connaître la fin du voyage et, surtout, sans prévoir cette ultime station?

Jean-Louis D’Aragon SJ

2023/02/22 – Mercredi des Cendres – Mt 6, 1-6.16-18

Le texte de Joël était une invitation du Seigneur à son peuple pour qu’il revienne à lui de tout son cœur. Joël rappelle qu’il y a des moments dont il faut profiter parce qu’ils favorisent ou la conversion ou le ressourcement. Ce sont des moments privilégiés, des moments de grâce parce que la présence de Dieu nous y attend.

Le texte de Paul est un appel du Seigneur transmis par Paul. C’est une invitation à se laisser réconcilier avec Dieu et à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu. Il y a toujours place pour accueillir la réconciliation avec Dieu parce qu’il y a toujours place pour continuer le mouvement de conversion. Ce mouvement de conversion a été commencé par Dieu et doit être continué par notre fidélité aux grâces qu’il nous a données: le cœur peut toujours être agrandi.

Le texte du Sermon sur la montagne parle des pratiques religieuses comme l’aumône, la prière et le jeûne. Ces pratiques, pour être valables, doivent être faites avec sincérité devant Dieu, c’est-à-dire avec des motifs qui sont centrés sur Dieu. Matthieu, pour donner des exemples de pratiques religieuses, a retenu l’aumône, la prière et le jeûne, qui étaient des pratiques importantes pour Israël. Il donne des exemples et non pas une liste complète. Il serait très important de ne pas oublier par exemple, les gestes sacramentaires, en particulier l’Eucharistie. Le point que souligne le texte de Matthieu demeure important. Pour être des gestes religieux, il faut qu’ils soient des gestes personnels, des gestes relationnels: ce sont des gestes qui partent du cœur humain pour rejoindre non pas une force anonyme mais un Dieu personnel.

Le temps du Carême est un de ces moments favorables, un moment où nous sommes attendus par quelqu’un pour nous renouveler, nous ressourcer, nous rencontrer.

Jean Gobeil SJ 

 

2023/02/21 – Mc 9, 30-37

Jésus revient de la montagne de la Transfiguration. Il semble qu’il veut se déplacer incognito pour pouvoir se consacrer à instruire ses disciples. Pour eux, il fait la seconde annonce de la Passion et de la Résurrection. Mais les disciples ne comprennent pas et ont peur de l’interroger. Arrivés à Capharnaüm, à la maison, ce qui évidemment veut dire la maison de Pierre, il leur demande de quoi ils parlaient en chemin. Ils ne répondent pas car ils avaient discuté pour savoir qui était le plus grand. Jésus s’assoit pour les enseigner. Il déclare que pour être le premier il faut être le serviteur de tous. Ensuite il place un enfant au milieu, l’embrasse, et déclare qu’accueillir un enfant comme celui-là, en son nom, c’est l’accueillir et l’accueillir c’est accueillir Celui qui l’a envoyé

Pour ses disciples, Jésus refait une annonce de la Passion. Mais eux ne comprennent rien et ils ont peur de l’interroger. Ils ont entre eux une discussion pour savoir qui est le plus grand. Jésus sait ce qui les empêche de comprendre: ils ont encore des idées de grandeur et de première place. Jésus va donc essayer de réorienter leurs idées dans une autre direction, celle du service. Il déclare que la vraie grandeur pour un disciple est d’être au service de tous. C’est dire que la mission des disciples a pour modèle la mission du Christ qui a dit:
Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. (Mt.20,28)
C’est peut-être là ce qu’ils pressentent et c’est ce qui leur fait peur.

Or, Jésus leur déclare: “Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous.” Cela inclut les pauvres, les humbles et ceux qui sont exclus de la société. Pour bien illustrer le point, Jésus prend un enfant et le met au milieu d’eux, bien en évidence. Il l’embrasse. Marc ne recule pas devant des gestes surprenants de Jésus comme cette familiarité entre un Maître et un enfant: cela ne convient pas! Matthieu et Luc qui utilisent le texte de Marc comme source, omettront poliment le geste de Jésus. Mais Marc, qui selon la tradition est l’interprète de Pierre, nous donne peut-être les mots de Pierre qui raconte ses souvenirs comme ils lui reviennent à la mémoire, c’est-à-dire sans les éditer. En une autre occasion, Marc dira que Jésus a embrassé les enfants que les disciples voulaient empêcher d’approcher ce qui avait d’ailleurs mis Jésus en colère (littéralement: fait bouillonner) . (Marc 10,13) Matthieu dira que Jésus a seulement imposé les mains et béni les enfants.

Mais Jésus va plus loin en déclarant qu’entre cet enfant et lui il y a une solidarité : Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et il accueille en même temps Celui qui l’a envoyé. Et Jésus s’identifie avec lui. Quiconque accueille un petit comme lui accueille Jésus lui-même; il accueille même Celui qui l’a envoyé, le Père. Pour les lecteurs de Marc, les chrétiens de Rome en temps de persécution, il y a quelque chose de rassurant pour leur foi hésitante et pour leur peur, de voir les disciples qui vivaient avec Jésus avoir des difficultés semblables. C’est aussi un encouragement de savoir qu’en servant les petits et les humbles c’est le Seigneur qu’ils rencontrent.

Jean Gobeil SJ

2022/02/26 – Mc 10 13-16

La naissance d’un enfant est normalement source d’espérance et de joie. On constate que la vie continue, puisqu’on l’a transmise. Avec une nouvelle vie, on a l’impression que tout recommence. C’est l’innocence originelle qui apparaît, sans l’égoïsme et la violence. Cet être démuni, qui sourit, est sans défense, tout entier dans l’attente. L’enfant est objet d’amour, non pas par ce qu’il donne, car il est démuni et totalement en attente, mais parce qu’il nous oblige à donner le meilleur de nous-mêmes. Tous les dévouements envers lui sont gratuits, car l’enfant ne peut rien offrir en retour. La récompense, c’est de nous sentir meilleurs, puisque mous donnons alors comme Dieu, qui a nous a accordé gratuitement la vie.

L’enfant, exclu par l’égoïsme

Lorsque tout s’apprécie dans une société d’après la force brute, sans générosité ni gratuité, l’enfant devient un être négligeable ou même nuisible Aussi on ne s’émerveille guère devant l’apparition d’une nouvelle vie. Chez les Romains, le rite voulait qu’on dépose le nouveau-né sur les genoux de son père, qui décidait s’il lui convenait ou non, s’il avait le droit de vivre. Dans une apologie ancienne, l’auteur mentionne que les chrétiens n’abandonnent pas leurs enfants, comme les païens autour d’eux. Chez les Juifs toutefois, on n’était pas aussi cruel, mais l’enfant était un être qu’on aimait, mais sans lui attacher une importance particulière.

Notre civilisation, qui refuse la vie pour favoriser l’épanouissement personnel, c’est-à-dire l’égoïsme, ne peut se prétendre tellement supérieure au monde ancien. On a répété que notre monde courtise la mort. Les mariages homosexuels montrent qu’on refuse la vie à sa source même. Le soi-disant droit à l’avortement équivaut au privilège de tuer la vie en germe et que l’enfant en devenir est une menace dont il faut se débarrasser. La violence dans toutes ses manifestations s’attaque à la vie du prochain. Dans la mesure où l’égoïsme nous replie sur nous-mêmes et nous ferme à l’amour, l’enfant est un poids, une nuisance.

Au contraire, l’enfant est l’idéal

Jésus, au contraire, impose les mains aux enfants, un geste qui appelle la bénédiction de Dieu. Bien plus! Il ajoute à son geste cette déclaration que les enfants sont bienheureux et qu’il faut leur ressembler pour entrer dans le royaume de Dieu. Jésus insiste : après avoir affirmé que le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent, il répète cette affirmation d’une manière négative, en introduisant sa déclaration par la formule Amen, je vous le dis. Il entoure donc cette vérité d’une auréole solennelle : Celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. L’affirmation est catégorique : pas de salut, pas de vie éternelle, à moins d’accueillir le don de Dieu comme un enfant.

Pourquoi l’enfant, et seulement ceux qui lui ressemblent, peut-il jouir du bonheur éternel ? Faudrait-il redevenir pur et innocent comme lui, exprimer son amour et l’offrande de sa vie au Seigneur ? L’enfant pourtant n’a pas encore une conscience assez développée pour une telle offrande. Non ! L’enfant ne peut rien, il est totalement démuni et pauvre. C’est son état même de pauvreté qui rend l’enfant digne de la béatitude que proclame le Christ. En particulier, le foetus dans le sein de sa mère est le plus pauvre, le plus démuni. Il n’a rien, il est impuissant, il est donc totalement ouvert pour accueillir le don gratuit de Dieu. Il ne suffit pas évidemment d’être dans cette situation concrète pour être déclaré bienheureux, il faut l’assumer dans son esprit, il faut avoir une âme, un coeur de pauvre. Mais la pauvreté matérielle favorise l’humilité de l’esprit, celle qui rend disponible au don gratuit du Royaume. Cette condition de l’enfant reprend à sa manière la 1ère béatitude de Luc 6, 20 : « Bienheureux, vous qui êtes pauvres », en opposition à ceux qui s’enferment égoïstement dans leurs richesses : « Malheur à vous qui êtes riches. » (Luc 6,24)

Tout est grâce et amour de la part de Dieu. L’attitude nécessaire pour accueillir le Seigneur, c’est l’ouverture de son coeur. L’enfant qui ouvre ses bras pour se faire prendre symbolise cet accueil d’humilité et de dépendance.

P. Jean-Louis D’Aragon SJ

2022/02/25 – Mc 10, 1-12

Nous savons tous que la réussite de notre existence dépend de notre fidélité : fidélité à l’orientation et à l’état de vie que nous avons choisi, fidélité à nos amitiés, fidélité à l’amour que nous avons juré. Notre existence humaine est trop brève pour nous permettre de nous disperser dans différentes orientations et de nous diviser dans diverses directions. La vie et le bonheur se découvrent dans l’unité de notre personne, qui se réalise dans une ascension constante vers un même but.

Tous les peuples et toutes les civilisations ont sacralisé l’amour entre un homme et une femme par un rite solennel qui engage l’avenir des conjoints devant les témoins de la société à qui ils appartiennent. Aussi la fidélité matrimoniale est partout et toujours objet d’admiration, même si elle est contredite trop souvent par une trahison. On célèbre de diverses manières les étapes de cette fidélité, noces d’argent, d’or, de diamant…

Le divorce dans le milieu juif

Comme dans presque toutes les sociétés, le divorce était accepté dans le monde contemporain de Jésus. Les autorités juives ne contestaient pas le droit de divorcer, mais elles le réservaient au mari. L’épouse ne pouvait que recourir à des moyens détournés pour obliger son mari à divorcer. Cette discrimination entre les deux sexes était l’une des injustices de cette société patriarcale.

La question de droit ne se posait donc pas, mais plutôt celle des motifs justifiant le divorce. Comme d’habitude, deux écoles s’opposaient, l’une rigoureuse et l’autre large. La première, celle de Shammaï, n’admettait le divorce que dans le cas grave de l’infidélité de l’épouse, sans envisager celle du mari. Dans l’école libérale, celle de Hillel, pratiquement n’importe quel motif était suffisant pour justifier le divorce, car la Loi était vague à ce sujet : l’épouse cesse de plaire à son mari, qui a quelque chose à lui reprocher (Dt 24,1). Mais une clause protégeait quand même l’épouse : le mari qui la répudiait devait lui donner un document attestant qu’il la libérait, qu’elle n’était plus sa propriété. Devenue libre, elle pouvait envisager un remariage.

Marc rapporte que les quelques Pharisiens qui posèrent à Jésus cette question sur le divorce voulaient lui tendre un piège. La question qu’ils posent porte sur le droit au divorce, non pas sur les motifs qui le justifient. Comment une telle question pouvait-elle constituer un piège, alors que le divorce était accepté par tous ?  Moïse avait même sanctionné ce droit, et Jésus lui-même invite ses interlocuteurs à citer le commandement qui spécifie la condition à observer : le mari doit donner à la femme qu’il répudie une attestation de divorce.

Une seule explication s’impose : les Pharisiens savent déjà que Jésus défend l’indissolubilité du mariage et ils veulent le mettre en contradiction avec Moïse. L’enseignement de Jésus n’est donc pas improvisé, circonstanciel ; que le lien d’amour dans le mariage soit indissoluble, c’est un principe ferme que Jésus enseignait.

L’idéal du couple humain

Jésus remonte au-delà de Moïse et rappelle la volonté du Créateur Gn 1, 27). Dieu a voulu que l’homme et la femme découvrent le vrai bonheur dans un amour réciproque, qui ne se dément jamais. Il a voulu que le lien matrimonial soit indissoluble et que les deux conjoints soient égaux, dans le respect mutuel. Leur amour doit être tellement fort que chaque partenaire sacrifie ce qui est le plus important pour lui, son père et sa mère, qui lui ont transmis la vie. Ce sacrifice introduit les conjoints dans cette communion, dont l’intensité entre ces deux personnes réalise leur unité, au point qu’ils ne sont plus deux, mais un seul être.

Il est évident que le projet initial du Créateur a préséance sur la législation de Moïse. Mais alors, comment celui-ci, inspiré pourtant par le Seigneur, a-t-il pu aller à l’encontre de la volonté de Dieu ? C’est l’objection que posent les Pharisiens à Jésus. Dans sa réponse, Jésus distingue entre l’idéal voulu par le Créateur et la pratique humaine viciée par l’égoïsme, à cause de la dureté de votre coeur.

Les commandements de Dieu ont toujours pour but notre bonheur. Dieu est l’Amour et il désire que nous soyons heureux. Pour quelle raison alors Dieu a-t-il prescrit l’indissolubilité du lien matrimonial ? Parce que notre bonheur ne s’atteint pas dans la dispersion, dans la division de nous-mêmes, encore moins dans l’injustice. Le bonheur se construit à chaque instant, pas à pas, vers le but que le Seigneur a assigné à chacun. Changer de voie, comme dans la circulation, comporte toujours un risque. La continuité et la fidélité peuvent seules assurer la réussite de notre vie.

Conclusion

Au nom de la liberté, chacun(e) aujourd’hui a peur de s’engager pour la vie et ne veut pas d’un engagement sans condition. On s’engage, mais à la condition de changer de voiture, si le trajet n’est plus agréable. On passe d’un véhicule à l’autre, pensant que le suivant sera peut-être plus confortable. L’exemple fréquent qui illustre notre hésitation à nous engager, c’est ce qu’on nomme populairement le « zapping », allant d’un canal à l’autre de la T.V., avec l’illusion inconsciente qu’on découvrira un programme merveilleux. Quand nous sommes épuisés par cet étourdissement, nous démissionnons et nous fermons l’appareil. La démission dans la vie, c’est la tragédie du suicide !

Quand il s’agit de ce qu’il y a de plus précieux dans notre existence, l’amour, nous ne pouvons pas jouer à la « valse hésitation ». La rupture d’un engagement envers le conjoint est toujours inspirée, au moins partiellement, par l’égoïsme, le contraire de l’amour. Une rupture provoque une double blessure du coeur, dont on ne guérit pas facilement, si jamais on en guérit. Le plus tragique réside dans le conjoint qui porte la responsabilité de la rupture. Prétendre découvrir un nouveau bonheur sous un « coup de foudre », c’est nourrir son égoïsme et penser bâtir son bonheur sur le malheur d’un autre, surtout en blessant les plus faibles, les enfants.

C’est ce naufrage de l’égoïsme que Jésus veut nous éviter. Au fond, les gens montrent qu’ils comprennent bien la valeur de cet enseignement du Christ, quand ils manifestent leur admiration pour les couples profondément unis après plusieurs années de mariage. Les photos de certains couples dans les journaux de fin de semaine et les célébrations organisées par leurs proches illustrent cette admiration. Ces célébrations ravivent notre espérance que l’amour finira par triompher de l’égoïsme.

P. Jean-Louis D’Aragon  SJ 

2022/02/24 – Mc 9, 41-50

Jésus donne des instructions à ses disciples. Il révèle qu’un verre d’eau donné à un disciple à cause de son appartenance au Christ ne restera pas sans récompense. Il les avertit ensuite que causer la chute d’un de ses petits mériterait d’être jeté à l’eau avec une meule attachée au cou. Chacun doit trancher avec la cause qui l’entraîne au péché. Chacun sera purifié (salé) au feu. Mais le sel sert aussi à conserver et chacun doit posséder ce sel en lui-même pour assurer la paix avec les autres.

Dans l’instruction précédente, alors que quelqu’un qui ne faisait pas partie du groupe visible des disciples avait chassé des esprits mauvais en utilisant le nom de Jésus. Aux disciples qui auraient voulu l’arrêter Jésus avait déclaré :   “Celui qui n’est pas contre nous est pour nous.”

Le début de notre texte vient renforcer la valeur de cette déclaration.

“Quiconque vous donnera à boire…”  Quiconque: il s’agit de quelqu’un qui n’est pas du groupe et qui donne à boire à quelqu’un qui est chrétien (“à cause de mon nom”). Le Christ promet qu’il ne sera pas sans récompense. Il élargit encore les limites du groupe: il est en relation avec des gens qui ne font pas partie de “ceux qui suivent” Jésus.

Jésus revient ensuite aux devoirs des disciples vis-à-vis de ceux qui sont du groupe mais qui sont plus faibles ou qui ont une religion un peu simple avec des gestes qui peuvent être considérés comme un peu naïfs, ceux que Jésus appelle des “petits”. La gravité du scandale d’un de ces petits est illustrée par l’image de la punition: être jeter à l’eau avec une meule pour broyer le grain attaché au cou! Le “scandale” dont il est question n’est pas nécessairement un mauvais exemple ou une action révoltante. C’est un obstacle, un piège, une pierre d’achoppement. “Scandaliser”, littéralement, c’est faire trébucher. On vise donc celui qui ne se soucie pas d’être une pierre d’achoppement pour un “petit”.

Le problème devait se présenter assez souvent dans des communautés qui n’étaient pas homogènes et Paul en a parlé dans l’épître aux Corinthiens (1 Cor.8). “La science enfle: c’est la charité qui édifie,” dit-il. De quelle science ou connaissance, parle-t-il? Il parle d’un cas bien concret dans l’église de Corinthe: “Nous savons qu’une idole n’est rien et que par conséquent la viande qui a été offerte aux idoles n’est pas différente d’une autre viande.” (8,4)

Il y a quantité de cette sorte de viande qui revient sur le marché. Sachant ce qu’il sait, il peut en manger sans aucun problème. “Mais tous n’ont pas la science.” (8,7) Il y a ceux qui sont récemment convertis pour qui cette viande faisait partie d’un geste religieux devant les idoles. “Prenez garde que cette liberté dont vous usez devienne pour les faibles une occasion de chute.” La science qui donne la liberté ne doit pas faire oublier la charité. “C’est pourquoi si un aliment doit causer la chute de mon frère je me passerai de viande à tout jamais afin de ne pas causer la chute de mon frère.” (8,13)

Notre texte également rappelle à la communauté de Rome la nécessité du respect pour ceux qui sont plus faibles. Le reste des exemples de la main, du pied, de l’oeil, qui sont des obstacles qu’il faut sacrifier sont des images dans le style prophétique pour souligner l’importance d’accepter le Royaume qui est offert: il faut être prêt à accepter des renoncements. Le refus du Royaume entraîne d’être jeté dans la “géhenne”, un dépotoir de Jérusalem où il y avait de la corruption et des vers et où on mettait le feu pour nettoyer.

La fin du texte est obscure. Il s’agit d’un feu qui purifie, ce que le sel peut faire. Le sens serait que nul ne peut échapper à la nécessité de la purification. Mais dans la phrase suivante, le sel est pris dans son rôle bénéfique de préserver, de conserver, de donner de la saveur. Les chrétiens ont déjà été invités à être des lumières dans le monde. Ils sont invités aussi à être dans la communauté la saveur qui assurera la paix avec les frères.

Jean Gobeil SJ

2022/02/23 – Mc 9, 38-40

Quelqu’un qui n’est pas membre du groupe des disciples a expulsé des esprits mauvais en utilisant le nom de Jésus. Jean aurait voulu l’empêcher “parce qu’il n’est pas de ceux qui nous suivent”. Jésus est contre cette interdiction. “Celui qui n’est pas contre nous est pour nous”, dit-il.

Notre texte fait encore partie des instructions que Jésus donne à ses disciples. Il vient de dire que parmi ses disciples, parmi ceux qui le suivent, il n’y a pas de gens sans importance. C’était un point important des enseignements de Paul à l’église de Corinthe. Dans la communauté, il n’y a pas de citoyens de seconde zone. Tous sont importants parce que tous ont un rôle à jouer selon leurs aptitudes et les dons qu’ils ont reçus. Être disciple, c’est faire partie d’un service. Il n’y pas de place pour de la discrimination.

Ici, Jésus va encore plus loin. Il va au-delà de la communauté visible vers ceux qui, sans appartenance officielle, contribuent au bien que représente la venue du Royaume de Dieu. Les signes que les disciples ont faits ne sont pas des preuves de leur appartenance au groupe des disciples. Ils ne sont pas un privilège de groupe: ils sont des signes de la présence du Royaume de Dieu, comme les oeuvres de Jésus lui-même. Les disciples ne devraient pas l’oublier.

Pour Marc qui rédige l’évangile à Rome, en temps de persécutions semble-t-il, cette parole de Jésus pouvait paraître particulièrement importante. En temps de persécution, il est facile de simplifier et de durcir la séparation: il y a nous, les persécutés et il y a les autres, les persécuteurs. Mais dans la situation historique, il devait bien y avoir la zone grise de ceux qui, devant la persécution, restaient discrets et évitaient d’afficher leur appartenance au Christ. Ils pouvaient quand même pratiquer de leur mieux la charité et le service que le Christ demandait. Notre texte pouvait leur dire qu’ils continuaient à être pour le Christ.

Cette parole du Christ peut donc être comprise comme un rappel, qui demeure toujours actuel, de ne pas juger ou de ne pas exclure trop vite ceux qui ne remplissent pas toutes les conditions qu’on trouve importantes pour appartenir à la communauté.

Jean Gobeil SJ

2022/02/22 – Mt 16, 13-19

Dans le territoire païen de Césarée de Philippe, Jésus demande à ses disciples: Pour vous, qui suis-je? Pierre répond en son nom et au nom des Douze: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. Jésus déclare que cette profession de foi lui vient du Père et qu’il sera le roc sur lequel l’Église sera bâtie. Il aura le pouvoir de lier et de délier, c’est-à-dire de défendre ou de permettre.

La chaire représente l’endroit d’où se fait l’enseignement religieux. Avec l’établissement de Pierre à Rome, l’église de Rome devient la chaire de l’enseignement apostolique et le symbole de l’unité de l’Église. On se rappelle qu’un jour, la chaire de Jésus a été un banc où Jésus s’était assis dans la barque de Pierre pour prêcher à la foule (Luc 5). Quand Jésus a fini de parler, il dit à Pierre de s’éloigner du rivage et de jeter les filets à l’eau. C’est la pêche miraculeuse où Pierre prend conscience de la puissance du Christ et de son indignité: Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. Le Christ le rassure: Sois sans crainte. Et il lui révèle sa vocation: Désormais ce sont des hommes que tu prendras-vivants.

Après le discours sur le pain de vie, beaucoup des disciples de Jésus le quittent. Jésus demande aux Douze: Voulez-vous partir, vous aussi? C’est Pierre qui répond au nom des Douze et qui fait une belle profession de foi: Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. … Tu es le Saint de Dieu. (Jean 6,67-69)

La profession de foi de Pierre à Césarée de Philippe est importante dans le déroulement des synoptiques. Après les opinions des gens qui restent incertaines, on a une affirmation claire que Jésus est le Messie et Jésus accepte cette identification. Mais pour Pierre, elle n’est pas encore complète, puisqu’elle ne comprend pas la Passion.  Cela fera qu’après avoir eu le courage d’aller dans la cour du grand prêtre après l’arrestation de Jésus, il le reniera à cause d’une servante.

En dépit de cela, Jésus confirmera son poste à la tête de son troupeau en lui disant : Paix mes agneaux…. Paix mes brebis....    (Jean 21,15-17)  On voit, dans le livre des Actes, que ce choix a été respecté dans l’église primitive et il continue de l’être dans la célébration de la fête d’aujourd’hui.

P. Jean Gobeil SJ