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(Français) 2022/10/08 – Lc 11, 27-28

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Un aristocrate prétentieux apostropha un jour Louis Veuillot en lui déclarant d’une manière méprisante : « Monsieur, moi je descends d’un maréchal de France. » Avec sa verve pointue, le journaliste lui répliqua : « Moi, Monsieur, je ne monte d’un maréchal-ferrant. »

Le premier se vantait d’un titre qu’il avait reçu par hérédité, mais qu’il n’avait nullement acquis par lui-même, sans mérite de sa part. Ce titre restait extérieur à sa personne, il n’atteignait pas sa valeur humaine. Veuillot reconnaissait, de son côté, que son père était un pauvre artisan, mais que lui-même, par son labeur et son ardeur au travail, avait grimpé les échelons pour se hisser parmi les meilleurs journalistes de son temps. Qui était le personnage le plus éminent, celui qui arborait une médaille qu’on lui avait donnée ou le second qui avait travaillé pour se forger lui-même ?

La louange d’une femme

À l’opposé de ses contradicteurs (Lc 11,15s), qui avaient accusé Jésus d’être associé au démon et qui avaient exigé de lui un miracle pour authentifier sa mission, une femme de la foule proclame son admiration pour ce maître de sagesse. Cette femme exprime sa louange en l’adressant par l’intermédiaire de la mère de Jésus. Les organes maternels, que mentionne la femme, marquent l’insistance sur la dimension physique de la maternité de Marie.

Cette béatitude rappelle la tradition juive, que le Livre des Proverbes illustre à juste titre : « Le plus grand bonheur d’un père est d’avoir donné la vie à un homme juste et sage. Donne cette joie à ton père et à ta mère, ce bonheur à celle qui t’a mis au monde. » L’admiration de cette femme pour Jésus commence à réaliser l’annonce que Marie chantait dans son action de grâce : « Dès maintenant et en tous les temps, les humains me diront bienheureuse. » (Lc 1,48)

La vraie béatitude

Dans sa brève réponse à cette femme en admiration devant lui, Jésus décrit ce qu’est le véritable bonheur, celui qui a priorité sur tous les autres, même sur celui d’être la mère du Christ. Avec cette déclaration, Jésus établit une juste distinction entre un titre non mérité, donné de l’extérieur, et la valeur intime d’une personne qui écoute la Parole de Dieu et qui la rend vivante en elle par sa pratique. Cette dernière a intégré en elle le don de Dieu, elle l’a épousé par son agir conforme à la volonté du Seigneur.

Sans l’écoute de la Parole et sans la mise en pratique de la volonté de Dieu, on risque de retomber dans l’esclavage de celui qui a été libéré par le Christ, mais qui n’a pas eu le courage de cheminer à la suite de son Seigneur. Sa chute l’avilie dans un état pire qu’avant sa libération. (Lc 11,26)

Lorsque la mère de Jésus visite sa cousine Élisabeth pour lui apporter la joie, celle-ci admire le bonheur de Marie : « Tu es heureuse, toi qui as cru que le Seigneur accomplira ce qu’il t’a annoncé. » (Lc 1,45) Marie avait exprimé sa foi par son parfait acquiescement à l’annonce de l’ange Gabriel : « Je suis la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi comme tu l’as dit. » (Lc 1,38)

Lorsque sa mère et ses frères viennent trouver Jésus, on le prévient en ces termes : « Ta mère et tes frères se tiennent dehors et désirent te voir. » (Lc 8,20) Sans renoncer à sa parenté naturelle, Jésus corrige cette présentation des siens, comme dans l’évangile d’aujourd’hui : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique. » C’est à ce niveau, que la personne de Marie atteint l’idéal que le Seigneur a voulu pour sa mère : l’écoute de la volonté de Dieu, qui fleurit en elle par son accueil et dans son comportement.

Jean-Louis D’Aragon SJ

(Français) 2022/10/07 – Lc 1, 26-38

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Luther aurait dit de l’évangile de Jean qu’il est « le plus tendre des évangiles. » Il aurait ajouté : « Je donnerais pour lui tous les autres et la plus grande partie du Nouveau Testament par surcroît. »Un autre théologien allemand tordit le cou à cette affirmation par une réplique laconique et cinglante : « Moi je ne donnerais rien! » Sans entrer dans cette querelle, on pourrait dire que la déclaration de Luther aurait été un peu moins surprenante si elle avait été faite à propos de Luc plutôt que Jean. Luc, le « scribe de la mansuétude » selon une expression de Dante, est le seul à nous livrer des récit d’une tendresse qui ne cherche pas à se dissimuler, comme celui de « l’annonciation » que nous fêtons aujourd’hui.

« Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. » Ces mots, Luc est le seul des évangélistes à les avoir entendus. Trois évangélistes connaissent le Père et le Fils, mais Luc est le seul à savoir ce que signifie « la Mère de Dieu ». C’est à elle qu’est annoncée la naissance du Fils du Très Haut. C’est à elle que revient la responsabilité de « nommer » l’enfant à venir. Matthieu, qui connaît bien la loi juive, a donné cette responsabilité à Joseph. Chez Luc, l’annonciation ne se produit pas dans un songe, mais dans le cadre d’une vision, d’une « apparition » en plein jour. Curieusement, dans l’histoire du christianisme, on a fait de l’apparition, le mode le plus spectaculaire de la communication entre la Vierge Marie et les humains. Bien des chrétiens ont affirmé que la Vierge Marie leur est apparue : à Lourdes, à Fatima, et en bien d’autres endroits.

L’annonciateur porte un nom : l’ange Gabriel. Et cet envoyé de Dieu n’a rien d’effrayant : il jase avec Marie sur un ton très familier et il fait tout pour la rassurer quand il constate qu’elle est « troublée » : « Sois sans crainte, Marie… » La jeune fille se détend effectivement, et ne se laisse pas déstabiliser par l’énormité de ce que l’ange lui apprend : qu’elle donnera naissance à un fils, qui sera « grand » et qui régnera sur le trône de David, sans fin… Marie risque une question : « Comment cela se fera-t-il, puisque je suis vierge? »

Quelques versets avant, dans le même chapitre, la même situation se produit quand l’ange annonce à Zacharie la naissance de Jean-Baptiste. Zacharie réagit à peu près comme Marie, car l’annonce porte là aussi sur une naissance miraculeuse. Zacharie fait remarquer qu’il est vieux et que sa femme est avancée en âge. L’ange se fâche et rend Zacharie muet jusqu’à la naissance de l’enfant promis. C’est plutôt sévère si l’on sait que c’est déjà difficile de garder le silence pendant deux heures quand on a la bouche gelée après une visite chez le dentiste.

Mais Gabriel n’impose aucune punition à Marie. Au contraire, il répond avec révérence à la question que la jeune fille lui pose. Les commentateurs expliquent ce double standard en affirmant que la question de Zacharie révélait un manque de foi. Ils disent que dans les mêmes circonstances, Abraham, le Père de la foi, n’avait pas douté que la vieille Sara pourrait concevoir et lui donner un fils. Quant à la question de Marie, on dit qu’elle était inspirée, non pas par l’incrédulité, mais plutôt par la foi qui cherche à comprendre.

Ces arguties théologiques n’éclairent pas tout le mystère du comportement de l’ange Gabriel dans ces deux situations. Une explication beaucoup plus simple, plus logique et plus crédible pourrait être celle-ci : Luc donne à l’ange Gabriel préséance sur Zacharie, mais pas sur Marie. Il y a bel et bien une hiérarchie. Gabriel peut rabrouer Zacharie qui est son inférieur, mais il ne peut que répondre respectueusement à la « Mère de Dieu ». La même hiérarchie est également remarquable quant au rang des deux enfants à naître : aucun doute que Jésus est supérieur à Jean-Baptiste. C’est pourquoi, la dernière déclaration de Marie dans ce passage, « Voici la servante du Seigneur » n’est pas à prendre comme une profession d’humilité. C’est plutôt un cri d’allégresse et d’action de grâce, exactement comme dans le Magnificat qui suivra plus loin. Car, être servante du Seigneur, c’est un titre de gloire.

Melchior M’Bonimpa

(Français) 2022/0/06 – Lc 11, 5-13

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Quand on est satisfait de soi-même et qu’on ne connaît aucune épreuve, on ne demande rien à Dieu. Le riche de la parabole, qui s’habille de vêtements somptueux et se repaît de festins continuels (Lc 16,19), ne demande rien à Dieu. Il n’a pas besoin de Dieu, il cultive inconsciemment l’illusion de sa fausse richesse et… la pauvreté de sa solitude.

Il faut avoir un cœur de pauvre pour prier Dieu de nous accorder une faveur. « Malheur à celui qui n’a plus le goût du pain. » (P. Claudel) Combien de gens ont retrouvé la foi à l’occasion d’une expérience de pauvreté, une épreuve, comme un accident ou une maladie ! N’est-ce pas au cours d’une maladie que François d’Assise ou Ignace de Loyola ont délaissé leur vie frivole pour épouser la pauvreté et la sainteté.

La prière de demande serait-elle égoïste, puisqu’elle nous replie sur nous-mêmes et sur nos misères. Des chrétiens d’une certaine élite spirituelle déprécient la prière de demande et voudraient que l’action de grâce et l’hymne de louange soient les seules formes de la vraie prière. Il est vrai que remercier Dieu pour tout ce qu’il nous accorde nous permet de mieux apprécier ce qu’il nous donne et de découvrir les aspects positifs de notre existence. Quant à l’hymne, qui loue Dieu en lui-même et dans ses manifestations, elle est le sommet de la prière, car elle détourne notre regard de nous-mêmes pour le fixer sur Dieu.

Mais nous sommes trop pauvres pour exclure toute demande de nos prières. Jésus nous enseigne dans l’évangile d’aujourd’hui que nous devons demander avec insistance le secours du Seigneur. À la suite de la parabole de l’ami importun, Jésus nous engage à mettre en pratique la leçon qui en découle : « Eh bien, moi, je vous dis. » Puis il nous exhorte par trois impératifs à exprimer des demandes dans notre prière : « Demandez,..cherchez,…frappez ». Il reprend ensuite ces trois exemples pour affirmer que nous serons exaucés : « …vous obtiendrez,…vous trouverez,…la porte vous sera ouverte. »

Cet enseignement de Jésus ne se limite pas au présent passage de l’Évangile. Il le répète à plusieurs moments, en ajoutant que Dieu répond toujours à nos prières. Mais il ajoute une première condition à cette efficacité , la foi : « Tout ce que vous demanderez dans la prière avec foi, vous le recevrez. » (Mt 21,22) Il énonce enfin une seconde condition, fondamentale, dans une déclaration solennelle, au dernier repas avec ses disciples : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera. » Il nous reproche même de n’avoir rien demandé : « Jusqu’ici vous n’avez rien demandé en mon nom : demandez et vous recevrez, si bien que votre joie sera parfaite. » (Jn 16,23s) La condition, « en mon nom », signifie que l’union au Christ, l’unique chemin vers le Père, est essentielle pour que notre prière soit exaucée.

Pour nous encourager à persévérer dans nos demandes, Jésus nous propose aujourd’hui une parabole inspirée de la vie courante en Israël. Quand le Christ introduit une déclaration par l’expression « Supposons que l’un d’entre vous… », il évoque une expérience que chacun de ses auditeurs a probablement vécue. Non seulement Jésus attire l’attention sur un incident familier, mais il nous invite à réfléchir sur certains détails de notre vie de tous les jours et sur leur signification.

Le devoir de l’hospitalité est sacré dans le pays de Jésus. Non seulement un individu a le devoir d’accueillir un voyageur, mais ce devoir s’étend à tout le village. C’est la gravité de cette obligation qui pousse le personnage qui accueille un voyageur inattendu à réveiller son voisin en pleine nuit pour lui demander du pain. Demande ennuyeuse, puisque toute la famille de ce voisin dort ensemble dans l’unique pièce de la maison. Cette visite importune réveille tous les membres du groupe et les indispose. Et pourtant le voisin ne résistera pas à la demande insistante de l’importun.

Le silence de Dieu !

Il est certes consolant d’entendre cet enseignement de Jésus, mais la réalité semble le contredire. Nous avons souvent l’impression que Dieu est sourd à nos demandes et qu’il leur oppose un lourd silence. « Dieu entend-il nos prières ? Répond-il à nos demandes ? » Combien de chrétiens posent ces questions devant le silence apparent de Dieu. Serait-il transcendant, éloigné de notre monde, au point de ne pas prêter attention à nos prières souvent distraites, portant sur des insignifiances? Jésus nous a pourtant révélé que Dieu était notre Père. Comment concilier ce silence avec son amour ?

Pendant ce silence de Dieu, nous avons le temps de réfléchir à nos demandes et de nous rendre compte si elles sont sérieuses et pour notre plus grand bien. Une réponse immédiate de Dieu correspondrait à l’attitude de parents riches, qui répondent à tous les caprices de leurs enfants. Ils pensent manifester ainsi leur amour, alors qu’ils développent de la sorte leur égoïsme et préparent mal leur avenir. À une fête de Noël, chez des parents, j’ai vu un enfant de trois ans qui déchirait rapidement cadeau sur cadeau soigneusement emballés pour lui, puis exiger indéfiniment « un autre cadeau », sans même apprécier ceux qu’il avait reçus et, encore moins, exprimer un remerciement. Dieu nous aimerait bien mal s’il condescendait à combler nos moindres désirs, pour ne pas dire nos caprices. Le temps mûrit et creuse en nous le désir et l’espérance d’être exaucé.

Dieu répond toujours à nos demandes, mais pas nécessairement comme nous le voulions. « Dieu est plus grand que notre cœur . » (1 Jn 3,20) Quand nous récitons la prière de Jésus, soyons assurés que notre Père veut notre bonheur beaucoup mieux que nous. Nous avons peur de dire : « Que ta volonté soit faite. ». Nous craignons de nous fier à son projet d’amour pour nous. Nous ne croyons pas sincèrement qu’il répondra au-delà de notre désir. Dans la parabole d’aujourd’hui, notons que le voisin importuné en pleine nuit donnera à son ami non seulement les trois pains que celui-ci lui demandait, mais « …tout ce qu’il lui faut. »

Jésus, en conclusion, compare « le Père céleste » à un père de la terre, qui donne à son fils un poisson ou un œuf, selon sa demande. Dans sa réponse à celui qui le prie, le Seigneur n’accorde pas seulement pas les dons dérisoires que nous lui demandons, mais bien au-delà de tout : « l’Esprit Saint ». En nous donnant l’Esprit, il se donne lui-même. Peut-il nous donner plus ?

Jean-Louis D’Aragon SJ

(Français) 2022/10/05 – Lc 11, 1-4

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Jésus venait de prier. Un disciple lui demanda de leur montrer à prier comme Jean Baptiste l’avait fait pour ses disciples. Il leur donne une prière qui commence par Père et qui contient cinq demandes: que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, donne-nous le pain dont nous avons besoin, pardonne-nous nos péchés, ne nous soumets pas à la tentation.

Les disciples viennent de voir Jésus en prière. Ce n’est pas la première fois. C’est surtout avant les grandes occasions que Luc mentionne la prière de Jésus.

Jésus est en prière avant la révélation qui vient du ciel à son baptême aux mains de Jean Baptiste. Avant le choix des Douze, il a passé la nuit à prier dans la montagne (Luc 6,12). Avant la profession de foi de Pierre, il est en prière (9,18). Avant la Transfiguration, il a gravi la montagne avec trois disciples pour aller prier. Il y aura encore la prière avant la Passion. Ici, c’est la prière de Jésus qui a suscité la demande d’un disciple.

La demande que Jésus leur apprenne à prier comme Jean Baptiste l’avait fait pour ses disciples nous rappelle la mention que les Pharisiens et les disciples de Jean avaient des jeûnes et des prières qui leur étaient propres (Luc 5,33). Le disciple demande donc de leur montrer une prière qui serait caractéristique de leur relation avec Dieu à cause de leur lien avec Jésus en tant que disciples.

La prière que Jésus leur donne commence par l’invocation, Père. C’est ainsi que commençait la prière de Jésus comme on le voit dans Matthieu (11,25) : Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre.

Cette façon de parler à Dieu n’est pas normale dans la prière juive. On pouvait parler de Dieu comme Père du peuple d’Israël parce que c’était lui qui avait donné naissance à Israël comme peuple. Mais s’adresser à lui de cette façon, individuellement, était trop familière pour être convenable. On ne pouvait se permettre cette familiarité avec le Seigneur du ciel et de la terre! On trouve une trace de la surprise des disciples devant cette familiarité de Jésus dans l’évangile de Marc. Lorsqu’il rapporte la prière de Jésus avant la Passion, il commence en utilisant un mot araméen, alors que son auditoire ne connaît ni l’hébreu ni l’araméen : Abba! Tout t’est possible: éloigne de moi cette coupe; pourtant, pas ce que je veux mais ce que tu veux !

Abba est un terme familier. Un enfant dit imma, maman, pour sa mère et abba, pour son père. C’est donc cette familiarité et cette proximité avec Dieu que Jésus donne à ses disciples. Paul, qui n’est pas fort sur les détails de la vie du Christ, a retenu cela comme caractéristique d’un disciple : il peut dire abba à Dieu parce que l’Esprit lui a été donné (Romains 8,15; Galates 4,6).

Après l’invocation, la prière commence par deux demandes centrées sur Dieu : Que ton nom soit sanctifié. Que Dieu se révèle; qu’il se fasse reconnaître. Que ton Règne vienne. Que Dieu vienne en personne et manifeste sa présence souveraine et agissante. Ensuite, on a trois requêtes pour les disciples eux-mêmes: une demande du pain de vie pour chaque jour; une demande de pardon des péchés qu’on est prêt à accueillir en pardonnant d’abord aux autres; une demande finale de ne pas être confronté à la tentation de renier ou de rejeter le Christ.

Cette prière est toute centrée sur Dieu, sur son Règne, comme l’était le Christ lui-même. C’est pour cela qu’elle est la prière par excellence d’un disciple de Jésus.

Jean Gobeil SJ 

 

(Français) 2022/10/04 – Lc 10, 38-42

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Une femme nommée Marthe reçoit Jésus dans sa maison. Pendant qu’elle s’occupait du service, Marie, sa soeur, écoutait les paroles de Jésus, assise aux pieds du Seigneur. Marthe se plaint que sa soeur ne l’aide pas. Mais Jésus déclare que Marie a choisi la meilleure part et qu’elle ne lui sera pas enlevée.

Le texte commence par dire en passant que Jésus était en route avec ses disciples. Il arrive dans un village où il reçoit l’hospitalité de deux soeurs. C’est bien différent du village samaritain qui avait refusé de le recevoir au début du chapitre mais il semble qu’il y avait bien des gens qui étaient prêts à lui offrir l’hospitalité. Il y en a sur qui Jésus savait qu’il pouvait compter comme cet hôte inconnu à qui il demanda l’usage d’une pièce à l’étage pour célébrer la Pâque à Jérusalem, alors que la ville à ce moment déborde de visiteurs.

Marthe est la maîtresse de maison et elle s’affaire à remplir ce rôle qui est tout à fait normal. Elle se plaint de ce que sa soeur, elle, tient un rôle qui n’est pas normal du tout pour une femme. Elle est assise aux pieds de Jésus et écoute ses paroles: elle est dans la position d’un disciple qui écoute les instructions de son maître. Or les avis des rabbins sont catégoriques: il ne faut pas enseigner la Loi à une femme. Non seulement Jésus parle pour elle mais encore il ne veut pas qu’on la dérange.

En brisant cet interdit, Jésus montre que la condition de disciple n’est pas réservée à des hommes. C’est une leçon qui n’a pas été perdue pour les communautés chrétiennes. Mais il y a plus que cela.
On a mentionné au début du chapitre, que le grand commandement était l’amour de Dieu et l’amour du prochain. A la suite de cela, pour donner une illustration de l’amour du prochain, Jésus a donné l’exemple du bon Samaritain, pourtant un ennemi des Juifs, qui venait en aide à quelqu’un de blessé.

Après l’amour du prochain, l’évangéliste revient à l’amour de Dieu qui a son illustration dans la scène que nous avons. L’écoute de la Parole est une forme de l’amour de Dieu et l’amour de Dieu est le premier commandement. Cette écoute est une forme de l’amour parce que dans la Parole il y a une présence de Dieu. C’est pour cela que, dans la première apparition de Jésus ressuscité aux disciples, la première chose que Jésus fait après s’être fait reconnaître fut : Alors, il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Écritures. (Luc 24,45)

Pour Luc, Marie est donc un modèle parfait de disciple. Pour les disciples, dans le passage qui suit, Jésus donnera une autre forme de l’amour de Dieu: il leur enseignera le Notre Père.

Jean Gobeil SJ 

(Français) 2202/10/03 – Lc 10, 25-37

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Un légiste pose une question piège à Jésus : « Maître, que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle? » Jésus répond par une autre question : « Dans la Loi, qu’est-il écrit?» Bon élève, le légiste cite le plus grand des commandements qui résume la Loi et les Prophètes: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme… et ton prochain comme toi-même.» Jésus lui accorde alors la note parfaite : dix sur dix au niveau de la théorie. Toutefois, la théorie n’est pas tout. Jésus enjoint au légiste d’aller faire les travaux pratiques, sur le terrain! Mais ce dernier n’aime pas le rôle de l’arroseur arrosé. Il contre-attaque par une autre question piège : « Et qui est donc mon prochain? » Jésus répond par le détour de la merveilleuse parabole du bon Samaritain, l’un des bijoux de l’évangile de Luc, qui s’achève par une question au légiste : « Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme qui était tombé entre les mains des bandits. » En mauvaise posture, le docteur de la Loi est bien obligé de donner une réponse qui permet à Jésus de répéter son conseil : « Va, et toi aussi, fais de même. »

En allant voir les parallèles de ce texte chez les deux autres synoptiques, on peut constater que la question piège posée à Jésus est : « Quel est le plus grand commandement? » Chez Marc et Matthieu, c’est donc Jésus qui joue le rôle de l’élève surdoué : il répond directement, sans ruser, en citant les Écritures, et la confrontation s’arrête là. Mais Luc chambarde tout, comme pour faire durer notre plaisir. D’abord, il ne reprend pas la question de départ. Chez Luc, le légiste veut savoir ce qu’il doit faire pour entrer dans le royaume, et Jésus le contraint à trouver lui-même la réponse dans les Écritures. Mais le légiste ne s’avoue pas vaincu et récidive par une autre question désespérément théorique: « Qui est donc mon prochain? »

Avec un art consommé de l’esquive, Jésus lui sert la parabole du bon Samaritain, comme pour lui dire, « Plus malin que moi, tu meurs ! » De fait, la parabole est un véritable traquenard pour le pauvre légiste. Dans les milieux juifs, la réponse à sa deuxième question était évidente : le prochain est tout membre de son peuple, à l’exclusion de tous les étrangers. Jésus connaît cette réponse qu’il rejette indirectement, mais fermement. « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho… » Il ne précise pas qui était cet homme, mais il y a tout lieu de supposer que c’était un juif. Ce juif se fait donc attaquer par des bandits qui le dépouillent, le tabassent et le laissent pour mort.

Des juifs très au fait de la Loi (un prêtre et un lévite) arrivent à cet endroit et voient l’homme agonisant. Ils passent « de l’autre côté » et ne portent pas secours à ce congénère dans le plus grand besoin. Or, cet homme est bel et bien « leur prochain » selon la Loi. Puis un Samaritain, c’est-à-dire un étranger, passe par là et réagit autrement : saisi de pitié, il pose envers l’infortuné tous les gestes de miséricorde que les deux représentants de la Loi ont soigneusement évités. Le légiste est finalement obligé de descendre du ciel de la théorie pour répondre à la seule question pratique qui compte vraiment pour Jésus : « Qu’as-tu fait de ton frère humain, sans discrimination? » Et, toute honte bue, il doit admettre qu’un Samaritain, un étranger, peut s’emparer du rôle de modèle en manifestant à l’égard d’un juif dans le besoin, plus de générosité que des juifs patentés! Jésus a pourtant la victoire modeste. N’importe qui d’entre nous aurait dit à ce légiste battu à plate couture : maintenant, dégage, va au diable! Mais Jésus se garde de l’humilier. Il lui conseille simplement d’imiter le Samaritain de la parabole.

Melchior M.Bonimpa

(Français) 2021/10/09 – Lc 11, 27-28

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Un aristocrate prétentieux apostropha un jour Louis Veuillot en lui déclarant d’une manière méprisante : « Monsieur, moi je descends d’un maréchal de France. » Avec sa verve pointue, le journaliste lui répliqua : « Moi, Monsieur, je ne monte d’un maréchal-ferrant. » Le premier se vantait d’un titre qu’il avait reçu par hérédité, mais qu’il n’avait nullement acquis par lui-même, sans mérite de sa part. Ce titre restait extérieur à sa personne, il n’atteignait pas sa valeur humaine. Veuillot reconnaissait, de son côté, que son père était un pauvre artisan, mais que lui-même, par son labeur et son ardeur au travail, avait grimpé les échelons pour se hisser parmi les meilleurs journalistes de son temps. Qui était le personnage le plus éminent, celui qui arborait une médaille qu’on lui avait donnée ou le second qui avait travaillé pour se forger lui-même ?

La louange d’une femme

À l’opposé de ses contradicteurs (Lc 11,15s), qui avaient accusé Jésus d’être associé au démon et qui avaient exigé de lui un miracle pour authentifier sa mission, une femme de la foule proclame son admiration pour ce maître de sagesse. Cette femme exprime sa louange en l’adressant par l’intermédiaire de la mère de Jésus. Les organes maternels, que mentionne la femme, marquent l’insistance sur la dimension physique de la maternité de Marie.

Cette béatitude rappelle la tradition juive, que le Livre des Proverbes illustre à juste titre : « Le plus grand bonheur d’un père est d’avoir donné la vie à un homme juste et sage. Donne cette joie à ton père et à ta mère, ce bonheur à celle qui t’a mis au monde. » L’admiration de cette femme pour Jésus commence à réaliser l’annonce que Marie chantait dans son action de grâce : « Dès maintenant et en tous les temps, les humains me diront bienheureuse. » (Lc 1,48)

La vraie béatitude

Dans sa brève réponse à cette femme en admiration devant lui, Jésus décrit ce qu’est le véritable bonheur, celui qui a priorité sur tous les autres, même sur celui d’être la mère du Christ. Avec cette déclaration, Jésus établit une juste distinction entre un titre non mérité, donné de l’extérieur, et la valeur intime d’une personne qui écoute la Parole de Dieu et qui la rend vivante en elle par sa pratique. Cette dernière a intégré en elle le don de Dieu, elle l’a épousé par son agir conforme à la volonté du Seigneur.

Sans l’écoute de la Parole et sans la mise en pratique de la volonté de Dieu, on risque de retomber dans l’esclavage de celui qui a été libéré par le Christ, mais qui n’a pas eu le courage de cheminer à la suite de son Seigneur. Sa chute l’avilie dans un état pire qu’avant sa libération. (Lc 11,26)

Lorsque la mère de Jésus visite sa cousine Élisabeth pour lui apporter la joie, celle-ci admire le bonheur de Marie : « Tu es heureuse, toi qui as cru que le Seigneur accomplira ce qu’il t’a annoncé. » (Lc 1,45) Marie avait exprimé sa foi par son parfait acquiescement à l’annonce de l’ange Gabriel : « Je suis la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi comme tu l’as dit. » (Lc 1,38)

Lorsque sa mère et ses frères viennent trouver Jésus, on le prévient en ces termes : « Ta mère et tes frères se tiennent dehors et désirent te voir. » (Lc 8,20) Sans renoncer à sa parenté naturelle, Jésus corrige cette présentation des siens, comme dans l’évangile d’aujourd’hui : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique. » C’est à ce niveau, que la personne de Marie atteint l’idéal que le Seigneur a voulu pour sa mère : l’écoute de la volonté de Dieu, qui fleurit en elle par son accueil et dans son comportement.

Jean-Louis D’Aragon SJ

(Français) 2021/10/08 – Lc 11, 15-26

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L’esclavage de nos jours

Une femme avouait dans une lettre publiée dans un journal anglophone de Montréal qu’elle était devenue esclave de l’internet. Ayant découvert ce moyen de distraction, qui permet d’explorer le monde, elle passait tout son temps devant le petit écran, au point de négliger sa famille, son mari et ses enfants. La catastrophe prévisible, à la fin, fut le divorce et la dispersion de sa famille.

Cet exemple montre que l’esclavage, l’emprise d’un autre sur notre personne, au point de nous dominer, n’est pas une calamité limitée à l’ancien temps. L’aliénation, l’épreuve de devenir un autre que soi-même, s’est répandue de diverses manières aujourd’hui. Ce n’est pas un maître extérieur qui nous domine, mais une force aliénante qui s’introduit en nous. Nous sommes une multitude possédée par l’argent, la boisson, la cigarette, la drogue et le sexe.

Les exorcismes de Jésus semblent à certains des phénomènes relevant de cultures primitives. Être possédé par un esprit mauvais provoque en nous un sourire sceptique. Mais si « l’esprit mauvais », extérieur à nous, semble avoir disparu, il se retrouve en nous, d’une manière plus insidieuse et plus profonde. Jésus est venu nous délivrer de tous ces esclavages, intérieurs et extérieurs, pour nous rendre libres, tels que notre Créateur l’a voulu. Être libre, c’est retrouver notre identité, être nous-mêmes.

Les nombreuses scènes d’exorcisme, qui nous surprennent dans les évangiles, manifestent la volonté du Christ de nous rendre libres. À l’opposé de la liberté, c’est le mal d’être envahi par un autre et d’être divisé. La division physique, c’est le cancer, qui introduit en nous un second système biologique, parallèle à l’autre. La division morale, c’est la schizophrénie, qui produit dans la personne humaine une double personnalité. Toute division, en nous-mêmes, dans notre famille ou dans la société, provoque la dégradation et la destruction. Notre organisme réagit en essayant de rejeter ce qui nous est étranger. De même, Jésus expulse tout esprit, qui est mauvais parce qu’étranger, incompatible avec notre nature libre d’enfant de Dieu.

Les calomniateurs du Christ

Au lieu d’admirer et de louer la mission libératrice de Jésus, ses adversaires cherchent à dénigrer son action. Notre monde perverti essaie souvent de mal interpréter et de dénigrer les actions les plus généreuses. Les détracteurs de Jésus lui opposent deux objections : 1) Jésus serait de connivence avec le chef des démons pour expulser les esprits mauvais; 2) si, au contraire, c’est par l’Esprit de Dieu que Jésus libère du démon, il doit le prouver par un signe éclatant. Jésus ne discute pas cette dernière exigence. Il refusera, plus tard, de se soumettre au défi de tenter Dieu.

Jésus répond de deux manières à la calomnie de ses ennemis. Béelzéboul, « le dieu des mouches », est un esprit malfaisant, mais intelligent. Il sait bien que s’il combat ses adeptes, il divise son royaume et va causer sa disparition. Il n’y aura bientôt plus de vie dans un royaume divisé. L’accusation est vraiment grossière et stupide. La réponse de Jésus montre l’ineptie d’une telle accusation.

Des exorcistes chez les Pharisiens pratiquaient, eux aussi, des rites pour libérer les possédés. Les adversaires de Jésus ne voudraient jamais accuser leurs partisans de recourir au chef des démons pour chasser les esprits mauvais des possédés. Pourquoi alors portent-ils une accusation de ce genre contre Jésus ?

Choisir entre la mort et la vie

Après avoir réfuté l’accusation de ses adversaires, Jésus dégage deux profondes vérités, dont la première explique la seconde. D’abord il est impossible de rester neutre devant l’interpellation du Christ. On est pour lui ou contre lui. En conséquence, la maison d’un homme libéré de l’esprit mauvais ne peut demeurer vide, neutre. Cette maison doit se remplir de la Parole et de l’Esprit de Dieu.

Si l’homme de cette maison prétend demeurer neutre et vide, sans choisir, ni s’engager, l’esprit mauvais, auquel se sont joints « sept esprits encore plus mauvais », revient occuper son ancienne demeure. C’est dire que l’état de l’homme que le Christ a libéré, mais qui retombe sous le joug du péché et de l’esclavage, est pire qu’auparavant. Quand on pense être guéri d’un cancer et qu’on jouit d’une rémission, n’est-ce pas que la rechute est plus grave que la première phase de la maladie ?

Même après une conversion, on est tenté de vivre des deux côtés, un pied du côté du Christ et l’autre du côté du monde. Cette concession à l’esprit malin est dangereuse, car le cancer tend à occuper de plus en plus de place, avec « sept autres esprits encore plus mauvais. » Une seule solution: après sa conversion et sa libération, le pécheur pardonné doit se tourner totalement vers son Sauveur et s’unir à Lui par la foi et la confiance, pour qu’il occupe toute la place.

Jean-Louis D’Aragon SJ

(Français) 2021/10/07 – Lc 1, 26-38

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Luther aurait dit de l’évangile de Jean qu’il est « le plus tendre des évangiles. » Il aurait ajouté : « Je donnerais pour lui tous les autres et la plus grande partie du Nouveau Testament par surcroît. »Un autre théologien allemand tordit le cou à cette affirmation par une réplique laconique et cinglante : « Moi je ne donnerais rien! » Sans entrer dans cette querelle, on pourrait dire que la déclaration de Luther aurait été un peu moins surprenante si elle avait été faite à propos de Luc plutôt que Jean. Luc, le « scribe de la mansuétude » selon une expression de Dante, est le seul à nous livrer des récit d’une tendresse qui ne cherche pas à se dissimuler, comme celui de « l’annonciation » que nous fêtons aujourd’hui.

« Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. » Ces mots, Luc est le seul des évangélistes à les avoir entendus. Trois évangélistes connaissent le Père et le Fils, mais Luc est le seul à savoir ce que signifie « la Mère de Dieu ». C’est à elle qu’est annoncée la naissance du Fils du Très Haut. C’est à elle que revient la responsabilité de « nommer » l’enfant à venir. Matthieu, qui connaît bien la loi juive, a donné cette responsabilité à Joseph. Chez Luc, l’annonciation ne se produit pas dans un songe, mais dans le cadre d’une vision, d’une « apparition » en plein jour. Curieusement, dans l’histoire du christianisme, on a fait de l’apparition, le mode le plus spectaculaire de la communication entre la Vierge Marie et les humains. Bien des chrétiens ont affirmé que la Vierge Marie leur est apparue : à Lourdes, à Fatima, et en bien d’autres endroits.

L’annonciateur porte un nom : l’ange Gabriel. Et cet envoyé de Dieu n’a rien d’effrayant : il jase avec Marie sur un ton très familier et il fait tout pour la rassurer quand il constate qu’elle est « troublée » : « Sois sans crainte, Marie… » La jeune fille se détend effectivement, et ne se laisse pas déstabiliser par l’énormité de ce que l’ange lui apprend : qu’elle donnera naissance à un fils, qui sera « grand » et qui régnera sur le trône de David, sans fin… Marie risque une question : « Comment cela se fera-t-il, puisque je suis vierge? »

Quelques versets avant, dans le même chapitre, la même situation se produit quand l’ange annonce à Zacharie la naissance de Jean-Baptiste. Zacharie réagit à peu près comme Marie, car l’annonce porte là aussi sur une naissance miraculeuse. Zacharie fait remarquer qu’il est vieux et que sa femme est avancée en âge. L’ange se fâche et rend Zacharie muet jusqu’à la naissance de l’enfant promis. C’est plutôt sévère si l’on sait que c’est déjà difficile de garder le silence pendant deux heures quand on a la bouche gelée après une visite chez le dentiste.

Mais Gabriel n’impose aucune punition à Marie. Au contraire, il répond avec révérence à la question que la jeune fille lui pose. Les commentateurs expliquent ce double standard en affirmant que la question de Zacharie révélait un manque de foi. Ils disent que dans les mêmes circonstances, Abraham, le Père de la foi, n’avait pas douté que la vieille Sara pourrait concevoir et lui donner un fils. Quant à la question de Marie, on dit qu’elle était inspirée, non pas par l’incrédulité, mais plutôt par la foi qui cherche à comprendre.

Ces arguties théologiques n’éclairent pas tout le mystère du comportement de l’ange Gabriel dans ces deux situations. Une explication beaucoup plus simple, plus logique et plus crédible pourrait être celle-ci : Luc donne à l’ange Gabriel préséance sur Zacharie, mais pas sur Marie. Il y a bel et bien une hiérarchie. Gabriel peut rabrouer Zacharie qui est son inférieur, mais il ne peut que répondre respectueusement à la « Mère de Dieu ». La même hiérarchie est également remarquable quant au rang des deux enfants à naître : aucun doute que Jésus est supérieur à Jean-Baptiste. C’est pourquoi, la dernière déclaration de Marie dans ce passage, « Voici la servante du Seigneur » n’est pas à prendre comme une profession d’humilité. C’est plutôt un cri d’allégresse et d’action de grâce, exactement comme dans le Magnificat qui suivra plus loin. Car, être servante du Seigneur, c’est un titre de gloire.

Melchior M’Bonimpa

(Français) 2021/10/06 – Lc 11, 1-4

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Jésus venait de prier. Un disciple lui demanda de leur montrer à prier comme Jean Baptiste l’avait fait pour ses disciples. Il leur donne une prière qui commence par Père et qui contient cinq demandes: que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, donne-nous le pain dont nous avons besoin, pardonne-nous nos péchés, ne nous soumets pas à la tentation.

Les disciples viennent de voir Jésus en prière. Ce n’est pas la première fois. C’est surtout avant les grandes occasions que Luc mentionne la prière de Jésus.

Jésus est en prière avant la révélation qui vient du ciel à son baptême aux mains de Jean Baptiste. Avant le choix des Douze, il a passé la nuit à prier dans la montagne (Luc 6,12). Avant la profession de foi de Pierre, il est en prière (9,18). Avant la Transfiguration, il a gravi la montagne avec trois disciples pour aller prier. Il y aura encore la prière avant la Passion. Ici, c’est la prière de Jésus qui a suscité la demande d’un disciple.

La demande que Jésus leur apprenne à prier comme Jean Baptiste l’avait fait pour ses disciples nous rappelle la mention que les Pharisiens et les disciples de Jean avaient des jeûnes et des prières qui leur étaient propres (Luc 5,33). Le disciple demande donc de leur montrer une prière qui serait caractéristique de leur relation avec Dieu à cause de leur lien avec Jésus en tant que disciples.

La prière que Jésus leur donne commence par l’invocation, Père.
C’est ainsi que commençait la prière de Jésus comme on le voit dans Matthieu (11,25):
Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre.
Cette façon de parler à Dieu n’est pas normale dans la prière juive. On pouvait parler de Dieu comme Père du peuple d’Israël parce que c’était lui qui avait donné naissance à Israël comme peuple. Mais s’adresser à lui de cette façon, individuellement, était trop familière pour être convenable. On ne pouvait se permettre cette familiarité avec le Seigneur du ciel et de la terre! On trouve une trace de la surprise des disciples devant cette familiarité de Jésus dans l’évangile de Marc. Lorsqu’il rapporte la prière de Jésus avant la Passion, il commence en utilisant un mot araméen, alors que son auditoire ne connaît ni l’hébreu ni l’araméen:
Abba! Tout t’est possible: éloigne de moi cette coupe; pourtant, pas ce que je veux mais ce que tu veux!
Abba est un terme familier. Un enfant dit Imma, maman, pour sa mère et Abba, pour son père.
C’est donc cette familiarité et cette proximité avec Dieu que Jésus donne à ses disciples. Paul, qui n’est pas fort sur les détails de la vie du Christ, a retenu cela comme caractéristique d’un disciple: il peut dire Abba à Dieu parce que l’Esprit lui a été donné (Romains 8,15; Galates 4,6).

Après l’invocation, la prière commence par deux demandes centrées sur Dieu:
Que ton nom soit sanctifié. Que Dieu se révèle; qu’il se fasse reconnaître.
Que ton Règne vienne. Que Dieu vienne en personne et manifeste sa présence souveraine et agissante.
Ensuite, on a trois requêtes pour les disciples eux-mêmes: une demande du pain de vie pour chaque jour; une demande de pardon des péchés qu’on est prêt à accueillir en pardonnant d’abord aux autres; une demande finale de ne pas être confronté à la tentation de renier ou de rejeter le Christ.

Cette prière est toute centrée sur Dieu, sur son Règne, comme l’était le Christ lui-même. C’est pour cela qu’elle est la prière par excellence d’un disciple de Jésus.

Jean Gobeil SJ