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(Français) 2023/09/16 – Lc 6, 43-49

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Nous sommes tous habitués aux campagnes électorales et aux promesses qui parsèment les discours des candidats. Nous n’y croyons guère, car l’expérience nous a prouvé que ces promesses n’avaient pas le plus souvent de lendemain. Tel est le dédoublement entre le rêve et la réalité. Au fond, c’est l’hypocrisie, la division, l’opposition entre les bonnes paroles et l’action. Nous-mêmes, nous jouons tous à ce jeu hypocrite, avec nos pensées généreuses que notre égoïsme, en pratique, contredit. Combien de « socialistes de salon » avons-nous tous connus ?

Conclusion du sermon inaugural

Jésus craint et dénonce l’illusion qu’entretiennent nos résolutions généreuses, qui n’ont pas de profondeur. Elles sont superficielles et n’atteignent pas le fond de notre coeur, si elles ne se traduisent pas dans nos actions. Quand nous entretenons simplement des pensées généreuses, sans nous compromettre par le don de nous-mêmes, nous perpétuons l’illusion d’être bons et honnêtes, tout en nous dispensant de nous engager. Jésus nous enseigne la franchise, il nous presse de ne pas nous diviser entre nos pensées généreuses et notre refus de nous engager dans des actions coûteuses. L’égoïsme et la paresse nous empêchent de donner, de nous donner. Le Christ nous exhorte à ne pas contredire nos convictions par notre inaction.

Pour illustrer son enseignement, Jésus recourt d’abord à l’image de l’arbre, dont la valeur se révèle par ses fruits. Notre nature et notre coeur se manifestent dans les fruits concrets que nous produisons. Autrement, nos pensées et nos paroles sont du vent qui passe.

La pratique qui contredit les plus belles pensées enlève toute valeur aux paroles les plus sublimes. Comment peut-on invoquer le Seigneur, en lui tournant le dos en refusant de se convertir, de se tourner vers lui? Si la personne humaine entretient une contradiction entre sa pensée et son action, elle se divise et se détruit. Sa santé et son bonheur dépendent de l’unité qu’elle a réalisée en elle-même. Ses convictions doivent fleurir dans son action., car c’est dans son agir qu’elle se réalise et s’épanouit.

Construire sur le sable est facile, car on n’a pas à peiner avec effort pour creuser et faire de solides fondations. Au contraire, la construction sur le roc exige des efforts pénibles pour établir des fondations solides. La sécurité exige des sacrifices, car le bonheur facile n’existe pas ; il est superficiel et ne résiste pas aux difficultés de l’existence. Pour une durée éternelle, il faut édifier sa vie sur le roc.

Les thèmes majeurs du sermon

Ce sermon inaugural du ministère du Christ contient l’essentiel de l’Évangile. Le message de Jésus est nouveau, car il s’oppose à des points de vue courants dans notre monde. Il présente quatre contestations de l’enseignement que propose le monde.

1) Le monde enseigne qu’il faut tout faire pour acquérir les richesses, spécialement l’argent. Le Christ, au contraire, proclame que les bienheureux sont les pauvres, les démunis, car ils sont libres et disponibles pour accueillir leur Seigneur.

2) Le monde nous apprend la prudence, la défiance,… Si on donne, c’est pour recevoir en retour quelque chose de meilleur. Jésus proclame le bonheur de donner gratuitement, par amour, en imitant Dieu.

3) Le monde mise sur le temps présent, ici-bas. Le Christ nous dévoile la vision de l’au-delà, il suscite l’espérance, qui entraîne le chrétien en avant, dans un progrès constant vers le bonheur final qui ne passe pas.

4) Le monde cède facilement à la duplicité, à l’hypocrisie, qui divise la personne et la détruit. Le Christ insiste sur l’unité de la personne humaine, qui est la condition essentielle pour conserver et développer sa vie.

 

Jean-Louis D’Aragon SJ

(Français) 2023/09/15 – Jn 19, 25-27

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Le texte est un moment de la Passion selon saint Jean. Les soldats ont fini de tirer au sort les vêtements de Jésus. Des femmes se sont approchées de la croix: Marie Madeleine, Marie, femme de Cléophas et Marie, la mère de Jésus. Il y a aussi ce disciple, identifié comme celui que Jésus aimait. Jésus dit à sa mère en parlant de ce disciple: Femme, voilà ton fils. Et il dit au disciple: Voici ta mère. Le texte conclut: A partir de ce moment, le disciple la prit chez lui.

Le texte, par sa brièveté et en ne disant rien des sentiments de ceux qui sont là, invite le lecteur à voir le sens de ce moment. L’événement est plus important que ceux qui y participent, pris individuellement.

Lors de l’Annonciation, Marie a accueilli la parole de Dieu en répondant: Voici la servante du Seigneur. Après cela, ce que Luc dit sur elle, est qu’elle conservait avec soin toutes ces choses (les événements) et les méditait dans son coeur.  Il répètera cela pour des choses qu’elle ne comprenait pas (Luc 2,51). Elle est donc simplement une présence. C’est cette présence à Cana qui lui fait faire une demande bien discrète à Jésus. Au pied de la croix, elle continue à être une présence.

A Cana, Jésus avait répondu d’abord que son heure n’était pas encore venue. Maintenant, cette heure qui termine et complète sa mission est arrivée. Cette heure, où il doit passer par la mort, est une nouvelle naissance: c’est l’accès à la gloire avec son humanité. Marie est donc présente à cette nouvelle naissance.

Mais en rendant l’esprit, il donnera l’Esprit Saint. C’est donc aussi la naissance de l’Église et c’est ce que cette scène représente. Cette scène a été reproduite dans des icônes qui ont pour titre: icône de la prière. On voit Jésus en croix. Au pied de la croix, à gauche, il y a Marie. A droite, il y a le disciple que Jésus aimait. Marie et le disciple ont le visage tourné vers Jésus et l’explication est qu’ils prient pour l’Église d’où le titre d’icône de la prière. Marie est présente à cette naissance de l’Église.

Marie est la première chrétienne puisqu’elle est la première à avoir cru. Avec le premier disciple, premier au point de vue accueil et foi (Jean 20,8), elle représente le début de l’Église.  Mais Jésus en lui donnant un autre fils lui donne un nouveau rôle: elle doit être la mère de l’Église. Elle sera une mère qui continuera à être une présence: elle sera présente à la prière des disciples avant la Pentecôte (Actes 1,14). Et elle continue ce qu’elle a commencé au pied de la croix: elle prie pour nous.

Jean Gobeil SJ 

(Français) 2023/09/14 – Jn 3, 13-17

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Au début de sa première lettre aux chrétiens de Corinthe, Paul leur rappelle que le Christ crucifié est le cœur de l’Évangile qu’il leur a proposé. Il avait décidé de leur proclamer « rien d’autre que Jésus-Christ et, plus précisément, Jésus-Christ crucifié. » (1 Cor 2,3s) Après sa déconvenue devant les « sages » de l’Aréopage d’Athènes, Paul arriva à Corinthe « faible et tout tremblant de crainte. » Il avait résolu de mettre de côté l’éloquence brillante, pour prêcher « le Christ crucifié, message scandaleux pour les Juifs et folie pour les païens. (1 Cor 1,23)

Comment le Christ en croix, cet objet d’horreur pour les anciens, peut-il être source de salut et de vie ? Ce monde opposé à Dieu pense trouver le salut dans la puissance qui domine, qui écrase les ennemis. Il est convaincu que la faiblesse ne produit rien, sinon l’humiliation et la prostration. Quand il croit en Dieu, ce monde se le représente comme un super Jupiter, comme le Maître de l’univers.

C’est pourquoi Pierre, inspiré par le monde et Satan, s’insurge contre la destinée de Jésus, qui vient d’annoncer à ses disciples qu’il subira une condamnation infamante à la mort. Dans une vive réaction, contre l’intervention de Pierre, représentant l’esprit du monde, juif et païen, le Christ le stigmatise comme inspiré par le diable (Mt 16,22s).

Descendu parmi nous et monté au ciel

« Le Fils de l’homme » désigne Jésus, qui représente tous les humains et qui les rassemble en lui. En descendant du ciel, il s’abaisse pour assumer notre condition fragile et misérable, partageant tout avec nous, sauf le péché. Pourquoi une telle humiliation, qui répugne à la raison humaine ? La réponse se trouve dans l’amour mystérieux de Dieu pour le monde. (Jn 3,16) Ce monde pourtant est rebelle, animé par la haine et ennemi de Dieu. Comment peut-il attiré l’amour de Dieu ?

Quand on parle de cette manière, on s’inspire de notre amour humain, égoïste, qui veut posséder ce qu’on prétend aimer, parce qu’on le juge aimable et attrayant. L’amour véritable est le contraire de l’égoïsme : il ne veut pas posséder et dominer, mais donner tout, jusqu’à sa vie. En raison de son amour, Dieu donne tout dans son Fils unique, acceptant d’être cloué, impuissant, sur une croix. À la suite de leur Seigneur, les disciples du Christ ont la vocation de se donner par amour et de prouver cet amour, même à l’égard de leurs ennemis : « Faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent et priez pour ceux qui vous maltraitent. » (Luc 27s).

Dans son humiliation extrême sur la croix, le Fils de l’homme, et l’humanité qui s’unit à lui par la foi, donne tout et se livre dans une parfaite confiance à Dieu, source de la vie et du bonheur. L’Alliance est rétablie par ce sacrifice entre l’humanité et Dieu, l’amour du Fils qui donne tout répond enfin à l’Amour infini de Dieu.

L’unique sécurité de notre humanité ne réside pas en nous, dans notre fausse richesse et dans nos découvertes scientifiques, mais dans l’amour infini de Dieu. « Dieu est amour » (1 Jn 4, 8.16) répète Jean. Tel est le cœur de notre foi, auquel il faut répondre par notre amour, qui donne tout, jusqu’à notre vie.

Contempler l’amour de Dieu dans son Fils

Cet amour de Dieu, révélé dans son Fils incarné et crucifié, n’est pas un événement isolé dans l’histoire du salut. Ce plan divin s’est déjà manifesté dans les ombres du Premier Testament, qui annonçaient son plein accomplissement en Jésus. Lorsque le peuple élu cheminait péniblement à travers le désert vers la Terre que Dieu lui promettait, la confiance venait à lui manquer et la révolte éclatait contre cette folle aventure et contre le chef mandaté par Dieu, Moïse. En coupant ainsi le lien vital de la foi en Dieu, le peuple se retrouvait démuni devant le mal, qui prenait la forme de serpents venimeux. « Ils mordirent un grand nombre d’Israélites, qui en moururent. » (Nombres 21, 6)

Ce peuple qui s’insurge contre la volonté de Dieu s’inscrit dans la longue lignée de notre humanité, qui se révolte contre le projet de salut que Dieu veut réaliser. Lorsqu’on refuse de faire confiance au Seigneur, on s’isole pour découvrir sa pauvreté et son impuissance. Le peuple prend alors conscience de son péché : « Nous avons péché en vous critiquant, le Seigneur et toi (Moïse) ! », s’écrie le peuple. À la prière de Moïse, Dieu lui ordonne de façonner un serpent de métal et de le fixer sur une perche. Quiconque regardera avec foi le serpent aura la vie sauve. Par ce regard de confiance en Dieu, le canal de vie se rétablit avec la source du salut.

C’est en contemplant avec foi le Christ en croix que nous pouvons accueillir le salut définitif et la vie éternelle. Le Crucifié incarne l’expression parfaite de l’amour de Dieu, qui donne tout. Par ce regard de foi, nous devenons progressivement Celui qui a tout donné par amour. Notre regard transforme alors notre égoïsme en amour.

Jean-Louis D’Aragon SJ

(Français) 2023/09/13 – Lc 6, 20-26

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À l’attention de ses disciples Jésus déclare bienheureux les pauvres, ceux qui ont faim, ceux qui pleurent et ceux qui sont persécutés à cause du Christ. Il déclare malheureux les riches, ceux qui sont repus, ceux qui rient et ceux de qui on dit du bien.

Jésus redescend de la montagne après avoir fait le choix des Douze. Une foule vient à lui dans la plaine pour l’entendre et se faire guérir. Il s’adresse à la foule mais c’est comme si c’était la vision de ses disciples qui l’inspirait.

Au lieu de parler en général, il interpelle directement en répétant: Vous…vous…vous. C’est le ton d’une proclamation. Il y a d’abord quatre béatitudes ou déclarations de situation heureuse suivies de quatre déclarations de situations malheureuses. Ces dernières ne sont pas des malédictions; ce sont plutôt des lamentations qu’on pourrait traduire: Malheureux êtes-vous….

Les trois premières béatitudes ont pour sujets: les pauvres, un thème important dans Luc, ceux qui ont faim et ceux qui pleurent. Les trois oppositions, riches, repus, rieurs, feront l’objet des trois premières déclarations de malheur. Mais la quatrième béatitude, ceux qui sont persécutés à cause du Christ aura pour opposer non pas les persécuteurs mais ceux de qui on (le monde) dit du bien.

Ceux qui sont persécutés sont comparés aux anciens prophètes: ils sont persécutés à cause de leur témoignage que le monde ne peut supporter.

Il faut remarquer que pour la seconde et la troisième béatitude, c’est le futur qui est employé: vous serez rassasiés, et vous rirez. Mais pour la première béatitude, c’est le présent qui est utilisé: le Royaume de Dieu est à vous. Les manifestations complètes du Royaume sont pour le futur mais le Royaume est déjà présent.

La présence du Royaume est un thème important de tout l’évangile de Luc. On l’a vu dans l’évangile de l’enfance avec la répétition des manifestations de l’Esprit et des hymnes de joie et de louange. Durant la vie publique, il y a l’avertissement au sujet de ceux qui annoncent la venue du Royaume pour le futur:

Voici que le Royaume de Dieu est au milieu de vous.    (Luc 17,21)

Reliée à cette présence, on trouve dans Luc l’insistance sur le Aujourd’hui, comme dans l’épisode du publicain Zachée dans son arbre à qui Jésus dit:

Zachée, descend vite, car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi.

A la fin du repas chez Zachée, Jésus déclare:

Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison.         (Luc 19,5-9)

La présence du Royaume, comme le thème de la présence messianique, implique un renversement des valeurs reçues par le monde. On trouvait ce renversement dans le Magnificat de Marie.

Les béatitudes sont donc une proclamation que le Royaume de Dieu est présent, que lui seul apporte la vraie nourriture, la vraie consolation, et qu’en dépit des persécutions il apporte la vraie joie.

Jean Gobeil SJ

(Français) 2023/09/12 – Lc 6, 12-19

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Jésus alla dans la montagne et pria toute la nuit. Le jour venu, il appela ses disciples et en appela douze, et leur donna le nom d’apôtres. Suit la liste des Douze avec pour Judas, la mention, celui qui fut le traître. Avec eux, Jésus descend dans la plaine où il y a beaucoup de ses disciples et une foule de gens venus de partout pour l’entendre et se faire guérir. On cherchait à le toucher parce qu’une force sortait de lui.

Luc mentionne plusieurs fois la prière de Jésus en particulier à l’occasion de moments importants.

Jésus est en prière au moment de la Transfiguration. C’est parce que les disciples ont vu Jésus en prière qu’ils lui demandent de leur montrer à prier et Jésus leur donne la prière du Notre Père. Il y aura encore la prière à Gethsémani et ici, avant le choix des Douze.

La mention que Jésus est sur une montagne, alors qu’il n’y a que des collines autour du lac, évoque Moïse sur le Sinaï où il réunit les douze tribus pour donner naissance au peuple d’Israël, le peuple de Dieu. L’appel de Douze, parmi les disciples, confirme le symbole du peuple choisi par Dieu. Marc souligne l’importance du geste de Jésus en répétant:

Il en institua Douze (Marc 3,14) … il institua donc les Douze (3,16).

Ces disciples représentent donc le nouveau peuple de Dieu qui commence.

Cette institution des Douze sera considérée comme l’initiative et le choix de Jésus; on voudra la respecter le plus longtemps possible. C’est pourquoi, après l’Ascension, on remplacera Judas par Matthias qui avait été un disciple depuis le baptême de Jean jusqu’à l’Ascension, ce qui était la condition nécessaire pour satisfaire l’intention de Jésus telle qu’elle est donnée par Marc: les Douze ont été choisis pour être ses compagnons. Mais à mesure que les témoins de toute la vie publique disparaissent, on ne continue pas cette institution. Ainsi lorsque l’apôtre Jacques, le frère de Jean et fils de Zébédée, est exécuté par Hérode Agrippa entre les années 41 et 44, on ne le remplace pas. Mais ce que représente les symbole des Douze ne disparaîtra pas.

Marc donnait deux raisons d’être de l’institution des Douze:

pour être ses compagnons (être avec lui) et pour les envoyer prêcher (proclamer).

La première est donc de former une communauté avec lui. La seconde est de participer à sa mission et d’annoncer la Bonne Nouvelle avec force.

Les Douze représente la communauté réunie par Jésus. Cette communauté deviendra l’Église, une communauté qui est réalisée par l’Eucharistie. Saint Irénée verra dans les grains de blé ramassés pour faire le pain et dans les raisins dispersés qui sont maintenant unis dans le vin, les symboles de l’unité qui est réalisée dans l’Eucharistie, la koinônia, la communion faite par le don de l’Esprit grâce au Christ, communion qui donne vie à la communauté.

Jean Gobeil SJ

 

 

 

(Français) 2023/09/11 – Lc 6, 6-11

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Un jour de sabbat, Jésus entre dans la synagogue et guérit un homme à la main paralysée, en sachant très bien que les scribes et les pharisiens n’attendaient que cela pour trouver un motif d’accusation contre lui. Luc nous plonge dès le départ dans une situation de tension. La synagogue est comme un champ de bataille où, tout seul, Jésus affronte une armée de légalistes décidés à le confondre. Il aurait très bien pu fixer discrètement un rendez-vous à l’homme handicapé pour le lendemain, et éviter ainsi le conflit, mais il choisit de battre le fer pendant qu’il était encore chaud. La proclamation du royaume se fait dans l’urgence, dans la crise.

.Comme un bon stratège qui sait que la meilleure défense est d’attaquer, c’est Jésus qui engage très habilement les hostilités.  On peut visualiser la scène. Les scribes et les pharisiens en sont encore à briquer leurs armes. Ils répètent intérieurement dans « leurs pensées » (la TOB dit « leurs raisonnements ») l’article précis de la loi qu’ils mobiliseront contre lui s’il ose travailler en guérissant cet homme, transgressant ainsi les prescriptions du sabbat. Jésus les prend par surprise. Il interpelle la personne handicapée, lui demande de se mettre debout, bien en évidence devant l’assemblée.  Il prend cette assemblée à témoin en l’interrogeant : « Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien ou de faire le mal? De sauver une vie ou de la perdre? » Cela signifie : aurai-je tort si je fais du bien en guérissant cet homme? Ces scribes et pharisiens, auront-ils raison de s’en prendre à moi si je pose ce geste?

L’assemblée ne répond pas, mais on devine que ceux qui espéraient mettre Jésus en pièces ont déjà perdu car il n’ira pas seul au front. D’un seul coup, il a recruté des partisans et son camp dispose d’une écrasante supériorité numérique sur celui des experts de la loi. L’assemblée et, forcément, l’homme à la main paralysée, soutiennent Jésus. Fort de cette alliance tacite il ordonne à l’handicapé : « Étends la main ». Ce dernier obéit et sa main redevient normale. Le camp adverse reconnaît sa défaite et n’ose pas contre-attaquer. Toutefois, scribes et pharisiens se disent qu’ils ont perdu une bataille, mais sûrement pas la guerre.

En lisant ce texte, chacun de nous se situe automatiquement dans le bon camp. Nous aussi, nous sommes du côté de Jésus et de l’homme à la main paralysée. Nous jubilons de la déroute de ces scandaleux scribes et pharisiens. Mais, d’y penser deux fois, est-ce si certain, si évident, que nous sommes du bon côté? Un bref examen de conscience sans complaisance révélerait peut-être que, comme les scribes et les pharisiens, nous sommes aussi caractérisés par l’obstination dans la bêtise, l’insensibilité, l’inhumanité et la volonté d’avoir raison à tout prix. Quand le prophète Nathan eût fini de conter à David la petite histoire révoltante d’un exécrable riche qui avait dépouillé un pauvre de sa seule brebis pour la servir au banquet qu’il offrait à un hôte de marque, le roi jura qu’il contraindrait ce méchant riche à dédommager le pauvre spolié au quadruple. Mais David fut stupéfait de s’entendre dire : « Cet homme, c’est toi! » (2 Samuel, 12,7.)

Melchior M’Bonimpa

(Français) 2022/09/10 – Lc 6, 43-49

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Nous sommes tous habitués aux campagnes électorales et aux promesses qui parsèment les discours des candidats. Nous n’y croyons guère, car l’expérience nous a prouvé que ces promesses n’avaient pas le plus souvent de lendemain. Tel est le dédoublement entre le rêve et la réalité. Au fond, c’est l’hypocrisie, la division, l’opposition entre les bonnes paroles et l’action. Nous-mêmes, nous jouons tous à ce jeu hypocrite, avec nos pensées généreuses que notre égoïsme, en pratique, contredit. Combien de « socialistes de salon » avons-nous tous connus!

Conclusion du sermon inaugural

Jésus craint et dénonce l’illusion qu’entretiennent nos résolutions généreuses, mais qui n’ont pas de profondeur. Elles sont superficielles et n’atteignent pas le fond de notre cœur, si elles ne se traduisent pas dans nos actions. Quand nous entretenons simplement des pensées généreuses, sans nous compromettre par le don de nous-mêmes, nous perpétuons l’illusion d’être bons et honnêtes, tout en nous dispensant de nous engager. Jésus nous enseigne la franchise, il nous presse de ne pas nous diviser entre nos pensées généreuses et notre refus de nous engager dans des actions coûteuses. L’égoïsme et la paresse nous empêchent de donner, de nous donner. Le Christ nous exhorte à ne pas contredire nos convictions par notre inaction et notre paresse.

Pour illustrer son enseignement, Jésus recourt d’abord à l’image de l’arbre, dont la valeur se révèle par ses fruits. Notre nature et notre cœur se manifestent dans les fruits concrets que nous produisons. Autrement, nos pensées et nos paroles sont du vent qui passe.

La pratique qui contredit les plus belles pensées enlève toute valeur aux paroles les plus sublimes. Comment peut-on invoquer le Seigneur, en lui tournant le dos en refusant de se convertir, de se tourner vers lui et en refusant de donner aux autres ce que nous avons reçu gratuitement? Si la personne humaine entretient une contradiction entre sa pensée et son action, elle se divise et se détruit. Sa santé et son bonheur dépendent de l’unité qu’elle a réalisée en elle-même. Ses convictions doivent fleurir dans son action, car c’est dans son agir qu’elle se réalise et s’épanouit.

Construire sur le sable est facile, car on n’a pas à travailler avec effort pour creuser dans le roc et d’ériger de solides fondations. Au contraire, la construction sur le roc exige des efforts pénibles pour établir des fondations solides. La réussite de notre vie exige des sacrifices, car le bonheur facile n’existe pas ; il est superficiel et ne résiste pas aux difficultés de l’existence. Pour une durée éternelle, il faut édifier sa vie sur le roc.

Les thèmes majeurs du sermon

Ce sermon inaugural du ministère du Christ contient l’essentiel de l’Évangile. Le message de Jésus est nouveau, car il s’oppose à des points de vue courants dans notre monde. Jésus rappelle quatre contestations que le monde oppose à son enseignement.
1) Le monde enseigne qu’il faut tout faire pour acquérir les richesses, spécialement l’ar¬gent. Le Christ, au contraire, proclame que les bienheureux sont les pauvres, les démunis., car ils sont libres et disponibles pour accueillir leur Seigneur.
2) Le monde nous apprend la prudence, la défiance,… Si on donne à quelqu’un, c’est une marché pour recevoir en retour l’équivalent ou même quelque chose de meilleur. Jésus proclame le bonheur de donner gratuitement, par amour, en imitant Dieu.
3) Le monde mise sur le temps présent, ici-bas. Le Christ nous dévoile la vision de l’au-delà, il suscite l’espérance, qui entraîne le chrétien en avant, dans un progrès constant vers le bonheur final, qui ne passe pas.
4) Le monde cède facilement à la duplicité, à l’hypocrisie, qui divise la personne et la détruit. Le Christ insiste sur l’unité de la personne humaine, qui est la condition essentielle pour conserver et développer sa vie.

Jean-Louis D’Aragon SJ

(Français) 2022/09/09 – Lc 6, 39-42

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Le discours inaugural de Jésus dans Luc 6,26-49 contient l’essentiel de l’Évangile. Luc a centré toute la proclamation du Christ sur la miséricorde, avec l’exhortation qui conclut la première partie du discours (vv. 26-36) et qui, en même temps, introduit la seconde (vv. 37-49). Le passage que nous offre aujourd’hui la liturgie s’éclaire par ce thème de la miséricorde, que “votre Père” vous accorde, pour que vous la répandiez autour de vous.
L’introduction nous dit que Jésus s’adresse une “parabole à ses diciples”, et non pas à la foule incroyante. Jésus reprend plutôt un proverbe: “Un aveugle peut-il guider un autre aveugle?” Pourquoi cet avertissement s’adresse-t-il seulement aux disciples? Ayant bénéficié de la miséricorde de leur Père, ils ont le devoir de combler de cet amour gratuit les personnes qu’ils rencontreront. S’ils refusent de remplir ce devoir de miséricorde, ils deviennent des aveugles qui prétendent guider les gens qui ont besoin de cette lumière de l’amour.
L’être humain a sans cesse besoin d’un maître pour guider sa vie. Il vient au monde nu, complètement pauvre, réclamant que l’on comble ses besoins les plus élémentaires. Ses parents normalement commencent son éducation, puis des professeurs prennent le relais et finalement divers maîtres. Pour ce qui concerne la morale et la spiritualité, ce qui atteint le plus intime et le plus profond de notre personne, on se fie ordinairement à un représentant de Dieu.
Combien de “gourous” interpellent aujourd’hui les gens pour les diriger! Ils affirment que l’Esprit les inspire pour continuer le rôle que des prophètes ont rempli tout au long de l’histoire du peuple de Dieu. En comparaison des vrais prophètes, agissant et parlant au nom du Seigneur, de nombreux faussaires se sont arrogés cette dignité. Aussi les fidèles se sont continuellement posés la question délicate de distinguer les vrais prophètes des imposteurs. Jésus nous a fourni le critère pour les juger: “C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez.” Seul, un enseignant qui manifeste l’amour dans sa personne et dans son enseignement est mandaté par Dieu pour le représenter.

Témoin de la miséricorde

La déclaration de Jésus est une mise en garde. Les docteurs de la loi, à son époque, étaient des aveugles qui conduisaient des aveugles. Que dirait le Christ de nos jours? Combien de messagers nous inondent de tous les côtés. Afin de ne pas “tomber dans un trou”, de ne pas mener notre vie vers un désastre, la prudence clairvoyante s’impose pour peser la valeur de ces “docteurs” d’après le critère du Christ: évaluer les fruits qu’ils produisent.
Le disciple du Christ a le devoir de reproduire la miséricorde de son Maître. Il faut devenir comme le Seigneur et offrir aux autres la miséricorde dont nous avons bénéficié. À titre de disciples, nous devons être comme notre “Maître”, “bien formés” comme lui. La parabole du serviteur qui refuse de remettre la dette de son compagnon illustre clairement l’enseignement de Jésus. Il perd le pardon, qu’il avait reçu gratuitement, parce qu’il a refusé de la transmettre à son compagnon (Mt 18, 21-35).
Les images fortes de “la paille et de la poutre” montrent qu’il est impossible d’être témoin du Christ sans un regard de miséricorde pour tous. Tout disciple vit de la grâce du pardon, qu’il ne peut conserver en lui-même sans qu’elle produise le fruit de la miséricorde. Refuser de pardonner tout en prétendant vivre comme un disciple du Seigneur, c’est entretenir l’illusion de l’hypocrisie, de la contradiction entre ce que l’on est et sa conduite. Pour conserver la vie reçue de Dieu, le disciple doit éviter toute division et refaire l’unité entre son être et son agir.

Jean-Louis D’Aragon SJ

(Français) 2022/09/08 – Mt 1, 1-16.18-23

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Nous fêtons aujourd’hui la Saint Joseph, patron du Canada. Raison pour laquelle, exceptionnellement, l’évangile est précédé par deux autres lectures portant sur la généalogie ou la « descendance » : celle de David, et celle d’Abraham. Mais à vrai dire, l’important est de rattacher Jésus à David, car, dans le cas d’Abraham, sa descendance inclut tous les Juifs et, tous les Arabes qui s’appuient sur le Coran pour revendiquer Ismaël comme ancêtre. Matthieu assigne à Joseph la fonction d’insérer Jésus dans la lignée de David. Dès le début de son évangile, Matthieu s’empare donc du rôle de « bâtisseur de l’Église » que la tradition lui a reconnu en le plaçant en tête des textes canoniques du Nouveau Testament.

En rattachant Jésus à la prodigieuse lignée de David, Matthieu veut dire que Jésus n’a rien à envier aux rois puisqu’il descend du plus grand d’entre eux. Matthieu est aussi le seul à avoir placé dans la bouche de Jésus des paroles qui donnent à Pierre et à ses successeurs une autorité hors du commun. Des paroles qui auront, dans l’histoire du christianisme des conséquences incalculables : « Heureux es-tu Simon, fils de Jonas… je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et la puissance de la mort ne prévaudra pas contre elle. Je te donne les clés du Royaume des cieux; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux » (Mt 16, 17-20).

Mais aujourd’hui, ce n’est pas Pierre que cette annonce de naissance met en vedette, ni même Marie comme dans l’évangile de Luc. Le héros du jour, c’est Joseph. C’est lui qui a un problème épineux à résoudre : une fiancée enceinte alors qu’il ne l’a pas touchée! La loi de Moïse exige qu’il la répudie, mais c’est un homme bon qui ne veut pas jeter l’opprobre sur la pauvre fille, même s’il croit qu’elle l’a trahi. Il décide donc d’obéir à la loi, mais en catimini. Les commentateurs se demandent comment Joseph aurait réussi cet exploit : répudier une fiancée adultère de manière non publique! En fait, il semble que ce n’était pas possible, car il aurait fallu un « certificat » de répudiation. Peut-être que Joseph envisageait simplement de fuir le territoire régi par la loi de Moïse, en s’exilant en Syrie ou en Égypte pour y cacher sa honte et son chagrin.

Je crois que Joseph mérite le titre de « juste » parce qu’il n’a pas pris la solution de la vengeance pourtant avalisée par la loi. Il était prêt à ne pas humilier davantage Marie, qui n’aurait de toutes façons pas échappé à l’ignominie de la condition de « fille-mère » dans cette société et cette époque intolérantes, impitoyables. Mais voilà qu’un rêve change tout. L’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui apprend que l’enfant engendré en Marie vient de l’Esprit. Joseph reçoit même l’ordre de donner à cet enfant le nom de Jésus. Dans ce passage, peu de gens s’arrêtent sur l’importance accordée au rêve. « Joseph se réveilla et fit ce que l’Ange du Seigneur lui avait prescrit. »

On peut avoir l’impression qu’on nage ici en plein merveilleux, et que rares seraient nos contemporains qui se soumettraient à un ordre reçu en songe. Depuis Freud, les rêves sont devenus matière d’interprétation pour les théoriciens de la psychologie, qui n’y cherchent que des choses tordues enfouies dans notre inconscient. Mais voici la révélation surprenante d’un sondage récent : à la question de savoir pourquoi ils sont devenus religieux, presque 40% des membres des congrégations religieuses catholiques en Afrique (qui sont souvent très scolarisés) ont répondu qu’ils ont décidé d’entrer en religion à la suite d’un songe. Et la plupart d’entre eux maintiennent cette décision jusqu’au bout, comme Joseph, époux de la Vierge Marie! Il semble donc que Dieu n’ait pas encore renoncé à utiliser le sommeil comme lieu où il nous fixe rendez-vous, et le rêve comme un moyen de communication efficace.

Melchior MBonimpa

(Français) 2022/09/07 -Lc 6, 20-26

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A l’intention de ses disciples Jésus déclare bienheureux les pauvres, ceux qui ont faim, ceux qui pleurent et ceux qui sont persécutés à cause du Christ. Il déclare malheureux les riches, ceux qui sont repus, ceux qui rient et ceux de qui on dit du bien.

Jésus redescend de la montagne après avoir fait le choix des Douze. Une foule vient à lui dans la plaine pour l’entendre et se faire guérir. Il s’adresse à la foule mais c’est comme si c’était la vision de ses disciples qui l’inspirait.

Au lieu de parler en général, il interpelle directement en répétant: Vous…vous…vous. C’est le ton d’une proclamation. Il y a d’abord quatre béatitudes ou déclarations de situation heureuse suivies de quatre déclarations de situations malheureuses. Ces dernières ne sont pas des malédictions; ce sont plutôt des lamentations qu’on pourrait traduire: Malheureux êtes-vous….

Les trois premières béatitudes ont pour sujets: les pauvres, un thème important dans Luc, ceux qui ont faim et ceux qui pleurent. Les trois oppositions, riches, repus, rieurs, feront l’objet des trois premières déclarations de malheur. Mais la quatrième béatitude, ceux qui sont persécutés à cause du Christ aura pour opposé non pas les persécuteurs mais ceux de qui on (le monde) dit du bien.
Ceux qui sont persécutés sont comparés aux anciens prophètes: ils sont persécutés à cause de leur témoignage que le monde ne peut supporter.

Il faut remarquer que pour la seconde et la troisième béatitude, c’est le futur qui est employé: vous serez rassasiés, et vous rirez. Mais pour la première béatitude, c’est le présent qui est utilisé: le Royaume de Dieu est à vous. Les manifestations complètes du Royaume sont pour le futur mais le Royaume est déjà présent.

La présence du Royaume est un thème important de tout l’évangile de Luc. On l’a vu dans l’évangile de l’enfance avec la répétition des manifestations de l’Esprit et des hymnes de joie et de louange. Durant la vie publique, il y a l’avertissement au sujet de ceux qui annoncent la venue du Royaume pour le futur : Voici que le Royaume de Dieu est au milieu de vous. (Luc 17,21)

Reliée à cette présence, on trouve dans Luc l’insistance sur le Aujourd’hui, comme par exemple dans l’épisode du publicain Zachée dans son arbre à qui Jésus dit:
Zachée, descend vite, car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi. A la fin du repas chez Zachée, Jésus déclare : Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison. (Luc 19,5-9)

La présence du Royaume, comme le thème de la présence messianique, implique un renversement des valeurs reçues par le monde. On trouvait ce renversement dans le Magnificat de Marie.

Les béatitudes sont donc une proclamation que le Royaume de Dieu est présent, que lui seul apporte la vraie nourriture, la vraie consolation, et qu’en dépit des persécutions il apporte la vraie joie.

Jean Gobeil SJ