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2023/08/31 – Mt 24, 42-51

Jésus se compare à un voleur

Le voleur a toujours deux avantages sur le propriétaire qu’il dépouille : la manière de dérober et le moment de son méfait. Voici un exemple inusité. Un couple résidant dans la banlieue de Montréal reçut un jour par la poste deux billets gratuits pour un concert à la Place des Arts. Heureux de cette aubaine, ils passèrent une soirée agréable à écouter la musique symphonique. Mais, à leur retour au foyer, ils constatèrent que leur maison avait été dévalisée. C’était une manière originale des voleurs d’avoir toute liberté pour s’introduire dans cette résidence et pour y dérober ce qu’ils désiraient ! Et que dire des malfaiteurs qui téléphonent à une résidence pour s’assurer que les propriétaires en deuil sont absents, soit au salon mortuaire, soit à l’église !

Comment Jésus peut-il se comparer à un personnage aussi odieux qu’un voleur ? Comment concilier avec l’amour de Dieu cette irruption à l’improviste dans notre existence, dans des circonstances souvent imprévues ? Est-il possible que le Seigneur manifeste son amour pour nous en agissant d’une manière aussi déconcertante ?

Deux attitudes face à l’avenir

Nous sommes inquiets quand nous pensons à notre avenir, surtout lorsqu’il s’agit du dernier instant de notre vie. Nous avons bien peu d’emprise sur ce qui nous arrivera dans le futur. Une première manière d’y faire face et de désamorcer notre inquiétude consiste à essayer de percer ce mystère et de planifier notre avenir. Depuis de nombreux siècles, on a tenté de connaître l’avenir au moyen de la divination, de la magie, des astres… On veut tellement savoir qu’on croit naïvement celui ou celle qui prétend lire l’avenir dans le jeu de cartes, les feuilles de thé, les signes du zodiaque, …  On essaie de prendre en main son avenir, d’avoir une mainmise sur le lendemain et de recourir aux moyens appropriés.

À l’opposé, celui qui a la foi place sa confiance non en lui-même et dans ses propres moyens, mais dans la bonté de Dieu. Par la foi, il vit dans une Alliance d’amour avec son Seigneur. La foi et l’amour ne peuvent exister chez le chrétien sans la confiance, qui l’incline à ne pas se replier sur lui–même, mais de remettre sa vie et sa personne entre les mains de Celui qu’il aime. Savoir longtemps à l’avance le moment de sa mort ne serait plus dans l’ordre de la foi et de la confiance, mais dans celui de la prévoyance humaine.

Être toujours prêt !

De nos jours, la majorité des gens vivent noyés dans le moment présent. Les plus jeunes veulent tout, dans l’instant présent. L’avenir ? On n’y pense pas et, surtout, on essaie d’oublier la fin de son existence. On sait qu’un jour on mourra, mais il vaut mieux ne pas y penser et vivre dans le moment présent.

Quand on essaie de ne jamais penser à la fin qui pourrait survenir à n’importe quel moment, on vit dans une fausse sécurité. La routine et la monotonie s’installent. Aussi Jésus nous prévient qu’il faut veiller, c’est-à-dire être toujours en alerte, sur le qui-vive. Ce stimulant nous protège contre l’ennui et la grisaille de l’existence. Un artiste pratique son art chaque jour afin d’être toujours prêt pour une compétition ou pour un concert.

Dieu a donné à chaque personne une personnalité, un ensemble de qualités pour remplir ses responsabilités dans le monde. Chacun(e) doit être le serviteur persévérant et avisé, qui accomplit fidèlement sa mission.

Une parabole

Dans une leçon de pédagogie, on imagine trois démons comparaissant devant leur maître, « Le Prince de ce monde. » Celui-ci demande à chacun sa tactique pour corrompre et perdre les humains. Le premier dit qu’il voudrait les convaincre que Dieu n’existe pas et qu’ils sont libres de tout faire. Mais Lucifer rejeta cette tactique : « Voyons ! Les hommes regardent la nature et le ciel, puis ils demandent ‘Qui a fait tout cela ?’ Le second proposa de répéter au monde que l’enfer n’existe pas et que les gens n’ont rien à craindre. Nouvelle tactique rejetée : « L’enfer existe déjà sur la terre. Des gens le disent eux-mêmes : ‘Je vis un enfer!’ » Le troisième s’avance avec son programme : « Je vais leur répéter de ne pas se préoccuper, qu’ils ont tout le temps. » « Voilà la bonne tactique ! » s’écria Satan. « Les gens vont se dire : « Demain, plus tard ! Pourquoi changer, pourquoi faire un effort pour se convertir ? J’ai tout le temps. »

Jean-Louis D’Aragon SJ

2023/08/30 – Mt 23, 27-32

Le texte comprend les deux dernières du groupe de sept invectives contre les scribes et les Pharisiens. La sixième compare les scribes et les Pharisiens à des sépulcres dont l’extérieur paraît pur mais dont l’intérieur contient des restes impurs. La septième les accuse de vénérer les prophètes que leurs pères ont tués mais de faire comme eux vis-à-vis des prophètes du présent.

Dans le verset qui suit notre texte on peut voir pourquoi Matthieu a rassemblé ces sept textes virulents.

J’envoie vers vous des prophètes, des sages et des scribes (les missionnaires chrétiens): vous en tuerez et mettrez en croix, vous en flagellerez dans vos synagogues….

C’est au moins une image de ce que vit la communauté de Matthieu et on peut comprendre l’accumulation de textes virulents contre les autorités juives.

Mais il y a aussi dans les paroles de Jésus quelque chose de la force des textes prophétiques quand il s’agissait de rappeler des choses essentielles.

Amos était violent quand il attaquait un culte purement extérieur: il appelait les sanctuaires, des sources de péchés:

Allez à Béthel et péchez. A Gilgal et péchez de plus belle. (Amos 4,4)

Il démolissait la liturgie : Je hais, je méprise vos fêtes

Écarte de moi le bruit de tes cantiques. (Amos 5,21)

De même pour Osée: des gestes extérieurs ne servent à rien sans la religion du coeur.

Car, c’est l’amour qui me plaît et non les sacrifices, la connaissance de Dieu plutôt que les holocaustes. (Osée 6,6)

Jésus, à son tour, attaque donc les formes extérieures de la religion qui font oublier l’essentiel, comme lorsqu’il dit que les Pharisiens purifient l’extérieur de la coupe et oublient de purifier l’intérieur.

Mais ces formes de parler ne sont pas seulement pour les Pharisiens. C’est pour les disciples qu’il a dit dans le sermon sur la montagne:

Quand tu présentes ton offrande à l’autel, si tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère. (Matthieu 5,23-24)

Ces paroles demeurent donc des sujets de réflexion pour quiconque se veut disciple du Christ.

Jean Gobeil SJ

2023/08/29 – Mc 6, 17-29

Hérode Antipas, fils d’Hérode le Grand et tétrarque de Galilée, a fait arrêter Jean Baptiste qui dénonçait son second mariage avec Hérodiade, petite-fille d’Hérode le Grand et première épouse de son demi-frère Hérode Philippe. Hérode considérait Jean Baptiste comme un homme juste et saint et le protégeait probablement de la haine d’Hérodiade. Au cours d’un banquet, la fille d’Hérodiade dansa et plut tellement à Antipas qu’il lui promit de lui donner n’importe quoi. Sur la suggestion de sa mère, elle demanda la tête de Jean Baptiste qui lui fut apportée et qu’elle remit à sa mère. Les disciples de Jean Baptiste se chargèrent de sa sépulture.

Juste auparavant, Marc a dit que le nom de Jésus était devenu célèbre, peut-être surtout à cause de ses miracles, et même Hérode Antipas en entendait parler. Il semble avoir été inquiet; il pensait que la source de son pouvoir provenait de ce qu’il était Jean Baptiste ressuscité.  D’autres pensaient qu’il était Elie, qui devait revenir. D’autres croyaient qu’il était un des anciens prophètes. Comme il n’y avait pas eu de prophètes depuis longtemps, il y avait une attente de ce prophète, promis par Moïse, qui annoncerait une intervention définitive de Dieu pour sauver son peuple.

C’est à l’occasion de ces remarques et de la mention d’Hérode que Marc est amené à faire un retour en arrière pour raconter l’arrestation et l’exécution de Jean Baptiste. Marc laisse entendre que c’est ainsi qu’un prophète est traité et Jésus, plus tard questionné sur Elie, dira : Je vous le dis, Elie est déjà venu et ils ne l’ont pas reconnu mais l’ont traité à leur guise…   Alors ses disciples comprirent que ces paroles visaient Jean le Baptiste.       (Mt.17,12-13)

 Finalement, le long récit de Marc sur le prophète qui a été arrêté, emprisonné, exécuté et enseveli par ses amis, est l’image du vrai prophète qu’est Jésus qui voyait là une figure de sa mort : …ils l’ont traité à leur guise. De même, le Fils de l’homme aura aussi à souffrir d’eux. (Mt.17,12)

Jean Gobeil SJ 

 

 

 

 

 

2023/08/28 – Mt 23, 13-22

Nous avons les trois premières invectives, ou révélations du mal, d’un groupement de sept fait par Matthieu. La première est contre les scribes et les Pharisiens qui sont des experts de la Loi et des observateurs strictes qui gardent l’entrée dans le Royaume des cieux pour en exclure ceux qui voudraient y entrer. La seconde, encore contre les scribes et les Pharisiens, vise ceux qui, profitant de l’expansion des Juifs à travers l’empire, donnent comme conversion le modèle de ce qu’ils sont. La troisième apostrophe donne des exemples de ce modèle en exposant les subtilités de la hiérarchie des serments, serments que Jésus a déjà interdits dans le sermon sur la montagne.

Jésus a chassé du temple les vendeurs et les changeurs d’argent. C’était un geste prophétique de purification du culte. Les dénonciations, les Malheureux êtes-vous, veulent débarrasser la religion de ce qui en obscurcit le coeur. Les pratiques et les exigences des Pharisiens font perdre de vue ce qui est essentiel; c’est pour cela que Jésus parle d’aveugles conduisant des aveugles.

.Les Juifs avaient leur synagogue et parfois plus qu’une dans les villes de l’empire. Leur religion d’un Dieu unique attirait l’attention et la sympathie de beaucoup de gens. Mais les Juifs du parti des Pharisiens exerçaient une surveillance sérieuse des observances de la Loi telle qu’il la voyait. On a vu Paul, avant sa conversion, partir de Jérusalem pour aller faire des arrestations des disciples de Jésus à Damas (on ne les appelle pas encore Chrétiens). Le cas n’est pas exceptionnel: on connaît par l’histoire le cas d’un Juif qui avait parlé contre le Temple et s’était réfugié au Caire. Des gens de Jérusalem allèrent l’arrêter au Caire pour le ramener à Jérusalem et le faire exécuter. On trouve des exemples de surveillance parmi les premiers Judéo-chrétiens. Pierre est questionné par des gens de la communauté de Jérusalem, non pas parce qu’il a baptisé Corneille, le centurion romain, mais parce qu’il a mangé chez lui! D’autres Judéo-chrétiens de Jérusalem, probablement des Pharisiens convertis (du parti de Jacques), iront à Antioche de Syrie pour exiger que les païens convertis soient circoncis. Ce sont probablement les mêmes qui un peu plus tard à Antioche voudront que les Juifs convertis mangent séparément des païens convertis.

Matthieu est peut-être conscient de ce danger qui menace toute communauté et qui peut faire, qu’au nom d’exigences bien intentionnées, on obscurcisse ce qui est essentiel: les arbres peuvent cacher la forêt !

Jean Gobeil SJ

2022/08/27 – Mt 25, 14-30

Combien de personnes à la retraite perdent tout goût à la vie. Elles ne manquent pas pourtant pas de ressources financières pour assurer leur bien-être. Elles sont entourées d’attention et d’affection. Elles semblent avoir tout, mais il leur manque l’essentiel. Elles dépérissent parce qu’elles n’ont plus d’objectif, elles se sentent inutiles.

C’est la leçon que Jésus veut nous enseigner dans cette parabole des talents. Le Créateur nous a associés à son œuvre de vie, pour que nous la répandions de toutes les manières autour de nous. Il a voulu que la vocation de tout être humain soit de rendre les autres heureux pour obtenir soi-même le bonheur. On ne peut être heureux tout seul. Nous sommes tous solidaires dans le bonheur et dans le malheur.

Cette parabole continue l’exhortation insistante de veiller, en attendant la venue du Seigneur. De nouveau, Jésus nous dit de veiller, non dans la passivité comme les jeunes filles qui dorment, mais d’une manière active. L’action valorise la personne humaine, tandis que la paresse rend insignifiant. L’être humain est créé pour produire. C’est dans notre nature.

Ce Maître, extrêmement riche, prête à chacun de ses serviteurs une somme énorme d’argent, qui symbolise sa générosité et la dignité de tout être humain. Le Créateur est avisé et sage : il prête « à chacun selon ses capacités. » Le Créateur a donné à chaque personne une vocation particulière, un charisme, avec des qualités spéciales. Après cette distribution de ses biens, le Maître leur fait confiance, il ne les surveille pas, il s’en va au loin. Il ne leur dit même pas comment faire fructifier les biens qu’il leur prête. Il traite ses serviteurs comme des partenaires libres et responsables, non comme des esclaves. Telle est la merveilleuse liberté que Dieu accorde à chacun de nous !

Les deux premiers serviteurs s’activent et accumulent des bénéfices. Lorsqu’ils rendent compte de leur gestion, leur Maître les traite de la même manière : ils reçoivent la même récompense, même si les résultats de leurs activités sont différents : « Tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup. » L’accent ne porte pas sur les résultats obtenus, mais sur l’attitude de ces serviteurs, sur l’énergie qu’ils ont déployée. Ils sont de « bons et fidèles serviteurs ». Cette fidélité des deux premiers s’oppose à la conduite du troisième serviteur, « mauvais et paresseux. »

L’attention de la parabole porte sur ce dernier serviteur. Tout d’abord, comment se représente-t-il son Maître ? Il le voit dur et exigeant. Ce serviteur n’a pas confiance en son Maître, il en a peur. Aussi il ne prend aucun risque, il ne fait que conserver d’une manière paresseuse le bien confié. Mais, à la fin, il perd même ce qu’il pensait conserver. Dans notre condition humaine, la paresse fait perdre même ce qu’on pense posséder. Bien plus, au lieu de reconnaître sa responsabilité, le mauvais serviteur renvoie le blâme sur son Maître, qu’il accuse d’être « dur et de moissonner là il n’a pas semé. » Il rappelle son ancêtre Adam, qui accuse Dieu de lui avoir donné la femme qui l’a tenté.

À l’origine, Jésus visait les pharisiens et les docteurs de la Loi. Par suite de leur nationalisme étroit et de leur exclusivisme rigide, ils ont conservé pour eux-mêmes le trésor de la Loi et de la révélation. Ils n’en ont pas fait bénéficier Israël et encore moins les nations païennes. Le moment est proche où Dieu leur demandera compte de leur conservatisme stérile.

L’absence du Maître de la parabole désigne la période de l’Église entre l’Ascension et le retour glorieux du Seigneur. L’Église a reçu le ferment du salut, l’Évangile, pour l’offrir au monde autour d’elle. Elle doit porter du fruit, sous peine d’être infidèle au mandat reçu du Christ. À travers l’histoire, l’Église a trop souvent cédé à la tentation de garder pour elle le dépôt que lui avait confié le Christ. Elle a cédé à cette tentation chaque fois qu’elle a paniqué face à de nouvelles idées, cultures ou hérésies. Elle a cédé à la tentation de condamner rapidement ce qui menaçait ses routines, pour se rabattre sur des positions traditionnelles. Elle a enterré l’Évangile, au lieu de le proposer audacieusement au monde.

Aujourd’hui, combien de chrétiens refusent d’affronter le monde moderne : la mondialisation, les disparités nationales et sociales, l’écart entre les générations, … Ils préfèrent réduire la religion chrétienne à de grandioses célébrations, en se protégeant de tout contact avec le monde. Le Créateur nous a gratifié de dons divers : la vie, la liberté, l’intelligence, l’identité de chacun, … A-t-on utilisé ce capital seulement pour nous-mêmes, d’une manière égoïste, l’enterrant comme le mauvais serviteur de la parabole ? Les saints et les saintes de tous les temps ont sacrifié leur sécurité pour se lancer dans des aventures qui ont produit des fruits miraculeux

On perd ce que qu’on ne fait pas fructifier. « Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix. », déclare le Maître. Une foi chrétienne qui n’aspire pas à conquérir se condamne à l’anémie. C’est seulement en risquant pour le Christ que notre foi devient vivante en nous. Alors le Seigneur reconnaît et récompense cette foi vivante : « Entre dans la joie de ton Maître ! »

Jean-Louis D’Aragon SJ

2022/08/26 – Mt 25, 1-13

Nous savons tous que les événements majeurs de notre vie se préparent, parfois longtemps à l’avance. Par exemple, on n’improvise pas une cérémonie de mariage. Même pour un examen de fin d’année à l’université, on ne se présente pas sans avoir étudié de longues heures. Un sportif s’entraîne durant de nombreux mois en vue d’une compétition.

Quand il s’agit de notre rencontre avec le Christ, notre Seigneur, nous devons lui consacrer une préparation qui dure toute notre vie. C’est notre pèlerinage toujours orienté vers le but de notre existence terrestre. À notre mort, nous ferons le bilan de notre vie. Un tel compte rendu, global et final, exige que notre vie tende sans cesse vers cet instant suprême.  Tel est le thème central de la parabole des deux groupes de jeunes filles, que Jésus nous présente.

Si on envisage cette rencontre comme celle d’un accusé devant son juge, qui connaît les moindres détails et toutes les fautes de notre existence, nous pouvons avoir peur. Mais ce juge apparaît ici comme l’époux, uni dans l’amour par son Alliance à chacun des membres de son peuple. Son amour transfigure toute cette scène, qui pourrait nous terrifier. Comme disait Mgr de Ségur, « Je préfère être jugé par le Seigneur Jésus que par ma propre mère. » Nous savons pourtant que la personne la plus indulgente à notre égard, c’est notre mère.

Il est éclairant de connaître les coutumes orientales pour comprendre les détails de cette parabole. Les coutumes d’un village palestinien sont les mêmes encore aujourd’hui et on ne peut s’en exempter.

Dans un premier temps, le fiancé se rend à la maison du père de sa fiancée pour amener celle-ci chez lui. Le délai, pendant lequel les jeunes filles s’endorment, dépend des longues discussions entre les deux familles à propos des cadeaux et de la dot. En effet, on discute très longtemps, une nuit, un autre jour, …  Soudain un messager crie que le fiancé s’en vient.

Les jeunes filles ont pour fonction d’éclairer le cortège quand le fiancé, avec ses amis, vient prendre la fiancée. Il faut de l’huile d’olive pour renouveler le feu des torches à tous les quarts d’heure, durant le trajet et durant les festivités chez le marié. Tout le village est en éveil ; même les marchands gardent leurs magasins ouverts.

L’époux représente naturellement le Seigneur Jésus. Il vient à notre rencontre, à la fin de notre pèlerinage sur terre, pour la fête des noces. Cette image de l’époux et de l’épouse reprend le thème de l’Ancien Testament, surtout chez le prophète Osée, qui considère l’Alliance de Dieu, uni intimement à son peuple par le lien du mariage. Avec la révélation du Christ, Dieu se rend visible dans son Fils, qui devient l’époux parmi nous. L’amour de Dieu s’abaisse à notre niveau humain pour nous prouver sa bonté et pour solliciter notre réponse ! Une telle rencontre matrimoniale ne s’improvise pas. Elle sera d’autant plus éblouissante qu’elle sera au terme d’une vigilance constante et intense.

Pourquoi notre société se concerte-t-elle pour nous distraire de cette rencontre et même pour nous éviter d’y penser ? Devant la mort inéluctable d’un proche, on cache souvent tous les signes qui nous interpellent et qui nous annoncent notre propre mort. On fait disparaître au plus tôt le cadavre, on délaisse toute cérémonie funéraire, on évite le cimetière pour s’en tenir à une niche dans un columbarium.

Certaines valeurs, représentées par l’huile, ne peuvent s’emprunter, car elles sont personnelles, adhérant à chaque personne en vertu de son expérience vécue. On ne peut emprunter des connaissances intellectuelles ou des vertus spirituelles, tout spécialement l’amour et la communion avec le Seigneur Jésus.  Ces valeurs ne sont pas de l’ordre du commerce, elles ne s’empruntent pas, elles ne s’échangent pas, elles ne s’achètent pas. Elles sont personnelles !

Jean-Louis D’Aragon SJ

 

2022/08/24 – Jn 1, 45-51

Philippe qui a été appelé directement par Jésus annonce à Nathanaël qu’on a découvert celui qui était promis par Moïse et les prophètes : c’est Jésus de Nazareth. La référence à Nazareth suscite le doute chez Nathanaël. Philippe répond : Viens et tu verras. Jésus l’accueille comme un véritable fils d’Israël, qu’il dit avoir vu quand il était assis sous le figuier, ce qui est une référence à quelque chose de bien précis dans la vie de Nathanaël. Celui-ci donne alors trois titres à Jésus: Rabbi, Fils de Dieu, roi d’Israël. Mais Jésus lui dit qu’il verra bien plus. Il verra quelque chose de la gloire de Jésus: les cieux ouverts et des anges qui montent et descendent au-dessus du Fils de l’homme.

Dans Jean, Nathanaël semble bien un des douze. Il est peut-être celui que la liste des synoptiques appellent Barthélemy. Jean Baptiste a dirigé deux de ses disciples, André et un autre, vers Jésus. André à son tour a été l’intermédiaire pour amener son frère Simon à Jésus qui lui a donné le surnom de Céphas (Pierre). Philippe aussi est un intermédiaire pour amener Nathanaël. Mais il faut plus que ce que déclare un intermédiaire pour faire un disciple. Il faut le contact personnel. Philippe emploie la même phrase que Jésus pour André: Viens et tu verras.

Jésus semble avoir déjà une connaissance intime de ces disciples. La mention du figuier où Nathanaël était assis, une expression employée dans les textes rabbiniques pour indiquer l’étude de la Loi, peut vouloir dire que Nathanaël méditait les Écritures. Jésus le qualifie de véritable fils d’Israël ce qui peut vouloir dire qu’il cherchait des réponses dans les paroles de Dieu. De toute façon, Nathanaël se sent  connu profondément par Jésus et fait un acte de foi.

Il lui donne d’abord un titre de respect: Rabbi, Maître. Ensuite il le déclare Fils de Dieu et roi d’Israël.  Fils de Dieu n’est pas encore une reconnaissance de la divinité; c’était un titre messianique pour qualifier l’envoyé de Dieu. Roi d’Israël est évidemment un titre messianique.

Jésus lui promet qu’il verra les cieux ouverts et des anges qui montent et descendent au-dessus du Fils de l’homme. Il s’agit de voir quelque chose de la gloire de Jésus. La description rappelle la vision de Jacob en rêve, une des plus puissantes visions de l’Ancien Testament. Jacob voit les cieux ouverts  et une échelle qui relie le ciel à la terre sur laquelle des anges montent et descendent. C’est voir le ciel communiquer avec la terre et la terre communiquer avec le ciel. (Genèse 28,12) On peut voir dans cette parole de Jésus, qu’il est celui qui rend Dieu présent parmi nous et celui qui réunit l’humanité avec Dieu: c’est là sa gloire.

Jean Gobeil SJ 

2022/08/23 – Mt 23, 23-26

Le texte comprend la quatrième et la cinquième d’un groupe de sept invectives contre les scribes et les Pharisiens. La quatrième parle de leur souci de la dîme pour des plantes insignifiantes et de leur négligence de la justice, la miséricorde et la bonne foi. La cinquième vise la demande de purification de l’extérieur de la coupe et de l’écuelle et de leur oubli de la purification intérieure de la rapine et de l’intempérance.

La loi de Moïse parlait de la dîme des produits de la terre, ce qui se comprend d’abord comme une dîme sur les récoltes. Les Pharisiens poussent les applications de la loi jusqu’à des détails comme des herbes qui servent d’assaisonnement. La demande de Dieu à Israël d’être un peuple saint a été détaillée dans des règles de pureté rituelle qui sont devenues plus intéressées aux performances qu’à Dieu. On ne parle pas seulement de ce que doit contenir un vase (un vase destiné aux produits laitiers devient impur si on y met de la viande) mais encore de l’extérieur du vase qui devient impur s’il a été touché par un païen: si le vase n’est pas en pierre, il ne peut pas être purifié et il faut simplement le fracasser.

Dans le verset qui suit les invectives, on peut voir pourquoi Matthieu a rassemblé ces textes violents.

J’envoie vers vous des prophètes, des sages et des scribes (les missionnaires chrétiens): vous en tuerez et mettrez en croix, vous en flagellerez dans vos synagogues

C’est au moins une image de ce que vit la communauté de Matthieu et on peut comprendre l’accumulation de textes virulents contre les autorités juives. Mais il y a aussi dans les paroles de Jésus quelque chose de la force des textes prophétiques quand il s’agissait de rappeler des choses essentielles. Amos était violent quand il attaquait un culte purement extérieur: il appelait les sanctuaires, des sources de péchés : Allez à Béthel et péchez. A Gilgal et péchez de plus belle.   (Amos 4,4)

De même pour Osée : des gestes extérieurs ne servent à rien sans la religion du coeur : Car, c’est l’amour qui me plaît et non les sacrifices, la connaissance de Dieu plutôt que les holocaustes. (Osée 6,6)

Jésus, à son tour, attaque donc les formes extérieures de la religion qui font oublier l’essentiel, comme lorsqu’il dit que les Pharisiens purifient l’extérieur de la coupe et oublient de purifier leur propre intérieur.

Mais ces manières de parler ne sont pas seulement pour les Pharisiens. C’est pour les disciples qu’il a dit dans le Sermon sur la montagne : Quand tu présentes ton offrande à l’autel, si tu te souviens que ton frère a quelque chose, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère. (Matthieu 5,23-24) Ces paroles demeurent donc des sujets de réflexion pour quiconque se veut disciple du Christ.

Jean Gobeil SJ

 

 

 

 

 

2022/08/22 – Mt 23, 13-22

Nous avons les trois premières invectives, ou révélations du mal, d’un groupement de sept fait par Matthieu. La première est contre les scribes et les Pharisiens qui sont des experts de la Loi et des observateurs strictes qui gardent l’entrée dans le Royaume des cieux pour en exclure ceux qui voudraient y entrer. La seconde, encore contre les scribes et les Pharisiens, vise ceux qui, profitant de l’expansion des Juifs à travers l’empire, donnent comme conversion le modèle de ce qu’ils sont. La troisième apostrophe donne des exemples de ce modèle en exposant les subtilités de la hiérarchie des serments, serments que Jésus a déjà interdits dans le sermon sur la montagne.

Jésus a chassé du temple les vendeurs et les changeurs d’argent. C’était un geste prophétique de purification du culte. Les dénonciations, les Malheureux êtes-vous, veulent débarrasser la religion de ce qui en obscurcit le coeur. Les pratiques et les exigences des Pharisiens font perdre de vue ce qui est essentiel; c’est pour cela que Jésus parle d’aveugles conduisant des aveugles.

Les Juifs avaient leur synagogue et parfois plus qu’une dans les villes de l’empire. Leur religion d’un Dieu unique attirait l’attention et la sympathie de beaucoup de gens. Mais les Juifs du parti des Pharisiens exerçaient une surveillance sérieuse des observances de la Loi telle qu’il la voyait. On a vu Paul, avant sa conversion, partir de Jérusalem pour aller faire des arrestations des disciples de Jésus à Damas (on ne les appelle pas encore Chrétiens). Le cas n’est pas exceptionnel: on connaît par l’histoire le cas d’un Juif qui avait parlé contre le Temple et s’était réfugié au Caire. Des gens de Jérusalem allèrent l’arrêter au Caire pour le ramener à Jérusalem et le faire exécuter. On trouve des exemples de surveillance parmi les premiers Judéo-chrétiens. Pierre est questionné par des gens de la communauté de Jérusalem, non pas parce qu’il a baptisé Corneille, le centurion romain, mais parce qu’il a mangé chez lui! D’autres Judéo-chrétiens de Jérusalem, probablement des Pharisiens convertis (du parti de Jacques), iront à Antioche de Syrie pour exiger que les païens convertis soient circoncis. Ce sont probablement les mêmes qui un peu plus tard à Antioche voudront que les Juifs convertis mangent séparément des païens convertis.

Matthieu est peut-être conscient de ce danger qui menace toute communauté et qui peut faire, qu’au nom d’exigences bien intentionnées, on obscurcisse ce qui est essentiel: les arbres peuvent cacher la forêt !

Jean Gobeil SJ

2021/08/28 – Mt 25, 14-30

Combien de personnes à la retraite perdent tout goût à la vie. Elles ne manquent pas pourtant pas de ressources financières pour assurer leur bien-être. Elles sont entourées d’attention et d’affection. Elles semblent avoir tout, mais il leur manque l’essentiel. Elles dépérissent parce qu’elles n’ont plus d’objectif, elles se sentent inutiles.

C’est la leçon que Jésus veut nous enseigner dans cette parabole des talents. Le Créateur nous a associés à son œuvre de vie, pour que nous la répandions de toutes les manières autour de nous. Il a voulu que la vocation de tout être humain soit de rendre les autres heureux pour obtenir soi-même le bonheur. On ne peut être heureux tout seul. Nous sommes tous solidaires dans le bonheur et dans le malheur.

Cette parabole continue l’exhortation insistante de veiller, en attendant la venue du Seigneur. De nouveau, Jésus nous dit de veiller, non dans la passivité comme les jeunes filles qui dorment, mais d’une manière active. L’action valorise la personne humaine, tandis que la paresse rend insignifiant. L’être humain est créé pour produire. C’est dans notre nature.

Le Maître et ses trois serviteurs

Ce Maître, extrêmement riche, prête à chacun de ses serviteurs une somme énorme d’argent, qui symbolise sa générosité et la dignité de tout être humain. Le Créateur est avisé et sage : il prête « à chacun selon ses capacités. » Le Créateur a donné à chaque personne une vocation particulière, un charisme, avec des qualités spéciales. Après cette distribution de ses biens, le Maître leur fait confiance, il ne les surveille pas, il s’en va au loin. Il ne leur dit même pas comment faire fructifier les biens qu’il leur prête. Il traite ses serviteurs comme des partenaires libres et responsables, non comme des esclaves. Telle est la merveilleuse liberté que Dieu accorde à chacun de nous !

Les deux premiers serviteurs s’activent et accumulent des bénéfices. Lorsqu’ils rendent compte de leur gestion, leur Maître les traite de la même manière : ils reçoivent la même récompense, même si les résultats de leurs activités sont différents : « Tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup. » L’accent ne porte pas sur les résultats obtenus, mais sur l’attitude de ces serviteurs, sur l’énergie qu’ils ont déployée. Ils sont de « bons et fidèles serviteurs ». Cette fidélité des deux premiers s’oppose à la conduite du troisième serviteur, « mauvais et paresseux. »

L’attention de la parabole porte sur ce dernier serviteur. Tout d’abord, comment se représente-t-il son Maître ? Il le voit dur et exigeant. Ce serviteur n’a pas confiance en son Maître, il en a peur. Aussi il ne prend aucun risque, il ne fait que conserver d’une manière paresseuse le bien confié. Mais, à la fin, il perd même ce qu’il pensait conserver. Dans notre condition humaine, la paresse fait perdre même ce qu’on pense posséder. Bien plus, au lieu de reconnaître sa responsabilité, le mauvais serviteur renvoie le blâme sur son Maître, qu’il accuse d’être « dur et de moissonner là il n’a pas semé. » Il rappelle son ancêtre Adam, qui accuse Dieu de lui avoir donné la femme qui l’a tenté.

Divers sens de cette parabole

À l’origine, Jésus visait les pharisiens et les docteurs de la Loi. Par suite de leur nationalisme étroit et de leur exclusivisme rigide, ils ont conservé pour eux-mêmes le trésor de la Loi et de la révélation. Ils n’en ont pas fait bénéficier Israël et encore moins les nations païennes. Le moment est proche où Dieu leur demandera compte de leur conservatisme stérile.

L’absence du Maître de la parabole désigne la période de l’Église entre l’Ascension et le retour glorieux du Seigneur. L’Église a reçu le ferment du salut, l’Évangile, pour l’offrir au monde autour d’elle. Elle doit porter du fruit, sous peine d’être infidèle au mandat reçu du Christ. À travers l’histoire, l’Église a trop souvent cédé à la tentation de garder pour elle le dépôt que lui avait confié le Christ. Elle a cédé à cette tentation chaque fois qu’elle a paniqué face à de nouvelles idées, cultures ou hérésies. Elle a cédé à la tentation de condamner rapidement ce qui menaçait ses routines, pour se rabattre sur des positions traditionnelles. Elle a enterré l’Évangile, au lieu de le proposer audacieusement au monde.

Aujourd’hui, combien de chrétiens refusent d’affronter le monde moderne : la mondialisation, les disparités nationales et sociales, l’écart entre les générations, … Ils préfèrent réduire la religion chrétienne à de grandioses célébrations, en se protégeant de tout contact avec le monde. Le Créateur nous a gratifié de dons divers : la vie, la liberté, l’intelligence, l’identité de chacun, … A-t-on utilisé ce capital seulement pour nous-mêmes, d’une manière égoïste, l’enterrant comme le mauvais serviteur de la parabole ? Les saints et les saintes de tous les temps ont sacrifié leur sécurité pour se lancer dans des aventures qui ont produit des fruits miraculeux

On perd ce que qu’on ne fait pas fructifier. « Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix. », déclare le Maître. Une foi chrétienne qui n’aspire pas à conquérir se condamne à l’anémie. C’est seulement en risquant pour le Christ que notre foi devient vivante en nous. Alors le Seigneur reconnaît et récompense cette foi vivante : « Entre dans la joie de ton Maître ! »

Jean-Louis D’Aragon SJ