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(Français) 2022/08/06 – Lc 9, 28b-36

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Cette fois, c’est le texte de la transfiguration que l’Église nous propose en guise d’évangile du jour. On ne saura jamais ce qui s’est réellement passé, sur une montagne non spécifiée, où Jésus se rendit en compagnie de Pierre, Jean et Jacques, car, bien évidemment, le récit de la transfiguration n’est pas un récit « historique » dans le sens contemporain du terme, ni un reportage journalistique. Mais selon moi, cela ne signifie pas que  le texte soit complètement fictif ou symbolique. Je ne suis pas suffisamment armé pour dire avec précision ce qui, dans ce texte, constituerait le noyau historique, la pépite d’or cachée dans la gangue du « merveilleux ». À vrai dire, l’exploit d’isoler du texte les élément probablement historiques ne m’intéresse que modérément.

Je parie pourtant qu’il s’est passé quelque chose sur cette montagne mystérieuse. La première lecture (Deuxième lettre de Saint Pierre) en parle  dans les mêmes termes que l’évangile. Dans les deux cas, Jésus apparaît en pleine « gloire » et une voix venue du ciel témoigne de sa grandeur : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en lui j’ai mis tout mon amour. » Ce n’est pas tellement  l’événement « épiphanique » qui retient mon attention, mais ce qui l’a provoqué : la prière de Jésus. Ce dernier n’est sûrement pas monté sur la montagne en sachant d’avance ce qui allait se produire, et il ne s’est pas fait accompagner par Pierre, Jean et Jacques pour les épater. Peut-être voulait-il simplement que ces derniers apprennent à « prier comme si tout dépendait de Dieu tout en travaillant comme si tout dépendait de nous » (pour paraphraser la devise spirituelle qu’Ignace de Loyola légua à ses fils). Mais sur ce point Jésus échoue : pendant qu’il prie, ses trois disciples sont « accablés de sommeil », exactement comme plus tard, à Gethsémani, le jour où il fut arrêté : là aussi, ils dormaient pendant qu’il affrontait dans la prière la suprême angoisse.

Je ne jetterai pas la pierre à ces disciples mous, incapables de veiller. Ils me rappellent de nombreuses situations où moi aussi, j’ai ronflé à l’heure de la prière. Car, la plupart du temps, la prière est une épreuve. Elle n’est pas seulement ennuyeuse, mais nous avons  l’impression qu’elle n’a aucune utilité, surtout dans  ce « monde sans Dieu » qu’est devenu l’Occident. La prière n’a pas d’efficacité immédiate, miraculeuse. À Gethsémani, Jésus lui-même a dû penser que sa prière était bien dérisoire. « Il disait : Abba, à toi tout est possible, écarte de moi cette coupe ». Mais le Père s’est tu et, sur la croix, avant d’expirer, Jésus posera la question : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? »

Mais le jour de la transfiguration, la prière de Jésus a produit des résultats bouleversants qui ont marqué la mémoire des apôtres de façon indélébile. Pour employer encore une fois le vocabulaire ignatien, ce que les trois disciples ont vu sur le visage de Jésus était « une consolation » tellement évidente qu’elle est devenue immédiatement contagieuse. Pierre passe du sommeil à l’extase et, comme souvent, il profère des bêtises! Ivre de Dieu, il propose de prendre Moïse et Élie en otage, c’est-à-dire de prolonger l’extase à l’infini, oubliant, comme nous tous, que l’euphorie mystique ne peut pas être permanente. Elle serait automatiquement dévaluée,  car elle représente justement un moment de grâce, se détachant d’une existence quotidienne nécessairement basse, dure, misérable. La vie de tous les jours ne se passe pas « sur la montagne », mais dans la vallée où se situe (selon les expressions de Theillard de Chardin) « le front humain » ou « la ligne des saucisses » qui exige de nous, que nous le voulions ou pas, de la sueur, des larmes et du sang.

Les mystiques, ces saisis de Dieu, insistent justement sur le fait que le prix à payer pour l’illumination est une longue traversée de « la nuit ». Mais  la nuit serait simplement insupportable si elle était sans interruption. Ce qui nous permet de tenir le coup, c’est l’irruption du divin dans le quotidien. Et ces moments de pur bonheur arrivent même à ceux qui ne reconnaissent à cette expérience aucune valeur religieuse. Mais qu’importe? L’essentiel est que ces rares moments de « transfiguration » donnent aux humains des raisons d’endurer la fatigue du chemin, et d’échapper à la tentation de se suicider.

Melchior M’Bonimpa 

 

(Français) 2022/08/05 – Mt 16, 24-28

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Jésus déclare à ses disciples que pour le suivre il faut se renoncer et prendre sa croix. Il faut être prêt à perdre sa vie. Perdre sa vie pour lui est la seule façon de la garder. En comparaison, perdre sa vie pour acquérir le monde entier n’offre aucun avantage. Mais quand le Fils de l’homme viendra dans la gloire de son Père, c’est lui qui rendra à chacun selon sa conduite. Certains seront encore vivants quand le Fils de l’homme viendra dans son Règne.

Pierre vient de faire son acte de foi en disant à Jésus: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.  Comme le mot Christ signifie le Messie, Jésus veut préciser quelle sorte de Messie il doit être: il fait alors la première annonce de la Passion. Pierre s’objecte vivement à une telle idée et se fait rabrouer sérieusement par Jésus. Il doit accepter cette idée s’il veut être son disciple. Comme les autres disciples ont probablement la même idée d’un Messie royal et glorieux qui réserverait des postes avantageux pour ses disciples, Jésus leur adresse le texte que nous avons.

Il a dû faire la même chose plusieurs fois. Dans un texte de Jean, il avait dit aux disciples qu’il fallait, pour produire des fruits, qu’il meure comme le grain de blé qui est déposé dans la terre. L’idée du Messie pour les Juifs au temps de Jésus, et après, était que le Messie ne pouvait essuyer d’échec puisqu’il était envoyé par Dieu. En 131, un révolutionnaire avait été salué comme Messie avec le titre de Fils de l’étoile, Bar Koseba, que lui avait décerné un rabbin célèbre (Aqiba). Dès qu’il perdit une bataille contre les Romains, le même rabbin le traita de blasphémateur pour avoir fait croire qu’il était le Messie. Encore aujourd’hui, les musulmans qui reconnaissent Jésus comme un prophète, donc envoyé par Dieu, soutiennent qu’il ne peut être mort sur une croix: ceci est une invention des chrétiens!

Matthieu choisit donc une tradition encore plus explicite. Au lieu de parler du grain de blé qui doit tomber en terre pour produire des fruits, il parle de prendre sa croix. Celui qui veut le suivre, être son disciple, doit se renoncer et prendre sa croix. C’est cela perdre sa vie pour la sauver. C’est seulement quand le Christ reviendra dans la gloire du Père que les disciples recevront la gloire que leur conduite leur a méritée.

Une tradition différente a été ajoutée comme conclusion. Il ne s’agit pas de la venue du Christ dans la gloire du Père c’est-à-dire de la venue du Règne du Père avec le jugement final mais de la venue du Fils de l’homme dans son Règne ce qui est probablement une référence à la ruine de Jérusalem qui est un signe de la fin de l’ordre ancien.

Jean Gobeil SJ 

(Français) 2022/08/04 – Mt 16, 13-23

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Dans le territoire païen de Césarée de Philippe, Jésus demande à ses disciples: Pour vous, qui suis-je? Pierre répond en son nom et au nom des Douze: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. Jésus déclare que cette profession de foi lui vient du Père et qu’il sera le roc sur lequel l’Église sera bâtie. Il aura le pouvoir de lier et de délier, c’est-à-dire de défendre ou de permettre. Mais Jésus défend à ses disciples de ne dire à personne qu’il est le Messie. Jésus commence à montrer à ses disciples que son messianisme doit passer par l’arrestation, la mort et la résurrection. Pierre s’objecte vivement à cela et Jésus doit le reprendre pour lui rappeler qu’un disciple doit se mettre à sa suite.

Si on suit l’ordre de Matthieu, on voit que Jésus s’est éloigné des territoires juifs et en même temps des foules. Il a commencé par aller dans le territoire de Sidon (Liban) au nord de la Galilée puis, toujours au nord mais plus à l’est, dans le territoire du tétrarque Philippe aux sources du Jourdain.  C’est comme s’il avait voulu par là se consacrer à ses disciples et les préparer à aller plus loin dans la connaissance de sa personne.

Jésus commence par demander aux Douze qu’est-ce que les gens disent de lui. La réponse est que les opinions varient et restent incertaines. Il leur demande alors qu’est-ce qu’ils pensent, eux. Pierre fait sa déclaration qui est une profession de foi: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. Jésus non seulement accepte cette identification mais ajoute qu’elle provient d’une révélation du Père. Pour être fidèle à cette révélation, Pierre devra progresser dans la foi, car, comme la suite du récit le montre, sa notion du Messie n’inclut pas la souffrance.

C’est pourtant avec cette foi incomplète que Pierre se fait dire qu’il sera le fondement de l’Église. Le mot Église (ekklesia) est employé pour la première fois. Dans le monde politique, il signifiait une convocation de ceux qui étaient qualifiés pour prendre des décisions. La traduction grecque de l’Ancien Testament l’employait pour traduire le peuple de Yahvé, c’est-à-dire l’assemblée de ceux qui ont été convoqués par Dieu. Jésus parle donc d’un nouveau peuple de Dieu dont Pierre est maintenant établi comme fondement. L’importance de Pierre, qui n’a rien d’un héros, est un peu paradoxale. Mais ce n’est pas accidentel puisque la même chose revient dans l’évangile de Jean.

Dans cet évangile, il y a, après la résurrection, une apparition de Jésus près du lac de Tibériade (21,13).  Jésus demande à Pierre, par trois fois, m’aimes-tu. Les deux premières fois, il emploie un mot qui signifie un amour qui veut le bien de l’autre, un amour complètement désintéressé (agapan). Pierre, qui se rappelle ses reniements, n’ose pas répondre en employant le même mot. Il répond: Tu sais que je t’aime bien (philein). La troisième fois, Jésus emploie le même mot que Pierre comme pour accepter que son amour soit imparfait. Pierre fait la même réponse. Et pourtant, à chaque réponse de Pierre, Jésus a fait une triple investiture: pais mes agneaux, pais mes brebis, c’est-à-dire je t’établis pour régir mon troupeau, mon peuple.

C’est donc très finement dire que Dieu n’a pas besoin d’instruments parfaits pour que sa force agisse à travers eux.

Paul dira: Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort (de la force de Dieu).  (2 Cor.12,10)

Jean Gobeil SJ

 

(Français) 2022/08/03 – Mt 15, 21-28

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A la suite de controverses avec les pharisiens, les disciples ont averti Jésus que ceux-ci étaient choqués. Jésus a quitté le territoire juif pour aller du côté de Tyr. Une femme vient le supplier de guérir sa fille. Jésus ne répond pas. Elle continue à le supplier. Les disciples interviennent pour lui demander de la satisfaire pour qu’elle s’en aille. Jésus répond que sa mission, la mission du messie, est auprès d’Israël. La femme vient se prosterner devant lui. Jésus donne une sorte d’explication de son refus. La femme persiste et montre sa confiance. Jésus loue sa foi et lui accorde ce qu’elle veut..

La façon dont Matthieu change le récit de cet événement qui se trouvait dans Marc indique que la leçon qu’on peut en tirer est importante pour son auditoire judéo-chrétien qui a encore des hésitations à accepter des non-juifs comme chrétiens.

Pour Marc, la femme était une grecque. Pour Matthieu elle est une Cananéenne. Les rabbins juifs qui acceptaient des païens qui se convertissaient au judaïsme n’acceptaient pas des Cananéens parce que pour eux une conversion n’était pas seulement un changement de religion mais supposait tout un changement de culture, de cette culture qui avait toujours été une tentation pour Israël. L’auditoire de Matthieu a dû frémir en entendant la mention de Cananéenne.

Matthieu met ensuite dans la bouche de cette femme une prière comme celle que font les judéo-chrétiens: “Seigneur, Fils de David”.

A la suite de la prière répétée de la femme, Matthieu introduit le dialogue des disciples avec Jésus.  Ils lui demandent de lui accorder ce qu’elle demande. Cette addition permet d’expliquer le rôle du Messie. Les prophètes ont vu dans le futur un Messie qui convertirait Israël. Israël deviendrait alors une lumière pour les nations, c’est-à-dire que les nations viendraient alors se convertir à Israël. La mission du Messie est donc d’abord avec Israël. Dans cette perspective, la demande de la femme devient une exception énorme à la mission prévue pour un Messie et Jésus va faire cette exception en pleine connaissance de cause..

Jésus fait alors un échange avec la femme, un échange qui lui permet de révéler toute sa foi.

Jésus, d’une parole, lui accorde ce qu’elle demande mais il ajoute en outre un éloge de sa foi, la foi d’une païenne qui n’appartient en aucune façon à  Israël.

Cette exception, avec la mention du rôle du Messie, se trouvait donc à couper l’objection de ceux qui étaient réticents à accepter des païens dans leur communauté et montrait en outre qu’on ne peut enfermer l’action de Jésus dans un modèle fixé d’avance.

Jean Gobeil SJ 

(Français) 2022/08/02 – Mt 14, 22-36

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Après la multiplication des pains pour nourrir la foule, Jésus renvoie les disciples dans leur barque et se retire dans la montagne pour prier. Pendant ce temps, la barque est battue par les vagues à cause du vent. Vers la fin de la nuit, Jésus vient aux disciples en marchant sur les eaux. Ils sont terrifiés mais Jésus les rassure: Confiance; c’est moi; n’ayez pas peur.   Pierre s’offre à aller le trouver. Jésus lui dit: Viens. Pierre a peur à cause du vent et il se met à s’enfoncer. Il crie: Seigneur, sauve-moi.  Jésus tend la main, le saisit et dit: Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté?  Ils montent dans la barque et le vent tombe. Les disciples se prosternent et disent: Vraiment tu es le Fils de Dieu. Ils arrivent à Génésareth. Les malades viennent à lui et sont guéris en touchant la frange de son manteau.

Le récit est centré sur Jésus et ses disciples. Ceci a commencé dans la multiplication des pains juste auparavant. Jésus a pris les pains, les a bénis et les a rompus: des mots qui rappellent l’institution de l’Eucharistie. Ensuite dans Marc, Jésus distribue les pains. Mais dans Matthieu, Jésus fait distribuer les pains par les disciples. On est dans une vision du rôle des disciples dans l’Église.

Jésus va prier dans la montagne. Souvent, c’est quelque chose qu’il fait avant un moment important. Les disciples sont en difficulté et Jésus semble bien absent. C’est un moment qui se répétera souvent dans l’Église. Dans ce moment de difficulté, Jésus recommande trois choses. La première est la confiance. La confiance suppose la foi. Il faut conserver la foi en la présence du Christ en dépit des apparences. La base de la confiance est dans la seconde parole: C’est moi. Il est présent et il est là pour sauver comme Pierre le demande. Et finalement il dit: N’ayez pas peur. La peur paralyse et empêche d’agir: Pierre s’est mis à enfoncer quand il a eu peur. S’il y a la foi en la présence de Celui qui sauve, il ne devrait pas y avoir cette peur qui empêche d’agir.

Dans la présence du Christ dans la tempête, il y a une promesse qui sera répétée dans les derniers mots de l’évangile de Matthieu: Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la consommation des siècles.

La conclusion est une image de la foi: il suffisait pour les malades d’avoir confiance et de toucher à la frange de son manteau et ils étaient guéris.

On peut penser qu’il n’est pas nécessaire d’être un grand mystique pour être présent à l’action salvatrice du Christ: la frange de son manteau suffit.

Jean Gobeil SJ

 

(Français) 2022/08/01 – Mt 14, 13-21

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Des nouvelles tristes ou même accablantes surviennent parfois dans nos vies. Comment devrait-on les surmonter et les assumer sans nous démoraliser? Plusieurs pensent que les distractions ou le travail permettent d’oublier ou, au moins, de prendre ses distances pour objectiver et relativiser l’effet de ces événements. Quelle conduite Jésus a-t-il adoptée lorsqu’il a vécu une situation difficile et même pénible? L’Évangile nous dit qu’il s’est retiré dans un endroit isolé, sans doute pour méditer et pour prier.

Quelles étaient ces nouvelles?

         Tout d’abord une expérience qui a dû ulcérer Jésus: le refus que lui opposèrent les gens de son village, Nazareth (13,53-56). Ils refusèrent de croire en lui, dans la mission que Dieu lui avait confiée. Ses amis depuis son enfance se disaient qu’ils le connaissaient bien, depuis toujours ; et cela les empêchait de croire en lui (13,57). Jésus ne peut accomplir des miracles à cause de leur manque de foi (13, 57), non pas qu’il soit devenu impuissant,  mais parce que la foi seule permet d’accueillir l’action du Christ, d’y découvrir un sens. Le miracle n’est pas une action extraordinaire qui voisine la magie, mais un signe qui exprime un message de Dieu.

En plus de cette épreuve, Jésus apprend l’exécution de Jean Baptiste par un roi adultère. Jean avait baptisé Jésus, qui, d’une certaine manière, avait peut-être été son disciple et qui avait commencé son ministère juste après l’incarcération de Jean, donnant l’impression qu’il continuait la mission de Jean. La mise à mort de Jean annonçait à Jésus que le même rejet et sa condamnation par les autorités seraient sa destinée de suivre son précurseur.

Jésus se retire alors dans un endroit désert, à l’écart, pour retrouver la force de persévérer dans l’intimité de la prière avec Dieu, son Père. Il évite l’amertume qui nous guette après un échec ou la colère devant l’incompréhension et l’incrédulité.

Une contrainte imprévue

Il nous arrive d’avoir planifié une période de repos dans un endroit isolé pour qu’une circonstance subite dérange nos prévisions. On est tenté de s’insurger contre cette surprise qui dérange, de fermer sa porte à cet importun qui dérange. Le Christ nous dit cependant que dans ce pauvre ennuyeux, c’est qui demande notre secours.

Pour Jésus qui cherche le repos, c’est une grande foule de gens qui l’attendent sur la rive. Ils représentent notre pauvre humanité malade, infirme et souvent sans espérance. La réaction du Christ est celle de Dieu, qui est l’Amour, il est saisi de pitié envers eux. La compassion, ce n’est pas simplement s’apitoyer, c’est souffrir en union avec l’autre écrasé par sa misère. Aussi cette pitié de Jésus est active. Dieu dans son Envoyé guérit, il cicatrise les blessures que nos péchés nous ont causées. La guérison corporelle est une image de la guérison spirituelle, bien plus profonde que celle qui n’atteint que le physique. Telle est la volonté de Dieu en nous créant, il désirait que nous vivions pleinement.

Le repas de famille

         Les disciples représentent notre humanité et ils expriment notre condition misérable dans le désert de notre existence terrestre. Notre monde a faim de vie, de joie et de bonheur. À ses disciples qui constatent la situation pénible de la foule, Jésus répond en leur rappelant leur responsabilité de nourrir tous ces gens. Il veut faire prendre conscience à ses disciples qu’ils sont démunis devant un si grand besoin, car ils n’ont que quelques pains et deux poissons, qui montrent les ressources pitoyables dont dispose l’Église réduite à ses ressources humaines face à la faim de liberté, de joie et de paix dont souffre le monde.

C’est dans notre désert que le Christ nous offre le repas dans lequel il se donne personnellement en nourriture. Ce récit de la multiplication des pains reparaît six fois dans les évangiles, attestant ainsi sa signification centrale pour les premiers chrétiens. Ce repas offert par le Christ représentait déjà pour eux  le sacrement central, celui qui révèle l’Amour extrême de Dieu dans son Fils incarné. Il se livre constamment à nous, à travers les siècles, pour entretenir, renouveler et développer en nous sa vie de Ressuscité.

Jean-Louis D’Aragon SJ

(Français) 2021/08/07 – Mt 17, 14-20

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Après la Transfiguration sur la montagne, Jésus redescend dans la plaine avec ses trois disciples. Un homme vient aussitôt le supplier de guérir son fils (“lunatique”) qui a des crises qui le font se jeter n’importe où. Les autres disciples de Jésus n’ont pas été capables de le guérir. Jésus apostrophe les gens qui sont là, mais c’est probablement surtout aux disciples qu’il s’adresse. Il leur reproche leur manque de foi et se demande combien de temps il lui faudra rester avec eux et les endurer. Il fait venir l’enfant, l’interpelle et le démon sort de lui: il est guéri. Les disciples lui demandent ensuite pourquoi ils n’ont pas réussi. Il leur dit que s’ils avaient de la foi de la grosseur d’une graine de moutarde ils diraient à une montagne de se déplacer et elle se déplacerait.

Les disciples se sont attaqués à un mal très grave. Dans l’antiquité, on mettait l’épilepsie en relation avec les phases de la lune d’où le terme de lunatique pour un tel malade. Comme il n’y avait pas de remède, on en parlait comme du “haut mal”. Et ce mal comme les autres maladies était souvent attribué à la présence d’un démon. Dans le récit de Marc, Jésus parle longuement avec le père avant de faire la guérison. La suppression de ce dialogue dans Matthieu fait porter l’attention sur les disciples ce qui est confirmé par l’explication donnée aux disciples après la guérison. C’est donc, pour Matthieu, un texte qui s’adresse aussi à la communauté, à l’Église.

Comme les récits de miracles sont très rares dans cette section de l’évangile consacrée à la formation des disciples, (il n’y aura que les aveugles de Jéricho avant la montée de Jésus vers Jérusalem et la redevance au temple pour Pierre et Jésus). Ce récit frappe par le contraste avec ce qui précède. Sur la montagne, on avait un aperçu du monde de la gloire. L’aspect visible de Jésus devenait resplendissant, la présence de Moïse et d’Élie représentant la Loi et les Prophètes, la nuée qui comme au Sinaï était un signe de la présence de Dieu, la voix du Père témoignant de la filiation de Jésus, tout cela annonçait la gloire de Jésus.

En redescendant de la montagne vers la foule, on abandonne le monde de la gloire pour revenir au monde de la foi, au monde où le mal fait encore sentir sa présence. Pourtant, Jésus est encore visiblement présent et agissant comme on peut le voir dans la guérison. Mais Jésus avertit que ce même monde continuera quand il ne sera plus visiblement présent. Il ne restera que la foi pour les disciples. Mais, à condition de l’avoir, c’est tout ce qu’il faut, car même seulement une parcelle a assez de puissance pour transporter une montagne.

On peut penser, ce qui n’est pas dans notre texte, que notre foi peut transporter une montagne: elle peut transporter cette montagne de la Transfiguration pour l’emmener avec soi.

Jean Gobeil SJ

(Français) 2021/08/06 – Mc 9, 2-10 – La Transfiguration du Seigneur

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Cette brève scène de la Transfiguration condense toute la mission de Jésus, qui est le Messie représentant Dieu sur notre terre. Cette vue d’ensemble du mystère du Christ est un appel de Dieu à chacun(e) de nous à écouter sa parole, à le suivre et à partager son cheminement jusqu’à la croix et à la résurrection.

Le contexte

Le mystère de la Transfiguration se rattache aux scènes qui précèdent et qui suivent : la profession de foi de Pierre en Jésus, le Messie, suivie de la première annonce de la Passion et de la Résurrection. Mais Jésus ajoute que cette destinée ne lui est pas exclusive : tout disciple doit porter sa croix à sa suite ; il faut perdre sa vie pour la gagner. Après la Transfiguration, Jésus annonce pour la deuxième fois sa Passion et sa Résurrection. Il ajoute que le disciple qui veut devenir grand et qui espère sa résurrection doit se faire le plus petit et accepter sa propre passion.

“Pierre, Jacques et Jean” sont les témoins du Christ transfiguré. Ils seront également les témoins d’une résurrection, celle de la fille de Jaïre, mais ils seront également présents à l’agonie de Jésus, au Jardin des Oliviers, associant la transfiguration à la croix.

Le mystère de la Transfiguration

Notre mot Transfiguration signifie littéralement que la figure de Jésus est changée. Mais le terme original “transformation”, indique mieux que ce n’est pas seulement la figure de Jésus qui est transformée, mais toute sa personne. Cette transformation vient de Dieu, comme l’évoque son vêtement blanc comme l’éclair. Ce symbole biblique qui manifeste l’origine divine de cette lumière.

Moïse et Elie sont les deux personnages qui résument la Loi et les Prophètes. Ils représentent tout l’Ancien Testament. Ils s’entretenaient avec Jésus transfiguré, car leurs prophéties annonçaient le Messie, qui, par son sacrifice sur la croix et sa résurrection, ouvrirait à l’humanité le Royaume d’une vie glorieuse.

Pierre propose que Moïse, Élie et Jésus demeurent d’une manière permanente pour révéler le Seigneur Dieu. Il souhaite que les trois demeurent sur la montagne de la révélation pour que chacun ajoute au précédent ; le Christ viendrait simplement compléter et couronner les deux autres. En réalité, le Christ récapitule toute l’histoire antérieure et donne un sens à tout ce qui suivra. Il concentre en lui-même toute la révélation de Dieu, tout l’amour et toute la vie qu’il veut accorder au monde.

La parole de Dieu

La nuée est symbolise régulièrement la présence de Dieu. Celui-ci corrige immédiatement la proposition erronée de Pierre. Celui-ci n’a pas compris que, dans le Christ Jésus, toute la révélation divine, toute l’histoire dirigée par le Seigneur vers le salut de l’humanité, est rendue parfaite et définitive dans la personne et dans l’enseignement de son Fils. Celui-ci est mon Fils bien-aimé est la même parole divine que le Père déclare à la suite du baptême de Jésus. Ce sont les deux seuls moments où les trois premiers évangélistes rapportent une parole directe de Dieu. Mon Fils signifiait à l’origine l’intronisation du Roi (Ps 2, 7), que la Communauté chrétienne interpréta en fonction du Christ devenu roi à sa résurrection. Moïse et Élie ont disparu, lorsque Dieu ordonne aux disciples : Écoutez-le ! Il ne dit pas aux disciples et à tous les chrétiens, Écoutez-les, mais bien Écoutez-le, mon Fils, Jésus le Christ.

Conclusion

Jésus le Messie, est le cœur et le centre de toute l’action et de la parole de Dieu à travers l’histoire, depuis la création jusqu’à la consommation du Royaume. Il est le médiateur unique et exclusif entre Dieu et l’humanité. La révélation n’est pas d’abord un enseignement, mais elle est une personne. Le Christ est à la fois le modèle et la source de cette vie transfigurée que le Seigneur a promise à notre monde. L’ordre de Dieu, “Écoutez-le”, s’adresse à nous tous, à travers les trois disciples. Cette exhortation est l’appel de Dieu aux chrétiens à écouter et à suivre Jésus pour vivre, chacun personnellement, le mystère de mort et de résurrection du Seigneur Jésus. Pour moi, vivre, c’est le Christ, s’écrira l’apôtre Paul (Phil 1, 21).

Jean-Louis D’Aragon SJ

(Français) 2021/08/05 – Mt 16, 13-23

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Dans le territoire païen de Césarée de Philippe, Jésus demande à ses disciples: Pour vous, qui suis-je? Pierre répond en son nom et au nom des Douze: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. Jésus déclare que cette profession de foi lui vient du Père et qu’il sera le roc sur lequel l’Église sera bâtie. Il aura le pouvoir de lier et de délier, c’est-à-dire de défendre ou de permettre. Mais Jésus défend à ses disciples de ne dire à personne qu’il est le Messie. Jésus commence à montrer à ses disciples que son messianisme doit passer par l’arrestation, la mort et la résurrection. Pierre s’objecte vivement à cela et Jésus doit le reprendre pour lui rappeler qu’un disciple doit se mettre à sa suite.

Si on suit l’ordre de Matthieu, on voit que Jésus s’est éloigné des territoires juifs et en même temps des foules. Il a commencé par aller dans le territoire de Sidon (Liban) au nord de la Galilée puis, toujours au nord mais plus à l’est, dans le territoire du tétrarque Philippe aux sources du Jourdain. C’est comme s’il avait voulu par là se consacrer à ses disciples et les préparer à aller plus loin dans la connaissance de sa personne.

Jésus commence par demander aux Douze qu’est-ce que les gens disent de lui. La réponse est que les opinions varient et restent incertaines. Il leur demande alors qu’est-ce qu’ils pensent, eux. Pierre fait sa déclaration qui est une profession de foi: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. Jésus non seulement accepte cette identification mais ajoute qu’elle provient d’une révélation du Père. Pour être fidèle à cette révélation, Pierre devra progresser dans la foi, car, comme la suite du récit le montre, sa notion du Messie n’inclut pas la souffrance.

C’est pourtant avec cette foi incomplète que Pierre se fait dire qu’il sera le fondement de l’Église. Le mot Église (ekklesia) est employé pour la première fois. Dans le monde politique, il signifiait une convocation de ceux qui étaient qualifiés pour prendre des décisions. La traduction grecque de l’Ancien Testament l’employait pour traduire le peuple de Yahvé, c’est-à-dire l’assemblée de ceux qui ont été convoqués par Dieu. Jésus parle donc d’un nouveau peuple de Dieu dont Pierre est maintenant établi comme fondement. L’importance de Pierre, qui n’a rien d’un héros, est un peu paradoxale. Mais ce n’est pas accidentel puisque la même chose revient dans l’évangile de Jean.

Dans cet évangile, il y a, après la résurrection, une apparition de Jésus près du lac de Tibériade (21,13). Jésus demande à Pierre, par trois fois, m’aimes-tu. Les deux premières fois, il emploie un mot qui signifie un amour qui veut le bien de l’autre, un amour complètement désintéressé (agapan). Pierre, qui se rappelle ses reniements, n’ose pas répondre en employant le même mot. Il répond: Tu sais que je t’aime bien (philein). La troisième fois, Jésus emploie le même mot que Pierre comme pour accepter que son amour soit imparfait. Pierre fait la même réponse. Et pourtant, à chaque réponse de Pierre, Jésus a fait une triple investiture: pais mes agneaux, pais mes brebis, c’est-à-dire je t’établis pour régir mon troupeau, mon peuple.

C’est donc très finement dire que Dieu n’a pas besoin d’instruments parfaits pour que sa force agisse à travers eux. Paul dira: Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort (de la force de Dieu). (2 Cor.12,10)

Jean Gobeil SJ

 

(Français) 2021/08/04 – Mt 15, 21-28

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A la suite de controverses avec les pharisiens, les disciples ont averti Jésus que ceux-ci étaient choqués. Jésus a quitté le territoire juif pour aller du côté de Tyr. Une femme vient le supplier de guérir sa fille. Jésus ne répond pas. Elle continue à le supplier. Les disciples interviennent pour lui demander de la satisfaire pour qu’elle s’en aille. Jésus répond que sa mission, la mission du messie, est auprès d’Israël. La femme vient se prosterner devant lui. Jésus donne une sorte d’explication de son refus. La femme persiste et montre sa confiance. Jésus loue sa foi et lui accorde ce qu’elle veut. La façon dont Matthieu change le récit de cet événement qui se trouvait dans Marc indique que la leçon qu’on peut en tirer est importante pour son auditoire judéo-chrétien qui a encore des hésitations à accepter des non-juifs comme chrétiens.

Pour Marc, la femme était une grecque. Pour Matthieu elle est une Cananéenne. Les rabbins juifs qui acceptaient des païens qui se convertissaient au judaïsme n’acceptaient pas des Cananéens parce que pour eux une conversion n’était pas seulement un changement de religion mais supposait tout un changement de culture, de cette culture qui avait toujours été une tentation pour Israël. L’auditoire de Matthieu a dû frémir en entendant la mention de Cananéenne. Matthieu met ensuite dans la bouche de cette femme une prière comme celle que font les judéo-chrétiens: “Seigneur, Fils de David”.

A la suite de la prière répétée de la femme, Matthieu introduit le dialogue des disciples avec Jésus. Ils lui demandent de lui accorder ce qu’elle demande. Cette addition permet d’expliquer le rôle du Messie. Les prophètes ont vu dans le futur un Messie qui convertirait Israël. Israël deviendrait alors une lumière pour les nations, c’est-à-dire que les nations viendraient alors se convertir à Israël. La mission du Messie est donc d’abord avec Israël. Dans cette perspective, la demande de la femme devient une exception énorme à la mission prévue pour un Messie et Jésus va faire cette exception en pleine connaissance de cause.. Jésus fait alors un échange avec la femme, un échange qui lui permet de révéler toute sa foi. Jésus, d’une parole, lui accorde ce qu’elle demande mais il ajoute en outre un éloge de sa foi, la foi d’une païenne qui n’appartient en aucune façon à Israël. Cette exception, avec la mention du rôle du Messie, se trouvait donc à couper l’objection de ceux qui étaient réticents à accepter des païens dans leur communauté et montrait en outre qu’on ne peut enfermer l’action de Jésus dans un modèle fixé d’avance.

Jean Gobeil SJ