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2023/07/08 – Mt 9, 14-17

Des disciples de Jean Baptiste viennent demander à Jésus pourquoi ses disciples ne jeûnent pas comme eux et comme les pharisiens. Jésus répond que sa présence a priorité sur des pratiques de pénitence. Il compare sa présence à un vin nouveau qu’il ne faut pas mettre dans des outres usagées c’est-à-dire restreindre dans des pratiques anciennes.

Il y avait des jeûnes obligatoires pour les Juifs à certains moments de l’année. Mais les Juifs pieux pouvaient aussi pratiquer des jeûnes occasionnels. En fait, le jeûne, la prière et l’aumône constituaient trois pratiques religieuses importantes: elles sont mentionnées dans le sermon sur la montagne. Les Pharisiens et les disciples de Jean avaient leurs jours de jeûne propres à leur groupe.

Les disciples de Jean Baptiste sont probablement agacés par le contraste entre la façon de vivre de Jésus et celle de leur maître. Jean Baptiste qui se présente comme un ascète sorti du désert proclame avec sévérité l’approche d’un jugement alors que Jésus et ses disciples ne refusent pas les repas qu’on leur offre. La seule chose que Jean Baptiste et Jésus ont en commun ce sont les ennemis. Jésus en fait la remarque:

Jean vient en effet, ne mangeant ni ne buvant, et l’on dit: Il est possédé. Vient le Fils de l’homme, mangeant et buvant, et l’on dit: C’est un glouton et un ivrogne, un ami des publicains. et des pécheurs.  (Matthieu,11,18-19)

On n’a pas digéré le repas chez Matthieu avec les publicains qui étaient fiers et avaient des sourires d’une oreille à l’autre. Ce Jésus n’est pas sérieux.

La présence de Jésus et les deux petites paraboles, celle de la pièce avec du tissu neuf et celle du vin nouveau dans des vieilles outres, soulignent le thème de la nouveauté. Si la nouveauté était conforme avec ce qui précédait, ce ne serait plus de la nouveauté. Les Juifs auraient dû se souvenir des façons d’agir de Dieu dans le passé. Il faisait des choix inattendus et surprenants. Au lieu de prendre l’aîné ou ceux qui sont grands et forts, il choisissait le petit dernier qui gardait les moutons et qui s’appelait David.  Dieu avait libéré les Israélites au début de leur histoire et ils s’étaient retrouvés au désert! Ils n’en demandaient pas tant: de meilleures heures de travail auraient suffi pour les contenter! Après que Dieu ait dit à Abraham: Rien n’est impossible à Dieu, on peut s’attendre à des surprises.

Si cette nouveauté s’appelle une Bonne Nouvelle, il n’y a pas de place pour la nostalgie du passé.

Jean Gobeil SJ

2023/07/07 – Mt 9, 9-13

Jésus en sortant de Capharnaüm appelle Matthieu, un collecteur d’impôt, à le suivre. Il se lève immédiatement et se met à sa suite. Suit la scène d’un repas (peut-être dans la maison de Matthieu), dans lequel Jésus et ses disciples mangent avec des publicains et des pécheurs. Des pharisiens demandent aux disciples pourquoi Jésus mange-t-il avec ces gens. Jésus a entendu et répond en déclarant qu’il est venu pour ceux qui avaient besoin de lui, comme un médecin pour les malades. Jésus conclut par une citation du prophète Osée: C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice.

C’est un moment important de la vie du Christ. Ce qu’il choisit de faire est révélateur de sa mission et de sa personne. Il avait dû faire des choix importants auparavant. Le premier est sans doute sa position par rapport à Jean Baptiste.

Jean avait prêché et baptisé au Jourdain, près d’une source. Sa renommée l’avait rendu célèbre et les gens se déplaçaient pour aller l’entendre et recevoir son baptême. Jésus commencera son ministère près de Jean Baptiste. C’est là qu’il connaîtra certains disciples de Jean qui deviendront ses disciples à lui. Mais très vite Jésus adoptera une méthode différente de celle du Baptiste. Au lieu d’attendre que les gens viennent à lui il ira vers les gens. Il sillonnera la Galilée; il ira occasionnellement en territoire païen, de l’autre côte du lac ou au nord de Capharnaüm dans le territoire d’Hérode Philippe. Il a donc choisi de ne pas être limité géographiquement.  Son message aussi sera différent de celui de Jean.

Jean avait annoncé un puissant envoyé de Dieu qui viendrait faire un jugement et condamner les mauvais: ils seraient jetées au feu comme la paille inutile ou coupés à la hache comme le bois mort. La hache, disait-il,  est déjà à la racine des arbres; tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.  (Matthieu 3,10) Jésus, lui, annonçait qu’avec sa présence le Royaume de Dieu était arrivé et qu’il n’était pas venu juger ou condamner mais bien chercher et sauver ce qui était perdu. (Luc 19,10) Il ne veut donc pas être limité par une perspective de jugement, de rétribution, de condamnation.

Or, dans notre texte, Jésus montre qu’il a choisi de ne pas être limité par des frontières ou des délimitations sociales ou religieuses. La société de Jésus ne manque pas de compartiments où sont groupés des gens qui sont soigneusement isolés du reste de la société. Ce sont des marginaux qui sont considérés ou bien comme pécheurs à cause de leur conduite morale ou bien impurs, et contagieusement impurs, à cause de leur maladie comme la lèpre et les affections de la peau, comme les bouchers à cause de leurs contacts avec le sang, comme les métiers de transport, chameliers et matelots, à cause de leurs contacts avec les païens et bien d’autres. Ces gens sont exclus de la société et doivent être évités. Qu’on se rappelle au procès de Jésus, les prêtres qui refusent d’entrer au palais de Pilate pour ne pas contracter d’impureté qui les empêcherait de célébrer la Pâque le soir de ce vendredi-là. Et l’endroit où il faut absolument éviter des impurs c’est la table. Qu’on se rappelle encore la réaction de l’église de Jérusalem qui demande des explications à Pierre. On n’est pas surpris qu’il ait baptisé. Corneille, un centurion romain, mais on lui demande comment il a pu oser aller manger chez lui!

Or Jésus choisit comme disciple un collecteur d’impôt, un métier impur. En faisant cela, il vient de détruire une frontière de la société. On devine le choc par la réaction des autres collecteurs d’impôt: ils se sentent acceptés puisqu’il a accepté Matthieu. Et les voilà tous rendus chez Matthieu où se trouve Jésus. D’autres s’objectent, les pharisiens. Mais Jésus leur déclare que c’est la miséricorde qui a la priorité et non les prescriptions de la société statuant ce qui est religieusement correct.

C’est le choix de Jésus: les pauvres, les petits dont parlait l’Ancien Testament, pour Jésus ce seront ces marginaux laissés de côté par la société.

Jean Gobeil SJ

 

 

 

2023/07/06 – Mt 9, 1-8

Jésus revient à Capharnaüm après avoir été en territoire païen de l’autre côté du lac. Des gens lui amènent un paralytique couché sur une civière, Jésus dit au paralytique: Confiance tes péchés sont pardonnées.  Des scribes sont scandalisés et pensent que c’est un blasphème (seulement Dieu peut déclarer que des péchés sont pardonnés). Alors Jésus annonce ce qu’il va faire pour montrer que Dieu lui accorde ce pouvoir. Il va guérir le paralytique. Il lui dit: Lève-toi, prends ta civière et rentre chez toi. Le paralytique se leva et rentra chez lui. La foule réagit en rendant gloire à Dieu.

Matthieu a une façon bien caractéristique de traiter les miracles. Il simplifie les récits pour concentrer l’attention du lecteur sur une rencontre dans la foi entre une personne et Jésus. Il fait donc disparaître les détails concrets qui se trouvaient dans la source qu’il utilise (ici, c’est le texte de Marc). Le résultat est que ce récit interpelle le lecteur. C’est le même Jésus qui nous parle aujourd’hui. C’est de cette façon qu’il parle. C’est de cette façon qu’on s’adresse à lui.

Voyant leur foi.  Il s’agit de la foi du paralytique et des porteurs. Marc avait beaucoup de détails pour illustrer cette foi. Les porteurs arrivent devant la maison où se trouve Jésus. Il y a trop de foule pour qu’ils puissent entrer et déposer la civière aux pieds de Jésus (c’est là qu’elle est la foule qui apparaît à la fin du texte de Matthieu). Donc, toujours dans Marc, les porteurs montent sur le toit, le défoncent et descendent le paralytique aux pieds de Jésus. Alors Jésus voyant leur foi….c’est-à-dire la foi des porteurs.

Matthieu fait disparaître la scène du toit mais il ne corrige pas pour dire Voyant sa foi (la foi du paralytique) il conserve la forme de Marc: Voyant leur foi… La foi des porteurs fait partie de la réponse de Jésus au paralytique. La leçon pour les lecteurs reste évidente: l’intercession pour les autres, la prière pour les autres, ce qu’on fait pour les autres, tout cela a beaucoup de poids aux yeux du Seigneur.

La signification des miracles ressort très clairement des paroles de Jésus. La guérison physique est un signe de la guérison intérieure. Jésus a dit qu’il était venu pour donner la vie en surabondance. C’est ce que le miracle illustre. Nous avons tous besoin de cette vie. Nous avons tous besoin de plus de vie, de guérison. C’est le même Christ qui veut aujourd’hui répondre à notre besoin et nous rencontrer.

Dans une église byzantine (Chora à Istanbul), une mosaïque décrit la fin de la scène: le paralytique ne fait pas simplement rentrer chez lui; il court, une jambe en l’air, avec le grabat sur le dos! Il a vraiment rencontré le Seigneur!

Jean Gobeil SJ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2023/07/05 – Mt 8, 28-34

Jésus est traversé du côté est du lac de Gennésareth dans un territoire païen. Deux possédés sortent d’un lieu impur, un cimetière, et viennent interpeller Jésus. Les esprits se sentent menacés par celui qu’ils appellent Fils de Dieu et lui demandent, s’il veut les expulser, de les laisser aller rester dans un troupeau de porcs, détail qui indique bien qu’on n’est pas en territoire juif. Jésus leur donne l’ordre: Allez-y. Aussitôt que le troupeau sent la présence de ces esprits mauvais, il se précipite dans la mer et périt. Les gardiens du troupeau vont annoncer à la ville ce qui est arrivé aux possédés et au troupeau. Une foule vient vers Jésus pour lui demander de s’éloigner de la région.

Cet épisode se situe après le miracle de la tempête apaisée alors que Jésus a montré à ses disciples qu’il était bien le maître des vents et de la mer. Il débarque en territoire païen, un endroit où les démons et les esprits mauvais ont beaucoup plus de latitude. La façon de parler des esprits le montre. Ils disent à Jésus:

De quoi te mêles-tu, Fils de Dieu? Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps?  (TOB)

Le ici montre qu’ils se pensent sur leur territoire. Le temps mentionné se réfère à une croyance de l’époque: les démons seront définitivement vaincus au jugement dernier. Pour le présent, ils sont particulièrement actifs dans les territoires païens et ce qu’ils font faire aux possédés montre comment le mal contamine tout. Non seulement ces possédés sont violents et dangereux pour les passants mais encore, pour venir à Jésus, ils sortent des tombeaux. Ces tombeaux sont des tombes creusées dans le roc ou des cavernes naturelles servant de sépulture. Ils s’abritent donc dans des endroits où il y a des cadavres, ce qui les rend impurs de façon permanente et particulièrement répugnants.

Les démons connaissent la puissance de Jésus; pour ne pas être expulsés définitivement du territoire, ils demandent, s’ils sont chassés des possédés, d’aller dans le troupeau de porcs. Il y a peut-être un trait d’ironie dans cette partie du texte. Pour des oreilles juives, que des animaux impurs comme sont les porcs soient possédés par des démons, montre que c’est pour eux le genre de demeure qui leur convient et qu’ils méritent bien. Un sens possible est que la mer qui a obéi à Jésus dans l’épisode de la tempête apaisée est encore au service du Maître même en territoire païen. Mais la population locale qui pourtant reconnaît la puissance de Jésus qui a libéré les possédés n’est pas prête à le suivre.

L’événement sert donc de leçon seulement pour les disciples. Ils ont vu la puissance de Jésus dans la tempête apaisée alors que même les vents et la mer lui avaient obéi. Ils voient maintenant que sa puissance n’est pas limitée à Israël.

Jean Gobeil SJ

 

 

 

2023/07/04 – Mt 8, 23-27

Après les paroles d’un prophète, le sermon sur la montagne, Matthieu a voulu montrer les actions prophétiques: il a groupé ensemble dix miracles, ce qui réduit l’importance du contexte. Chaque miracle est simplement un parmi dix. On peut quand même remarquer quelques points de Matthieu. Au verset 16, il a mentionné que le soir était venu. Au verset 18, que Jésus, à cause de la foule, avait donné l’ordre (à ses disciples) de s’en aller sur l’autre rive (du lac de Génésareth). Et notre texte dit que pendant la traversée Jésus dort dans la barque. Une tempête se lève, la barque prend l’eau, les disciples sont terrifiés et réveillent Jésus en disant: Seigneur, sauve-nous. Nous sommes perdus! Jésus leur reproche leur peu de foi puis interpelle vivement les vents et la mer: la tempête est finie. Les disciples sont saisis et se demandent: Qui est-il pour que même les vents et la mer lui obéissent?

Matthieu a utilisé comme source le texte de Marc sur la tempête apaisée. Les modifications qu’il a faites sont révélatrices de ce qu’il voit dans cette scène.

Il a d’abord réduit les détails. Il enlève la mention que Jésus est à l’arrière de la barque et dort sur un coussin. Ensuite, sans diminuer la tempête, il ne la décrit pas. Simplement, il y a une tempête, la barque prend l’eau et les disciples sont terrifiés. Pour Marc, la tempête est une force qui attaque: les vagues frappent la barque et débordent à l’intérieur (tout cela dans un verbe construit par Marc!). Les paroles du Christ au vent et à la mer seront violentes: Silence! Tais-toi! (Aussi raide que ferme-toi!). Il s’agit d’une confrontation entre Jésus et une image des forces du mal, comme les autres confrontations dans Marc avec les esprits qui sont causes de possession, avec les maladies et les infirmités qui empêchent les gens d’être libres. Matthieu n’a pas cette violence. Jésus interpelle vivement le vent et la mer et il se fait un grand calme. Les éléments obéissent tout simplement à leur maître comme les étoiles qui brillent joyeusement pour leur créateur, dans le livre de Baruch (3,35).

L’intérêt se porte sur les disciples.

Pour Matthieu, une autre différence de Marc, la remarque de Jésus est faite avant le miracle et non après. Pour Jésus, la tempête n’est pas très importante. Ce qui l’est davantage c’est la faiblesse de la foi des disciples. Dans le texte de Marc, Jésus, après avoir fait taire le vent, dit aux disciples: Pourquoi avez-vous peur ainsi? N’avez-vous pas encore de foi? Ils en ont quand même un peu puisqu’ils sont allés le réveiller dans le danger. Mais c’est un reproche plutôt qu’une prière qu’ils lui ont fait:     Maître, tu ne te soucie pas de ce que nous périssons!

Dans Matthieu, c’est une prière que les disciples font:

Seigneur, sauve-nous. Nous sommes perdus.

C’est la prière fondamentale:

Seigneur, c’est-à-dire toi qui est le Maître de toutes choses.

Nous avons besoin de salut. Sans toi, nous sommes perdus.

Ce n’est pas à cause de cette prière que Jésus leur dit qu’ils ont peu de foi, mais à cause de la peur.

Pourquoi avoir peur, hommes de peu de foi ?

Pourquoi avoir peur puisqu’il est présent avec ses disciples? Il est là!

C’est le fondement de la foi: la présence du Seigneur. Comme écrit saint Paul:

Qui nous séparera de l’amour du Christ? Ni les puissances, ni la mort, ni rien.

Maintenant que Jésus est prêt à aider leur foi, Jésus se met debout dans la barque et

il interpella vivement les vents et la mer, et il se fit un grand calme.

Jean Gobeil SJ

2023/07/03 – Jn 20, 24-29

Thomas n’était pas avec les autres disciples quand Jésus était venu. Eux lui disaient: Nous avons vu le Seigneur! Mais Thomas déclare qu’à moins de le toucher il ne croira pas. Huit jours plus tard, alors que les portes sont verrouillées, tout à coup Jésus est au milieu d’eux et leur dit: La paix soit avec vous. Puis il dit à Thomas de regarder et de toucher et enfin de croire. Thomas dit alors: Mon Seigneur et mon Dieu. Jésus lui dit : Tu crois parce que tu as vu. Heureux ceux qui croient sans avoir vu.

Le récit commence par une apparition de Jésus. Les portes verrouillées indiquent qu’après sa résurrection Jésus possède une forme de vie complètement nouvelle. Sa présence n’est plus limitée par des portes ou des murs. Il est déjà là et il n’a qu’à vouloir que cette présence devienne visible pour apparaître aux disciples. Les cicatrices de la crucifixion montrent que c’est bien celui qui a vécu avec eux qui a maintenant cette nouvelle vie.

Lorsque Jésus avait décidé de monter dans le territoire de Jérusalem parce que Lazare était mort les disciples avaient été effrayés par le risque qu’il prenait. C’est Thomas qui avait alors exprimé la décision du groupe de disciples en disant:

Allons, nous aussi, pour mourir avec lui.     (Jean, 11,16)

Dans le premier discours d’adieux, en parlant d’aller au Père Jésus avait dit:

Du lieu où je vais vous connaissez le chemin.   (Jean 14,5)

Thomas s’était montré réticent. Il ne voyait pas:

Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin?

Et Jésus lui avait répondu:     Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie.    (Jean 14,6)

Finalement, lui qui invitait les disciples à suivre Jésus pour mourir avec lui il n’est pas capable de croire ces mêmes disciples qui disent l’avoir vu, ressuscité. Il faudra qu’il voie lui-même et il met des conditions. Sa foi aura du chemin à faire et elle le fera pour aboutir à une nouvelle relation avec Jésus, comme Seigneur et comme Dieu. Il n’y aura pas de titres plus élevés à donner à Jésus que ceux de la profession de foi de ce Thomas.

On a l’impression quand on arrive à la dernière phrase de Jésus que tout le récit était une préparation pour cette phrase. Brusquement Jésus parle aux lecteurs de l’évangile! Si Thomas a eu de la difficulté alors que lui pouvait voire faut-il se surprendre qu’il y ait des moments difficiles pour la foi de ceux qui n’ont pas vu. Si Thomas ne connaissait pas le chemin faut-il se surprendre que parfois le chemin ne soit pas évident? C’est en quelqu’un qu’il faut croire, quelqu’un avec son mystère; quelqu’un qui a dit: Mes voies ne sont pas vos voies, et qui pourtant nous a dit de prier en disant: Que ta volonté soit faite.

Jean Gobeil SJ

2023/01/31 – Mc 5, 21-43

Au bord du lac, une foule s’est assemblée autour de Jésus. Un chef de synagogue nommé Jaïre vient supplier Jésus de venir imposer les mains à sa petite fille qui est entre la vie et la mort. Jésus part aussitôt avec lui. Une femme qui souffrait d’une maladie incurable veut toucher le vêtement de Jésus pour être guérie.  Jésus se rend compte qu’une force est sortie de lui et demande qui dans la foule l’a touché. Les disciples lui font remarquer que la foule le presse de tous côtés. La femme guérie se jette à ses pieds. Jésus lui dit : « Ta foi t’a sauvée. Va en paix. » On annonce la mort de la petite fille. Jésus rassure le père en lui disant de croire. Arrivé à la maison, il fait sortir tout le monde et, avec le père et le mère et aussi quelques disciples (Pierre, Jacques et Jean), il va où est l’enfant, la prend par la main et la fait se lever en lui disant: Thalita koum..  Les gens sont bouleversés mais Jésus recommande le silence, puis il suggère de faire manger la petite fille.

C’est un texte rempli de détails. Ce sont les souvenirs d’un témoin oculaire comme le nom du chef de synagogue et la parole de Jésus en araméen. Mais ce sont les souvenirs d’un conteur qui relate à mesure que ces souvenirs reviennent, donc pas nécessairement en ordre, comme l’âge de la petite fille qui nous est dit quand tout est fini! Ce sont des souvenirs qui ne sont pas retouchés ou édités, comme l’ignorance de Jésus sur qui l’a touché, une ignorance qui embarrassera Matthieu et Luc, de même que la remarque fort cavalière des disciples: « Comment peux-tu demander cela quand tout le monde te presse? »

Ce récit est pourtant dans la ligne de la présentation de Jésus par Marc : il est celui que Jean Baptiste annonçait comme plus puissant que lui ; il avait reçu l’Esprit et affrontait les esprits mauvais qui devaient lui obéir. Il affrontait aussi les différentes forces du mal comme la lèpre et les maladies. Les deux femmes ici représentent des cas très graves. L’une a une maladie incurable : les médecins ne peuvent rien faire. En outre, comme il s’agit d’une perte de sang, elle est rituellement impure et ne doit toucher personne. L’autre finalement est considérée comme morte: les gens ont commencé les lamentations funèbres. Il suffit d’une parole de Jésus pour la ramener à la vie. Et pour la première, il a suffi qu’elle touche au vêtement de Jésus. Le Messie puissant est à l’oeuvre.

Mais les deux cas illustrent bien la démarche de la foi. Le père demande à Jésus de venir pour que sa petite fille soit sauvée.  La femme pense : Si je parviens à toucher son vêtement, je serai sauvée.  Et Jésus lui dit : Ta foi t’a sauvée. Ce sont donc deux beaux exemples de foi. La réponse de Jésus est irrésistible : avec le père, il se met tout de suite en route pour aller chez lui. Au toucher de la femme, la rencontre dans la foi se fait immédiatement: elle est guérie non seulement de sa maladie mais aussi de l’impureté rituelle qui l’isolait des autres.

Finalement, en dessous des mots, il semble y avoir une marque de tendresse dans la façon de Jésus de parler de la petite fille. Les serviteurs de Jaïre lui disent : Ta fille. Jaïre, lui, parle de sa petite-fille.  Le narrateur, lui, parle de l’enfant. Mais pour la parole de Jésus en araméen, Marc emploie une sorte de diminutif (au neutre !) qu’on pourrait peut-être traduire par ma-toute-petite. Quand tout est terminé, Jésus, lui, continue d’être intéressé par la petite fille et recommande qu’on lui donne à manger. Il y a certainement une touche de familiarité et même de tendresse de la part de Jésus pour cette petite fille.

 Jean Gobeil SJ 

 

2022/07/02 – Mt 9, 14-17

Des disciples de Jean Baptiste viennent demander à Jésus pourquoi ses disciples ne jeûnent pas comme eux et comme les pharisiens. Jésus répond que sa présence a priorité sur des pratiques de pénitence. Il compare sa présence à un vin nouveau qu’il ne faut pas mettre dans des outres usagées c’est-à-dire restreindre dans des pratiques anciennes.

Il y avait des jeûnes obligatoires pour les Juifs à certains moments de l’année. Mais les Juifs pieux pouvaient aussi pratiquer des jeûnes occasionnels. En fait, le jeûne, la prière et l’aumône constituaient trois pratiques religieuses importantes: elles sont mentionnées dans le sermon sur la montagne. Les Pharisiens et les disciples de Jean avaient leurs jours de jeûne propres à leur groupe.

Les disciples de Jean Baptiste sont probablement agacés par le contraste entre la façon de vivre de Jésus et celle de leur maître. Jean Baptiste qui se présente comme un ascète sorti du désert proclame avec sévérité l’approche d’un jugement alors que Jésus et ses disciples ne refusent pas les repas qu’on leur offre. La seule chose que Jean Baptiste et Jésus ont en commun ce sont les ennemis. Jésus en fait la remarque:

Jean vient en effet, ne mangeant ni ne buvant, et l’on dit: Il est possédé. Vient le Fils de l’homme, mangeant et buvant, et l’on dit: C’est un glouton et un ivrogne, un ami des publicains. et des pécheurs.  (Matthieu,11,18-19)

On n’a pas digéré le repas chez Matthieu avec les publicains qui étaient fiers et avaient des sourires d’une oreille à l’autre. Ce Jésus n’est pas sérieux.

La présence de Jésus et les deux petites paraboles, celle de la pièce avec du tissu neuf et celle du vin nouveau dans des vieilles outres, soulignent le thème de la nouveauté. Si la nouveauté était conforme avec ce qui précédait, ce ne serait plus de la nouveauté. Les Juifs auraient dû se souvenir des façons d’agir de Dieu dans le passé. Il faisait des choix inattendus et surprenants. Au lieu de prendre l’aîné ou ceux qui sont grands et forts, il choisissait le petit dernier qui gardait les moutons et qui s’appelait David.  Dieu avait libéré les Israélites au début de leur histoire et ils s’étaient retrouvés au désert! Ils n’en demandaient pas tant: de meilleures heures de travail auraient suffi pour les contenter! Après que Dieu ait dit à Abraham: Rien n’est impossible à Dieu, on peut s’attendre à des surprises.

Si cette nouveauté s’appelle une Bonne Nouvelle, il n’y a pas de place pour la nostalgie du passé.

Jean Gobeil SJ 

2022/07/01 – Mt 9, 9-13

Jésus en sortant de Capharnaüm appelle Matthieu, un collecteur d’impôt, à le suivre. Il se lève immédiatement et se met à sa suite. Suit la scène d’un repas (peut-être dans la maison de Matthieu), dans lequel Jésus et ses disciples mangent avec des publicains et des pécheurs. Des pharisiens demandent aux disciples pourquoi Jésus mange-t-il avec ces gens. Jésus a entendu et répond en déclarant qu’il est venu pour ceux qui avaient besoin de lui, comme un médecin pour les malades. Jésus conclut par une citation du prophète Osée: C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice.

C’est un moment important de la vie du Christ. Ce qu’il choisit de faire est révélateur de sa mission et de sa personne. Il avait dû faire des choix importants auparavant. Le premier est sans doute sa position par rapport à Jean Baptiste.

Jean avait prêché et baptisé au Jourdain, près d’une source. Sa renommée l’avait rendu célèbre et les gens se déplaçaient pour aller l’entendre et recevoir son baptême. Jésus commencera son ministère près de Jean Baptiste. C’est là qu’il connaîtra certains disciples de Jean qui deviendront ses disciples à lui. Mais très vite Jésus adoptera une méthode différente de celle du Baptiste. Au lieu d’attendre que les gens viennent à lui il ira vers les gens. Il sillonnera la Galilée; il ira occasionnellement en territoire païen, de l’autre côte du lac ou au nord de Capharnaüm dans le territoire d’Hérode Philippe. Il a donc choisi de ne pas être limité géographiquement.  Son message aussi sera différent de celui de Jean.

Jean avait annoncé un puissant envoyé de Dieu qui viendrait faire un jugement et condamner les mauvais: ils seraient jetés au feu comme la paille inutile ou coupés à la hache comme le bois mort. La hache, disait-il,  est déjà à la racine des arbres; tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.  (Matthieu 3,10) Jésus, lui, annonçait qu’avec sa présence le Royaume de Dieu était arrivé et qu’il n’était pas venu juger ou condamner mais bien chercher et sauver ce qui était perdu. (Luc 19,10) Il ne veut donc pas être limité par une perspective de jugement, de rétribution, de condamnation.

Or, dans notre texte, Jésus montre qu’il a choisi de ne pas être limité par des frontières ou des délimitations sociales ou religieuses. La société de Jésus ne manque pas de compartiments où sont groupés des gens qui sont soigneusement isolés du reste de la société. Ce sont des marginaux qui sont considérés ou bien comme pécheurs à cause de leur conduite morale ou bien impurs en raison de leur maladie contagieuse comme la lèpre et les affections de la peau, ou bien impurs comme les bouchers à cause de leurs contacts avec le sang, comme les métiers de transport, chameliers et matelots, à cause de leurs contacts avec les païens et bien d’autres. Ces gens sont exclus de la société et doivent être évités. Qu’on se rappelle au procès de Jésus, les prêtres qui refusent d’entrer au palais de Pilate pour ne pas contracter d’impureté qui les empêcherait de célébrer la Pâque le soir de ce vendredi-là. Et l’endroit où il faut absolument éviter des impurs c’est la table. Qu’on se rappelle encore la réaction de l’église de Jérusalem qui demande des explications à Pierre. On n’est pas surpris qu’il ait baptisé. Corneille, un centurion romain, mais on lui demande comment il a pu oser aller manger chez lui!

Or Jésus choisit comme disciple un collecteur d’impôt, un métier impur. En faisant cela, il vient de détruire une frontière de la société. On devine le choc par la réaction des autres collecteurs d’impôt: ils se sentent acceptés puisqu’il a accepté Matthieu. Et les voilà tous rendus chez Matthieu où se trouve Jésus. D’autres s’objectent, les pharisiens. Mais Jésus leur déclare que c’est la miséricorde qui a la priorité et non les prescriptions de la société statuant ce qui est religieusement correct.

C’est le choix de Jésus: les pauvres, les petits dont parlait l’Ancien Testament, pour Jésus ce seront ces marginaux laissés de côté par la société.

Jean Gobeil SJ 

2022/06/30 – Mt 9, 1-8

Jésus revient à Capharnaüm après avoir été en territoire païen de l’autre côté du lac. Des gens lui amènent un paralytique couché sur une civière, Jésus dit au paralytique: Confiance, tes péchés sont pardonnés.  Des scribes sont scandalisés et pensent que c’est un blasphème (seulement Dieu peut déclarer que des péchés sont pardonnés). Alors Jésus annonce ce qu’il va faire pour montrer que Dieu lui accorde ce pouvoir. Il va guérir le paralytique. Il lui dit: Lève-toi, prends ta civière et rentre chez toi. Le paralytique se leva et rentra chez lui. La foule réagit en rendant gloire à Dieu.

Matthieu a une façon bien caractéristique de traiter les miracles. Il simplifie les récits pour concentrer l’attention du lecteur sur une rencontre dans la foi entre une personne et Jésus. Il fait donc disparaître les détails concrets qui se trouvaient dans la source qu’il utilise (ici, c’est le texte de Marc). Le résultat est que ce récit interpelle le lecteur. C’est le même Jésus qui nous parle aujourd’hui. C’est de cette façon qu’il parle. C’est de cette façon qu’on s’adresse à lui.

Voyant leur foi.  Il s’agit de la foi du paralytique et des porteurs. Marc avait beaucoup de détails pour illustrer cette foi. Les porteurs arrivent devant la maison où se trouve Jésus. Il y a trop de foule pour qu’ils puissent entrer et déposer la civière aux pieds de Jésus (c’est là qu’elle est la foule qui apparaît à la fin du texte de Matthieu). Donc, toujours dans Marc, les porteurs montent sur le toit, le défoncent et descendent le paralytique aux pieds de Jésus. Alors Jésus voyant leur foi…c’est-à-dire la foi des porteurs.

Matthieu fait disparaître la scène du toit mais il ne corrige pas pour dire Voyant sa foi (la foi du paralytique) il conserve la forme de Marc: Voyant leur foi… La foi des porteurs fait partie de la réponse de Jésus au paralytique. La leçon pour les lecteurs reste évidente: l’intercession pour les autres, la prière pour les autres, ce qu’on fait pour les autres, tout cela a beaucoup de poids aux yeux du Seigneur.

La signification des miracles ressort très clairement des paroles de Jésus. La guérison physique est un signe de la guérison intérieure. Jésus a dit qu’il était venu pour donner la vie en surabondance. C’est ce que le miracle illustre. Nous avons tous besoin de cette vie. Nous avons tous besoin de plus de vie, de guérison. C’est le même Christ qui veut aujourd’hui répondre à notre besoin et nous rencontrer.

Dans une église byzantine (Chora à Istanbul), une mosaïque décrit la fin de la scène: le paralytique ne fait pas simplement rentrer chez lui; il court, une jambe en l’air, avec le grabat sur le dos! Il a vraiment rencontré le Seigneur !

Jean Gobeil SJ