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(Français) 2023/11/09 – Jn 2, 13-22

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Pourquoi vénérer un monument de pierre, la basilique du Latran, loin de nous et datant du 4e siècle ? Pourquoi rappeler la dédicace d’un tel monument ? Quel sens cette dédicace peut-elle avoir pour nous ?

Au début du 4e siècle, l’Église primitive a subi la plus terrible des persécutions, sous l’empereur Dioclétien. Avec le triomphe de Constantin, qui avait éliminé tous ses rivaux, l’Église sortait de l’ombre et rendait grâce à Dieu pour sa libération. Le nouvel empereur décrétait, en effet, que l’Église chrétienne était désormais religion légale, exempte de toute persécution. Pour remédier aux destructions commises sous l’empereur précédent, Constantin construisit plusieurs sanctuaires chrétiens.

À Rome, le domaine de la famille des Laterani faisait partie de la dot de Fausta, l’épouse de Constantin. Celle-ci en fit don à l’Église, qui édifia sur ce terrain une basilique pour servir de cathédrale au diocèse de Rome. La basilique primitive fut dédiée au Saint Sauveur. Après sa destruction par un tremblement de terre, en 896, elle fut reconstruite par le pape Serge III (904-911) et dédiée à Saint Jean Baptiste, auquel on associa l’apôtre Jean.

Une action qui provoque le jugement

Pour célébrer la dédicace de la basilique du Latran, la liturgie évoque la purification du Temple de Jérusalem par Jésus et sa réponse aux chefs juifs, qui exigeaient de lui un signe pour justifier son geste provocateur. Après la guérison de l’aveugle-né, Jésus déclarait: “Je suis venu en ce monde pour qu’un jugement ait lieu.” (Jn 9,39) Ce n’est pas Jésus qui juge, car il affirme qu’il ne juge personne (Jn 8,15), mais sa présence, ses actions et ses paroles provoquent la personne libre, qui se condamne elle-même en refu­sant la lumière (Jn 3,19). Dès le début de la mission du Christ, ses disciples évitent le jugement en croyant à la vue du signe du changement de l’eau en vin, à Cana (2,11). C’est maintenant le tour des autorités du judaïsme, à Jérusalem, de choisir et de se juger face à l’intervention du Christ dans le temple.

Voilà pourquoi l’évangéliste Jean place la purification du Temple au début du ministère de Jésus. Il veut montrer que toute la révélation du Christ qui suit est un appel à la responsabilité humaine et qu’elle provoque un jugement. Cette action audacieuse de Jésus équivaut à une censure des chefs de Jérusalem, qui, selon les autres évangiles, décident le Sanhédrin d’éliminer Jésus. Jean va in­diquer d’une manière équivalente que les chefs juifs refusent d’accueillir l’interpellation de Jésus et que leur refus se traduira par la persécution.

Un signe à découvrir

L’époque de ce signe, “la Pâque des Juifs“, évoque le moment où Jésus sera mis à mort par les autorités juives. L’évangéliste insinue déjà le rapport entre la purification du Temple et la passion du Christ. Dans le Temple, Jésus discerne tout le système commercial approuvé par les grands prêtres. Les dis­ciples ne comprennent pas sur le coup l’action de Jésus, mais ils découvri­ront le sens de ce signe après sa résurrection, lorsqu’ils auront reçu l’intelli­gence de l’Esprit.

La citation du psaume 69 provient d’un juste consumé par son zèle pour la Maison de Dieu. Or ce zèle pour le Temple attire à ce juste la persécution. Cette citation appliquée à Jésus signifie que son zèle pour purifier le Temple et le remplacer par son Corps glorifié se réalisera à travers ses souffrances et sa mort.

Les Juifs” dans ce contexte sont les autorités du Temple, prêtres, lé­vites et gardes. Ils sont les responsables de l’ordre de choses condamné par Jésus. En exigeant un signe, les Juifs veulent que Jésus prouve par une ac­tion extraordinaire que sa mission vient de Dieu. Paul dénonce cette exigence des Juifs (1 Cor 1,22), qui vise finalement à soumettre Dieu à une volonté humaine et à contrôler ses interventions dans notre monde.

Le Nouveau Temple

La réponse de Jésus, “Détruisez ce temple“, est ironique. Les Juifs ne veulent évidemment pas détruire le Temple de Jérusalem, mais leur décision de condamner le Fils de Dieu causera la destruction du temple de son corps physique, qui sera remplacé par son Corps ressuscité. Dans leur in­croyance, les Juifs seront eux-mêmes les instruments qui susciteront le signe qu’ils deman­dent. Pour répondre à l’exigence des Pharisiens, Jésus annoncera ailleurs (Mt 12,39s) le même signe qu’ici.

Les Juifs ne voient que le niveau immédiat du signe proposé par Jésus, ne pensant qu’à cet édifice de pierre. Stupéfiés par la déclaration du Christ, ils nous fournissent l’une des données chronologiques les plus précises des évangiles. La reconstruction du Temple par Hérode le Grand commença en 20/19 av. J.C. Une période de 46 ans nous conduit jusqu’en 27/28 ap. J.C. Cette date concorde avec la 15e année de Tibère, que signale Luc 3,1.

Ce n’est qu’après la résurrection de Jésus que ses disciples se rappelè­rent sa déclaration et crurent. Au moment de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, l’évangéliste note de la même manière que “lorsque Jésus eut été glorifié, ses disciples se souvinrent que cette prophétie avait été écrite à son sujet et qu’on avait ac­compli pour lui ce qu’elle disait” (Jn 12,16) Les disciples croiront et comprendront, mais non en raison du fait de la résurrection comme preuve de la véracité de ce que Jésus avait dit. Lorsque Jésus entrera dans la gloire, ils re­cevront l’Esprit (Jn 7,39), qui leur accordera l’intelligence de tous les signes accomplis par Jésus.

L’action de Jésus purifiant le Temple de Jérusalem revêt le même ca­rac­tère que l’intervention de certains prophètes antérieurs, en particulier celle de Jérémie (7,11). Au nom de Dieu, le prophète avait dénoncé les déviations du culte officiel et, par le fait même, les autorités qui présidaient à ce culte dé­gradé. Il s’attaquait à un lieu sacré, dont on avait fait un absolu. Le sanctuaire matériel était devenu objet de fierté et, en même temps, source de fausse sé­curité. On affirmait implicitement que Dieu était lié à cet endroit où il habitait, à l’exclusion de tout autre lieu.

Le prophète voulait détruire cette fausse sécurité et revendiquer la liberté abso­lue de Dieu. Mais on ne détruit pas sans péril ce que les autorités considèrent comme un absolu. Jérémie a failli y laisser sa vie. Les disciples de Jésus ver­ront dans ce juste du psaume 69, la figure de Jésus sacrifié sur la croix. Comme Jérémie, le Christ n’a pas re­couru à la violence ou à la force armée pour dénoncer le mal ou pour se protéger. Le sacrifice est plus efficace que l’apparent triomphe du persécuteur qui met à mort la victime.

Ce qui différencie l’intervention de Jésus de celle de Jérémie, c’est qu’elle ne se limite pas à l’aspect négatif de la destruction du sanctuaire. La présence miséricordieuse de Dieu disparaîtra du Temple de Jérusalem, mais pour réapparaître dans une personne vivante, dans l’homme parfait, et non plus dans un temple de pierre. La gloire de Dieu rayonnera dans son Fils in­carné en raison de son offrande parfaite dans le sacrifice de la croix. Dieu sera présent dans le Seigneur ressuscité et en toute personne unie à lui par la foi.

Le signe proposé par Jésus, comme le sens des paraboles, est inintelligible pour “ceux du dehors“. Aussi les Juifs ne peuvent percevoir dans la déclara­tion de Jésus que l’édifice matériel, construit en 46 ans. Seul, celui qui expé­rimente “de l’intérieur“, celui qui croit, peut saisir le lien entre le signe et la réalité cachée que le signe évoque. Aussi l’évangéliste Jean associe étroitement la foi et la connaissance. Mais la lumière d’en haut est requise pour atteindre une réalité de cet ordre. C’est seulement l’Esprit donné par le Seigneur glo­rifié qui permettra aux chrétiens de comprendre. Ils recevront l’Esprit en vertu de leur disponibilité de croyants.

Signification pour les chrétiens d’aujourd’hui

La somptuosité de nos sanctuaires manifeste la splendeur du Royaume de Dieu, mais cette beauté de nos édifices ne doit pas cacher pour nous l’essentiel. Les sanctuaires sont admirables parce que c’est le Seigneur ressuscité qui leur donne toute leur valeur. Il habite dans nos églises, mais surtout dans le cœur des chrétiens.

Nous ressentons tous le besoin d’unité à tous les niveaux, personnel, familial, communautaire, … Quand il s’agit d’un groupe, l’unité requiert la figure d’un chef et un centre physique vers lequel tout converge. En l’année 320, les églises chrétiennes étaient nombreuses, mais dispersées dans plusieurs provinces de l’empire romain et même au-delà de ses frontières. En contraste avec cette dispersion, Constantin avait refait l’unité politique entre l’Orient et l’Occident. À son tour, l’unité ecclésiale se réalisa autour du diocèse de Rome et de sa cathédrale.

La basilique du Latran, dont nous célébrons aujourd’hui la dédicace, symbolise donc l’unité chrétienne et nous rappelle la tradition séculaire de notre foi. N’oublions pas qu’elle demeurera un pur symbole matériel, si notre coeur n’y découvre pas la réalité que ce signe évoque.

Jean-Louis D’Aragon SJ

(Français) 2023/11/08 – Lc 14, 25-33

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Aux foules qui le suivent, Jésus déclare que pour être son disciple il faut lui donner la priorité absolue, même sur sa propre vie, et être prêt à prendre sa croix pour le suivre. Pour prendre cet engagement, comme pour celui qui entreprend une construction importante ou comme le roi qui s’engage dans une campagne de guerre, il faut être conscient des conséquences de cet engagement. On ne peut être son disciple à moins de renoncer à tous ses biens.

L’auditoire est changé: au lieu d’un repas avec des Pharisiens, Jésus s’adresse à des foules. Luc ne dit pas qu’elles suivent Jésus, un mot qu’il garde pour ceux qui sont des disciples. Mais elles marchent avec lui: c’est un auditoire plus sympathique que les Pharisiens qui l’observaient.  Ce n’est pas hasard que Luc a mis ces paroles de Jésus après la parabole du festin où les premiers invités qui avaient refusé de venir étaient remplacés par des gens de condition beaucoup plus humble. C’est un avertissement que pour répondre à l’invitation du Royaume et être ses disciples il y a des exigences.

Venir à Jésus n’est pas suffisant pour être un disciple. Il y a un engagement à prendre. Il faut lui donner une priorité absolue, une priorité sur toute autre bonne chose ou personne et même sa propre vie. Ensuite, pour marcher derrière lui, c’est-à-dire le suivre ou être son disciple, il faut porter sa croix. Pour les auditeurs, cela veut dire partager ses difficultés et ses épreuves. Mais pour les lecteurs de l’évangile, les chrétiens, c’est une anticipation du Calvaire: un disciple doit s’unir à la Passion du Christ. Saint Paul parle de compléter la Passion du Christ.

On ne peut donc s’engager à la légère. Il faut prévoir et se préparer comme l’illustrent les deux paraboles: celui qui bâtit une tour, une structure de défense, et celui qui engager une opération militaire. Les deux doivent se préparer et ne pas négliger de voir les conséquences de leur démarche: on ne peut pas rebrousser chemin.

La préparation pour un disciple est résumée dans la dernière phrase: il faut renoncer à tous ses biens.  C’est dire que la préparation suppose le rejet ou la séparation de tout ce qui empêche d’être donné totalement au Christ.

Jean Gobeil SJ  

 

 

 

 

 

 

(Français) 2023/11/07 – Lc 14, 15-24

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Au cours d’un repas chez un chef des Pharisiens, un convive en entendant parler Jésus déclara: Heureux celui qui participera au repas dans le Royaume de Dieu. Jésus alors raconte une parabole. Un homme avait préparé un grand repas. Le moment venu il envoie avertir les invités. Ils se dérobent: l’un a acheté un champ, un autre cinq paires de bœufs et un autre vient de se marier. Le maître alors envoie un serviteur dans les rues de la ville ramener des pauvres, des estropiés, des aveugles et des boiteux. Comme il reste encore de la place, il l’envoie en dehors de la ville sur les routes et les sentiers en ramener d’autres pour que sa maison soit remplie. Aucun des premiers invités ne profitera du banquet.

C’est un jour de sabbat où Jésus a été invité à un repas chez un chef des Pharisiens, ce qui veut dire que les convives doivent être des Pharisiens ou des gens du même rang social. Les Pharisiens ont commencé à avoir des soupçons sur Jésus. On a déjà mentionné qu’ils l’épiaient (Luc 6,7) et aujourd’hui à ce repas on l’observe (14,1).

Un malade s’est présenté et Jésus l’a guéri. Personne n’a osé parler. Jésus fait ensuite une recommandation aux convives de ne pas choisir les premières places. Se glorifier soi-même ne vaut pas une glorification faite par un autre. Il s’adresse ensuite à son hôte sur le choix des invités. S’il invite des gens de l’élite comme ceux de son milieu, ils lui rendront la pareille: sa seule récompense sera donc la réciprocité. Si au contraire il invite des gens qui ne peuvent pas lui rendre son invitation comme des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles, en somme des gens en marge de la bonne société, heureux sera-t-il puisque ce sera Dieu qui le lui rendra lors de la résurrection des justes. C’est la seule rétribution qui est importante. Le traitement des pauvres est un thème sur lequel Luc revient souvent mais la liste qu’il vient de donner va revenir dans notre texte avec un autre sens.

C’est la mention de la résurrection des justes qui amène un convive à déclarer:  Heureux celui qui participera au repas dans le Royaume de Dieu.

C’est une remarque bien générale qui ne dérange personne dans l’immédiat et c’est ce qui amène la parabole de Jésus.

Quelqu’un a préparé un grand dîner et fait un grand nombre d’invitations. Il envoie un serviteur dire aux invités:   Venez, maintenant le repas est prêt.

Les “maintenant” comme les “aujourd’hui” sont importants dans Luc.

C’est dans Luc que Jésus dit: Voici, le Royaume de Dieu est parmi vous.  (17,21)

Il n’est pas dans le futur, ni ailleurs: il est ici.

A Zachée, le riche publicain, il déclare: Descends  vite, car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi.

Et il conclut à la fin de l’épisode: Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison.   (19,5.9)

Jésus en croix dit au bon larron: En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis. (23,43)

Sous-jacente à la parabole que nous avons, il y a une question adressée aux convives: Allez-vous maintenant, vous aussi, refuser l’invitation, comme les premiers invités?

Devant le refus des premiers invités, le maître de la parabole, envoie un serviteur (Jésus) dans la ville d’abord pour inviter des pauvres, des estropiés, des aveugles et des boiteux. C’est la liste que Jésus avait déjà utilisée pour illustrer des pauvres. Ici, la liste sert à donner des exemples de ces gens que Jésus aimait particulièrement alors qu’ils étaient en marge de la société.

Le maître envoie encore son serviteur en dehors de la ville, sur les routes et les sentiers de la campagne pour en ramener d’autres qui sont encore plus loins que les marginaux de la ville, comme le seront les païens et les non-juifs.

Jésus avait déclaré à Zachée: Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.

C’est la déclaration qui, pour Luc, est fondamentale pour la personne de Jésus.

Il est le serviteur qui est venu apporter l’invitation et il espère une réponse maintenant.

Jean Gobeil SJ  

 

 

 

(Français) 2023/11/06 – Lc 14, 12-14

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Aux nombreux barbecues que nous nous offrons en été, l’évangile d’aujourd’hui nous conseille d’inviter, non pas des amis, des parents et de riches voisins qui pourront à leur tour nous rendre la pareille, mais plutôt des pauvres, des estropiés, des boiteux et des aveugles incapables de renvoyer l’ascenseur. Ce texte très bref surprend parce qu’il souligne ce qui passe souvent inaperçu : les relations sociales normales ressemblent à un investissement. D’y penser, même l’amour des parents pour leurs enfants n’échappe pas complètement au calcul. Les parents acceptent des sacrifices, parfois à la limite de l’impossible, mais, dans toutes les cultures, on attend des enfants qu’ils prennent soin de leurs vieux parents : une sorte de remboursement de la dette.

Même dans cet évangile, l’abnégation demandée n’est pas totale. Une récompense est promise, bien qu’il faille attendre le jugement dernier pour la toucher : « …en effet, cela te sera rendu à la résurrection des justes. » Remarquons en passant que l’encouragement à la générosité n’est pas ce qui fait du christianisme une religion unique en son genre. S’il fallait ramener tout l’enseignement du bouddhisme à un seul mot clé, ce serait le mot compassion. Et l’obligation de l’aumône est l’un des cinq piliers de l’islam qui proclame que tous les biens appartiennent à Allah, et que personne n’a le droit d’en user et d’en abuser pendant que d’autres crèvent de faim. Cela dit, il semble que les religions ne croient pas que la nature humaine soit capable d’une abnégation absolue. La vertu paye en fin de compte, en ce monde ou dans l’autre. Selon le christianisme et l’islam, ce que nous aurons donné aux pauvres sans espoir de retour nous sera rendu au dernier jour. Et selon le bouddhisme, notre compassion hâtera notre accès au Nirvana, à la cessation des réincarnations qui sont des rechutes dans la souffrance, dans le désastre.

Il faut chercher longtemps avant de trouver dans les textes sacrés des diverses traditions spirituelles de l’humanité de rares passages qui laissent entrevoir la possibilité, chez l’être humain, d’une générosité inconditionnée et sans limites. C’est le cas dans le bouddhisme Mahayana (grand véhicule) qui a inventé la notion du boddhisatva : un être qui a réussi à sortir de la roue des réincarnations, mais qui choisit de renoncer à la paix définitive tant qu’il y aura encore des humains piégés dans l’affreux processus des renaissances. Le boddhisatva s’engage donc dans un bénévolat infini dont il n’espère rien de plus que ce qu’il a déjà obtenu. La théologie chrétienne contient une théorie qui n’est jamais devenue très populaire mais qui entrouvre aussi la porte à une générosité sans comptabilité des coûts et bénéfices. C’est la théorie du jour de l’apocatastase ou de la réconciliation finale. Selon Origène, ce jour-là, Lucifer lui-même deviendra ami de Dieu. Cela veut dire que tout le monde sera proclamé juste. Dans ce cas, ma générosité actuelle ne m’assurerait rien que d’autres, y compris les méchants, n’auront pas à la fin des temps. En islam, c’est Rabi’a, une femme mystique, poétesse de la divinité, qui a proposé une vision de la vertu « qui n’espère aucune récompense et ne craint aucun châtiment ». Elle mit en scène sa vision de l’amour pur de façon saisissante : un jour, des soufis rencontrèrent Rab’ia qui courait avec une torche enflammée dans une main et un récipient d’eau dans l’autre. Ils lui demandèrent : « Où vas-tu, ô dame du monde futur? » Elle répondit : « Je vais incendier le paradis et éteindre l’enfer… »

Melchior M’Bonimpa

(Français) 2023/11/04 – Lc 14, 1.7-11

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« Les propos de table » sont un genre dans lequel un sage répond aux questions des convives et donne son avis sur divers sujets. Depuis la Grèce antique, ce genre littéraire s’était répandu chez les philosophes, en particulier dans la société juive à l’époque de Jésus. Issu du monde grec, Luc, particulièrement sensible à ce genre, a colligé les scènes de repas où Jésus dégage d’un fait accidentel un principe pour diriger la conduite humaine.

Dans ces repas, l’ambition des convives se manifestait dans la précipitation des convives pour choisir les meilleures places autour de la table. Avant le banquet, chaque invité s’installait à la place qui, selon lui, convenait à sa dignité, parfois à un niveau plus élevé que celui qu’il méritait, espérant que son hôte n’osera pas le déranger pour lui désigner une place inférieure.

Une stratégie judicieuse

Contrairement à cette manifestation enfantine d’ambition, Jésus conseille aux convives de se comporter avec modestie, en prenant la dernière place. L’hôte qui les invite s’apercevra qu’un de ses invités mérite d’être mieux considéré et d’occuper une place plus élevée. Au lieu d’être confondu à la suite de sa conduite égoïste et ambitieuse, cet humble invité aura la satisfaction de recevoir une attention spéciale de la part de son hôte, qui le conduira à un siège honorable.

L’ambition humaine trouve plusieurs autres manières de se manifester. L’une des plus fréquentes à toute les époques s’étale dans la vantardise. Certaines personnes ne s’intéressent pas à ce que font ou à ce que pensent les autres, mais elles parlent seulement d’elles-mêmes. Elles se complaisent dans leurs réussites, dont elles magnifient souvent les traits pour solliciter l’approbation et l’admiration de leurs auditeurs. Si elles savaient comment ceux-ci les jugent intérieurement. Quand ces vantards ont le dos tourné, les gens se moquent d’eux et de leur fatuité. Ils ont essayé d’occuper les premières places, mais leurs interlocuteurs les relèguent avec les fats.

Le renversement des situations

On pourrait penser que Jésus transmet à ses auditeurs un simple principe social de courtoisie, une manière de se conduire pour être bien considéré et accepté dans une société. Luc cependant introduit l’enseignement de Jésus en lui donnant le titre de « parabole » : « Remarquant que les invités choisissaient les premières places, il leur dit cette parabole. » Jésus ne se limite donc pas à la seule politesse sociale, mais celle-ci évoque pour lui la manière de se conduire dans un ordre supérieur.

La mort marque la frontière entre deux univers, celui de ce monde-ci et celui du Royaume de Dieu. De l’un à l’autre, les valeurs et les situations sont renversées. Ce thème, cher à Luc, se retrouve à quatre reprises dans le 3e Évangile. Au tout début, Marie l’annonce dans son action de grâce :

« Le Seigneur a mis en déroute les hommes au cœur orgueilleux,

il a renversé les rois de leurs trônes

et il a placé les humbles au premier rang.

Il a comblé de biens ceux qui avaient faim,

Et il a renvoyé les riches les mains vides. »  (Lc 1,51-53)

Dans la parabole du riche et du pauvre, Jésus illustre ce thème en décrivant le bonheur de Lazare, après sa mort, dans l’intimité de Dieu, tandis que le riche subit la condamnation et la souffrance. S’adressant au riche, Abraham (c’est-à-dire Dieu) lui dit : « Souviens-toi que tu as reçu beaucoup de biens pendant ta vie, tandis que Lazare a eu beaucoup de malheurs. Maintenant il reçoit ici sa consolation, alors que toi tu souffres. » (Lc 16,25)

Pour enlever leur illusion « ceux qui se croyaient justes aux yeux de Dieu et méprisaient les autres », Jésus leur proposait la parabole qui met en contraste le pharisien et le publicain en prière dans le temple. En conclusion de cette parabole, Jésus répète de nouveau cette même vérité du renversement des situations: « Quiconque s’élève sera abaissé… » (Lc 18,14)

Pourquoi un tel changement de condition? Pourquoi l’orgueilleux se retrouve-t-il au dernier rang, alors que le pauvre est élevé à la première place? C’est que le riche est devenu suffisant, replié et centré sur lui-même, pour découvrir finalement la pauvreté de sa solitude. Le pauvre, au contraire, ne se regarde plus, puisqu’il n’a rien ; il s’ouvre à son Seigneur, qui peut combler son dénuement. C’est pourquoi Jésus déclare que les enfants, les démunis, les marginaux de la société auront les premières places dans le Royaume de son Père.

Jean-Louis D’Aragon SJ 

 

 

(Français) 2023/11/03 – Lc 14, 1-6

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Dans une réunion, nous avons tous tendance de nous joindre à des personnes connues, parents ou amis. Nous préférons converser avec des gens qui partagent nos points de vue, nos idées et même nos préjugés. La conversation est plus facile, sans effort ni discussion. Mais que retire-t-on de telles rencontres ? Aucune idée nouvelle, aucune perspective originale, mais seulement le délassement dans la passivité.

Jésus chez un chef pharisien

Jésus ne craint pas de rencontrer des gens qui ne pensent pas comme lui et qui sont même des adversaires. Il ne veut pas emprunter leurs idées, ni les affronter pour le plaisir de les confondre, mais leur offrir l’Évangile de la liberté. Voulant leur bien, il accepte l’invitation d’un chef pharisien et il a l’audace d’entrer chez lui, sachant bien qu’il sera la cible de tous les assistants, qui chercheront même à le prendre en défaut.

L’enseignement de Jésus se déroule en quatre brefs épisodes, autour d’une table, chez le pharisien qui l’avait invité.  Il participe au repas de fête pour célébrer le sabbat, mais que la Loi entoure de prescriptions contraignantes.

Jésus a conscience d’être l’Envoyé de Dieu pour répandre la vérité qui libère et qui permet de vivre dans la sérénité et la paix. Même si les assistants l’observent et l’épient, le Christ domine la situation, affrontant lucidement le soupçon et la critique.

Jésus guérit

Dieu avait créé le sabbat pour que, une fois par semaine, tous les membres du peuple, libres ou esclaves, jouissent d’un jour de repos et de joie. C’était une loi humanitaire, qui marquait un progrès social que les autres peuples de cette époque ne connaissaient pas. L’observance du sabbat était l’un des signes qui distinguaient le peuple élu de ses voisins.

Mais les traditions des Pharisiens avaient accumulé une série de règlements et d’interdictions qui prévoyaient les moindres détails pour observer rigoureusement le repos du septième jour. Ces restrictions, malheureusement, faussaient l’intention du Créateur. Au lieu d’être un jour de joie pour tous, le sabbat était devenue un jour pénible avec 39 interdictions qu’il fallait observer. En revendiquant la liberté humaine, Jésus veut rendre au sabbat sa signification originelle. Il apporte le bien-être et la joie aux malades le jour du sabbat. Jésus établit le principe fondamental qui doit guider tout le monde : « Le sabbat a été fait pour l’homme (son repos et son bien-être), et non pas l’homme pour le sabbat (pour être soumis aux lois du sabbat). » (Marc 2,27) Pour insister sur la volonté expresse de Jésus, Luc rapporte sept incidents au cours desquels Jésus guérit des malades le jour du sabbat, montrant ainsi que le rétablissement du bien-être corporel est le signe de la paix et de la joie.

Provoqué par l’homme atteint d’hydropisie qu’on a placé devant lui, Jésus répond en interrogeant les pharisiens présents : « Est-il permis de guérir le jour du sabbat ? » Ses interlocuteurs ne répondent rien, car ils se trouvent dans un dilemme. S’ils répondent que cette guérison est interdite, ils manquent de sympathie élémentaire envers le malade. S’ils disent qu’il est permis de guérir ce malade, ils s’opposent à la Loi, qui, selon leur interprétation, interdit cette guérison.

L’esclavage de la Loi

Un enfant ou un animal tombant dans un puits ou dans une citerne ouverte était un accident fréquent dans la Palestine de cette époque. Les docteurs de la Loi avaient envisagé toutes les possibilités de sauver l’enfant ou l’animal, tout en observant la Loi. L’imagination de la casuistique se montrait fertile en stratagèmes. Par exemple, on suggérait de jeter des coussins et des couvertures pour que l’enfant ou l’animal se hisse hors du puits par ses propres moyens. Pour d’autres scribes, plus libéraux, la mort imminente de l’enfant ou de l’animal permettait un travail de sauvetage, qui ne pouvait attendre le lendemain. Mais la guérison d’un malade n’était pas un cas urgent, comme le rappelle à la foule le chef d’une synagogue, qui réagit violemment à la guérison d’une femme courbée depuis dix-huit ans : « Il y a six jours pendant lesquels on doit travailler ; venez donc vous faire guérir ces jours-là et non le jour du sabbat ! » (Lc 13,14)

On pourrait penser que ce chef de synagogue avait raison, si on veut observer la Loi. Une guérison n’est pas un cas urgent. Le malade a souffert probablement pendant plusieurs mois ; il peut donc attendre le lendemain du sabbat, un jour de plus, pour être guéri. Pour Jésus, au contraire, la souffrance est inconciliable avec un jour de joie. Pour correspondre à l’intention de Dieu, il convient d’alléger toute souffrance, sans attendre un jour de plus, même si c’est le jour du sabbat.

Jésus proclame par son action et par son enseignement que le Royaume qu’il instaure a pour but la joie pour toute personne qui l’accueille. La Loi est une lumière pour nous diriger, car elle exprime la volonté de Dieu, qui veut nous indiquer le chemin de la vie et du bonheur. Mais La Loi écrite, extérieure à nous, ne contredit jamais la loi inscrite dans notre cœur par le Créateur, que l’Esprit Saint interprète pour notre conscience. Dieu n’a jamais voulu que sa Loi devienne un esclavage pour ses enfants. Saint Paul le rappelle aux chrétiens de Galatie :« Vous avez été appelés à la liberté…. Ne vous remettez pas sous le joug de l’esclavage. » (Gal 5,1.13)

Jean-Louis D’Aragon SJ 

(Français) 2023/11/02 – Jn 14, 1-6

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Le décès d’un père, d’une mère, d’un ami,… nous blesse au cœur. Tout départ, toute séparation est une tragédie. Les liens d’amour, tissés pendant de longues années semblent coupés. Qu’adviendra-t-il dans les jours, les semaines à venir ? La disparition de la personne aimée, en qui nous avions confiance, laisse un vide qui nous angoisse.

La pensée de la séparation imminente de leur Seigneur jette dans la tristesse et la peur les disciples de Jésus, ainsi que les chrétiens au temps de l’évangéliste. Ils sont perturbés pour le sort de leur Maître et pour leur propre avenir. Jésus les exhorte à bannir cette détresse et cette peur par la foi à sa promesse de les rassembler auprès de lui.

Tous réunis dans la maison du Père

Jésus encadre ses paroles d’encouragement par le même thème, “Que votre coeur ne se trouble pas“, répète-t-il. (vv. 1 et 27) à ses disciples et à tout chrétien, angoissés par le départ et l’absence de leur Maître, en qui ils ont mis toute leur espérance. Ils sont prêts à succomber au doute et même au désespoir. L’unique remède à la tristesse se trouve dans la foi en Dieu et en Jésus. Les disciples doivent croire que le tragique départ de leur Seigneur amènera la glorification, l’apothéose du Christ auprès de son Père. Il deviendra alors la source de leur propre glorification dans la maison du Père.

L’amour de Dieu, le Père, s’étend à tous les croyants rassemblés hors de ce monde mauvais. L’expression “plusieurs demeures” montre l’ampleur de la maison de Dieu, mais non la diversité des degrés dans le bonheur. L’amour infini de Dieu s’étend à toutes ses créatures.

À ses dis­ciples angoissés par son départ, Jésus promet qu’il reviendra les prendre avec lui (v.3). Telle est le sens de la mort chrétienne : la rencontre avec le Christ glorieux, qui nous rassemblera avec tous nos parents et nos amis, cette famille de Dieu, dans la maison de notre Père. De même qu’il part préparer une place aux siens, ainsi Jésus nous assure qu’il reviendra nous prendre avec lui.

Jésus, le chemin vers le Père

Il est impossible, par nous-mêmes, de franchir le chemin qui mène à notre patrie. Thomas a raison, car nous ne connaissons même pas ce bonheur indicible de l’amour et de la vie, “là où Jésus s’en va”. Même en le connaissant, nous n’aurions pas la force d’en parcourir le chemin.

Dans sa réponse à Thomas, Jésus recourt à l’expression caractéristique, “Je suis“, qui révèle les principaux attributs de sa personne. Comment Jésus est-il “le chemin” vers le Père? Parce qu’il est la vérité, c’est-à-dire la révélation du Père, en sorte que les humains, en le connaissant, découvrent le Père en lui. Lorsque les croyants le voient, ils voient le Père. Il est aussi le chemin, parce qu’il est la vie, puisqu’il vit dans le Père et que le Père vit en lui. Il est le Médiateur, le canal, par lequel la vie de Dieu parvient aux chrétiens. Jésus, “le chemin“, désigne donc l’essentiel, que “la vérité” et “la vie” explicitent.

Jésus est “le chemin” qui mène au Père de trois manières.  Il ouvre la voie en passant le premier par le sacrifice volontaire de sa vie pour ressusci­ter dans la gloire. De plus, il accorde la grâce de parcourir le même chemin en donnant aux siens la lumière et la force de l’Esprit. Enfin Jésus incorpore les chrétiens en lui-même pour franchir la route avec nous. Il meurt avec nous et res­suscite avec nous. Cette image traditionnelle du “chemin” rappelle la marche du peuple vers la Terre promise et la progression de notre pèlerinage ici-bas vers la patrie.

Personne ne va au Père sans passer par moi” reprend une affir­mation fondamentale que l’évangéliste avait déjà proclamée (1,18; 3,13). Jésus est donc l’unique Médiateur entre Dieu et l’humanité. En rappelant cette af­firmation de Jésus, Jean pensait aux multiples mouvements religieux de son époque. Il n’y a pas plusieurs voies pour atteindre Dieu. À une époque comme la nôtre, la prétention de Jésus pourra paraître intransigeante, mais c’est l’intransigeance de la vérité, qui est unique.

Jésus ne veut pas que nous soyons bouleversés, ni par les tragédies de notre monde, ni par la perspective de notre mort. Il nous souhaite la paix et la joie, que doit nous procurer notre rencontre avec notre Seigneur. Il suffit de remettre sa vie, dans un sacrifice d’amour et de confiance, entre les mains de notre Père.

Jean-Louis D’Aragon SJ

 

(Français) 2023/11/01 – Mt 5, 1-12

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Les béatitudes sont annoncées aux disciples.

Heureux les pauvres de coeur: le Royaume des cieux est à eux.

Heureux les doux: ils posséderont la terre.

Heureux ceux qui pleurent: ils seront consolés.

Heureux ceux qui ont faim de justice: ils seront rassasiés.

Heureux les miséricordieux: ils obtiendront miséricorde.

Heureux les coeurs purs: ils verront Dieu.

Heureux les artisans de paix: ils seront appelés fils de Dieu.

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice: le Royaume des cieux est à eux.

Heureux ceux qui sont persécutés à cause du Christ: leur récompense sera grande dans les cieux.

Quand les disciples de Jean Baptiste sont venus demander à Jésus s’il était le Messie ou s’il fallait en attendre un autre Jésus a répondu en décrivant son oeuvre à la manière d’Isaïe:

les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.   (Matthieu 11,4)

C’était là des oeuvres de libération qui étaient des signes de la libération intérieure qu’apportait la présence du Royaume. C’était souvent complété par des remarques comme: ta foi t’a sauvé ou tes péchés te sont remis,  pour souligner que cette libération était avant tout intérieure.

La liste des béatitudes au début du sermon sur la montagne donne des exemples de ceux qui sont ouverts pour accueillir le Royaume et sa libération. On peut les caractériser par ce que l’Ancien Testament appelait les anawim de Yahvé, les pauvres dans le sens des petits de Yahvé. Ce sont ceux qui connaissent leurs limites et leurs faiblesses et qui savent que par leur propres moyens ils ne peuvent atteindre la libération et que Dieu seul peut combler leur attente. On les appelait aussi des justes comme le vieillard Siméon lors de la présentation de Jésus au temple. On disait de lui qu’il était juste et pieux parce qu’il attendait la consolation d’Israël et que l’Esprit Saint reposait sur lui. Dans le Nouveau Testament, on les appelle les saints, qu’ils soient déjà dans le repos de Dieu ou qu’ils soient encore dans les communautés chrétiennes. Comme dit le Psaume 95, ils ont été créés par Dieu, appelés par Lui et ils ont répondu à son appel. Ils constituent le peuple de Dieu, le peuple de ceux qui ont cherché  la face de Dieu.

La fête de la Toussaint célèbre ceux du peuple de Dieu qui sont déjà dans le repos et la présence du Seigneur, les justes qui ont été rendus parfaits,  mais on célèbre aussi le fait que nous faisons partie du même peuple comme le dit l’épître aux Hébreux:

Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste, et de myriades d’anges, réunion de fête, et de l’assemblée des premiers-nés qui son inscrits dans les cieux, d’un Dieu Juge universel et des esprits des justes qui ont été rendus parfaits.        (Epître aux Hébreux 12,22-23)

Jean Gobeil SJ 

(Français) 2023/10/31 – Lc 13, 18-21

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Deux paraboles pour illustrer un aspect du Royaume de Dieu: la petite graine de moutarde qui pousse pour devenir un arbre dans lequel les oiseaux viennent nicher et un peu de levain qui fait lever une grosse quantité de farine.

La première parabole se retrouve aussi dans les évangiles de Marc et Matthieu; la seconde, dans Matthieu seulement.

Le sens est le même dans les deux paraboles: le Règne de Dieu a un début modeste dans la communauté chrétienne mais c’est le commencement d’un processus qui aura un grand développement. Luc a situé ces deux paraboles après une attaque par les adversaires de Jésus. Elles fournissent donc une réponse et un encouragement aux communautés qui subiraient les mêmes attaques et qui auraient des doutes ou des inquiétudes sur le Royaume de Dieu.

Le caractère humble et caché des débuts est illustré par la petite graine dans la terre et par le levain caché dans la farine. Pour montrer la grandeur du développement, on a exagéré les deux images: une plante potagère qui devient un arbre et une femme qui utilise la recette d’un boulanger, trois mesures de farine, c’est-à-dire 40 litres! Et le levain fait tout lever.

Mais l’image de l’arbre intéresse Luc. Dans Matthieu, à la suite de Marc, les oiseaux viennent se réfugier dans l’arbre. Dans Luc les oiseaux viennent y demeurer: ils y font leur nid. C’est l’image du Royaume qui rassemble tous les peuples et dont la propagation sera décrite par Luc dans le livre des Actes des apôtres.

La figure du levain évoque non seulement la puissance et la force du Royaume mais encore son action cachée: le levain est toujours invisible. Il en de même pour la présence et l’action du Royaume. On peut voir ses effets mais on ne peut pas le mesurer. Une foi humble a toujours son rôle pour accueillir le Royaume de Dieu.

Jean Gobeil SJ

 

 

 

 

 

 

 

 

(Français) 2023/10/30 – Lc 13, 10-17

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Un jour de sabbat, Jésus est en train d’enseigner dans une synagogue. Il voit une femme courbée, ne pouvant se redresser complètement : une maladie attribuée à une action satanique. Le texte précise qu’elle était dans cet état lamentable depuis dix-huit ans. Spontanément, sans qu’elle le lui demande, Jésus la guérit par sa parole performative, « Femme, te voilà libérée de ton infirmité », et par le rite de l’imposition des mains. Le chef de la synagogue désapprouve ce « travail accompli » le jour du sabbat. Jésus riposte en faisant appel à la pratique courante des villageois bien obligés, même le jour du sabbat, de « détacher » leurs bêtes pour les mener à boire. Il pose alors la question : cette « fille d’Abraham » liée par Satan depuis dix-huit ans, fallait-il refuser de la délier le jour du sabbat qui est jour de salut par excellence?

Bien entendu, le chef de la synagogue qui ne s’attendait certainement pas à cet argument n’a pas su que répondre. Peut-être aussi qu’il s’est tu pour ne pas s’attirer l’hostilité de la foule qui approuvait Jésus et « se réjouissait de toutes les merveilles qu’il faisait. » Remarquons que ce légaliste obtus et sans cœur n’était quand même pas totalement isolé, car Jésus ne l’interpelle pas personnellement : il apostrophe un groupe d’« esprits faux » qui, plus loin, sont appelés « adversaires ». Le chef de la synagogue était donc un peu comme le porte parole d’un groupe bien précis que Jésus vilipende collectivement.

À distance, ce groupe nous semble totalement stupide, car le geste de Jésus paraît inattaquable. En fait, l’enjeu n’est peut-être pas « le sabbat ». Si Jésus avait guéri cette femme un autre jour, ses adversaires n’auraient probablement pas applaudi. L’objet de la querelle, c’était tout simplement le pouvoir. Ce que faisait Jésus le rendait populaire auprès des petites gens, mais ses adversaires en devenaient amers car, comparés à lui, « les sondages » les donnaient perdants. Ils contre-attaquaient donc sur le terrain de la loi, mais en faisant cela, ils trichaient en utilisant la loi comme un instrument de vengeance alors que la justice est son but fondamental. Et Jésus a beau jeu de mobiliser contre eux ce détournement éhonté.

Tricher avec la loi n’est pas une habitude caractéristique de la seule époque de Jésus. C’est le sport favori de notre monde contemporain, car ça rapporte. Nous sommes parfois victimes et parfois auteurs ou complices de ce genre de détournement. Nous signons souvent des contrats sans avoir lu des clauses en bas de page et en lettres minuscules qui limitent drastiquement ou annulent carrément les engagements de ceux qui nous vendent leurs marchandises ou leurs services. Nous engageons des avocats futés pour nous éviter d’assumer les conséquences des crimes que nous avons commis. Parfois, c’est l’inverse : des spécialistes du droit sont payés pour établir notre culpabilité alors que nous sommes innocents. Nous mettons nos grandes fortunes dans des paradis fiscaux, privant ainsi nos États de moyens à mettre en œuvre pour le bien-être de nos concitoyens dans le besoin. Nous inventons de nouvelles catégories de prisonniers de guerre, du genre « combattants illégaux », pour nous soustraire aux obligations de la « Convention de Genève » que nous avons pourtant signée.

Qui d’entre nous pourrait jurer de n’avoir jamais cédé au jeu de détourner la loi, la contourner, la dénaturer, l’instrumentaliser en l’interprétant dans le sens de ses intérêts? L’appel à la conversion ne s’adresse donc pas uniquement aux contemporains de Jésus, mais à nous tous qui nous comportons comme eux.

Melchior M’Bonimpa