Nous avons dans l’Évangile d’aujourd’hui un bon exemple du message de Jésus auquel se réfère la pape François quand il parle de « périphéries ».
Un jour, Jésus montait à Jérusalem. C’est un jour de sabbat. Avant d’aller au Temple, qui se trouve au cœur de la ville, Jésus passe par la périphérie de Jérusalem. Il passe par la Porte des Brebis, et près de cette porte se trouve une piscine, appelée Bethzatha. Cette piscine avait cinq colonnades, sous lesquelles étaient couchés une foule de malades, aveugles, boiteux et impotents. Ce sont eux la périphérie dont parle le pape, puisqu’ils sont rejetés de la société, laissés dans la marge. Cet évangile nous plonge dans la foi en notre baptême.
Cette piscine était donc en périphérie Jérusalem et attirait une foule de personnes en quête de guérison. Les eaux de cette piscine étaient reconnues pour avoir un pouvoir de guérison car l’ange du Seigneur y venait régulièrement. Elle contenait une eau-vive ! La même eau que la Samaritaine a reçu au puits de Jacob.
Jésus n’attend pas qu’aucun d’entre eux ne vienne à lui. Il va vers eux. Il s’informe de leur situation. On lui parle de l’un en particulier, un homme paralysé depuis trente-huit ans. Il ne lui impose rien. Il lui demande ce qu’il désire. « Veux-tu retrouver la santé ? ». L’autre ne semble plus avoir de désirs.
En fait, après tant d’années malade, il s’est résigné au fait qu’il n’y a personne pour s’occuper de lui. Jésus le ramène donc à sa dignité. Il ne lui dit pas « je te guéris ». L’action de Jésus a été instantanée ; trois impératifs de bonté, c’est tout : « Lève-toi ! Prends ton grabat ! Marche ! »
En d’autres mots Jésus lui dit : arrête de t’apitoyer sur ton sort, il y a pire, « arrête de geinte » dirait la Conteste de Grantham … et utilise toute cette énergie qui est en toi, et met-là au service de te lever …, de prendre ton grabat et de marcher. Et cet homme qui ne connait pas Jésus, qui ne demande rien, qui ne manifeste aucun autre signe de foi que celui d’obéir à l’ordre qu’il reçoit, est guéri. C’est après avoir fait ce détour vers la périphérie, après avoir manifesté de la bonté concrète pour un être humain concret, nécessiteux, que Jésus monte au Temple.
Une fois n’est pas coutume, mais je trouve l’homélie du pape sur cet évangile très belle et parlante pour nous aujourd’hui. Je vous la cite un peu. Il l’a dite pendant la Carême 2020 ! Pendant la pandémie.
Nous pouvons tirer 2 leçons de cet évangile : d’abord, l’attitude de cet homme …, était-il vraiment malade ? Oui, peut-être, il avait une sorte de paralysie, mais il semble qu’il pouvait marcher un peu.
Mais il me semble surtout qu’il était malade dans son cœur, dans son âme, il était malade de pessimisme, de tristesse, et de ce que les Pères du désert appelaient l’acédie, de l’Akédéia, de la maladie d’un manque de soin pour soi-même et pour sa vie intérieure dans le domaine religieux.
Cette maladie, c’est : « Oui, je veux vivre, je veux guérir, mais…, non, et la personne se plaint : Le malade de la piscine de Bethzatha, dit : « Ce sont les autres qui arrivent les premiers, toujours les autres ». Et la réponse à la demande de Jésus : « Veux-tu être guéri ? est une plainte contre les autres. Pendant 38 années, cet homme s’est plaint contre les autres. Et sans rien faire pour guérir.
Cette guérison est arrivée un samedi, jour de Sabbat. C’est la clé pour comprendre cet événement. Alors que Jésus est au Temple pour prier, il rencontre une deuxième fois notre homme, guérit cette fois, et lui dit : « Te voilà guéri. Ne pèche plus, il pourrait t’arriver quelque chose de pire ». Cet homme était dans le péché, (l’acédie), Jésus guérit son cœur.
Jésus le guérit de se plaindre de la vie d’autrui : il le guérit du péché de sa tristesse, de cette incapacité à prendre une décision sur sa vie, mais de toujours regarder la vie des autres pour se plaindre, il le guérit de son acédie.
Nous connaissons des personnes avec cette maladie, des chrétiens et des chrétiennes qui vivent dans cet état d’acédie, incapables de faire quelque chose, mais se plaignant de tout.
L’acédie peut être un venin pour l’Église, pour une communauté. Elle peut brouillard le cœur et l’âme, et l’empêche de vivre pleinement. Ce peut être aussi une drogue parce que si tu la goûtes souvent, cela te plaît. Et tu finis comme un « dépendant triste », un « dépendant de l’acédie » …
La seconde leçon est évidente : le culte envers Dieu est important. Il faut monter au Temple pour prier, comme l’a fait notre malade après sa guérit et comme Jésus l’a fait aussi. Il faut nous réunir pour rendre grâce, pour célébrer, pour partager. Mais cela n’a de sens que si nous sommes d’abord passé par les périphéries, si nous avons manifesté de la bonté et de la tendresse pour nos frères et à nos sœurs.
P. André SJ