Combien de fois a-t-on présenté Dieu comme le Maître tout-puissant, dominant toutes choses et surveillant tous nos gestes pour nous punir ou nous récompenser? Transcendant, au-delà de toute la création, Dieu serait insensible à nos misères et à nos souffrances. Il serait un Dieu impassible. Certains passages de l’Ancien Testament, repris par le Judaïsme et l’Islam, ne le décrivent-ils pas comme un Seigneur qui se venge et qui punit! “Dieu est grand!”, s’écrient régulièrement nos amis musulmans.
Dieu qui pleure!
En contraste avec cette représentation de Dieu, son Fils Jésus, en qui il est parfaitement présent, s’apitoie et pleure sur Jérusalem et sur son peuple. Pleurer est l’expression d’une peine intense. Dieu en Jésus souffre du sort tragique qui attend le peuple qu’il a choisi. Il pleure, comme des parents inconsolables devant la tragique destinée d’un enfant qui a choisi la voie du malheur, un chemin qui mène à sa destruction.
Jésus nous a révélé que Dieu n’est pas le Maître impitoyable que nous avions caricaturé, un Baal qui exige des victimes pour apaiser sa colère. Il est l’Amour, qui se donne, qui s’implique dans notre histoire et qui est solidaire avec nous.
Un reproche dans les larmes!
Ce que Dieu a voulu accorder à ses enfants par son Fils, le Christ, c’est la paix, l’épanouissement dans l’harmonie de notre personne, en accord avec l’univers qui nous entoure et, surtout, en communion avec Celui qui nous a donné la vie. À la naissance de Jésus, la troupe nombreuse des anges louaient Dieu: “Gloire à Dieu…et paix sur la terre pour ceux qu’il aime.” (Luc 2,14)
Pour accueillir la paix, il faut s’ouvrir à la visite de Dieu, au signe de sa présence dans son Envoyé. Si ce signe nous déconcerte, il est tentant de ne pas le voir et même de l’écarter. Nous préférons notre rêve humain, un avenir facile et prestigieux, sans la croix. Le peuple, au temps de Jésus, rêvait d’un Messie libérateur, d’un chef de guerre, qui écraserait les occupants romains. Au lieu de cette figure triomphante, Jésus entre à Jérusalem en toute humilité, sur un âne, la monture des pauvres.
“Tu ne l’as pas reconnu”
Tout au long de l’histoire du salut, la visite de Dieu signifie le bonheur pour son peuple. Ce qui est terrible, c’est l’absence du Seigneur. Dans sa tristesse, Jésus reproche à Jérusalem de ne pas avoir reconnu “le moment où Dieu te visitait.” Au début et à la fin de cette scène, le même reproche revient: “Tu n’as pas reconnu” ton Dieu. Tu n’as pas reconnu son visage, qui n’était pas celui que tu voulais. Tu désirais lui imposer une figure et une intervention fulgurantes, que ton égoïsme projetait sur Lui. Au lieu de la vengeance et de la force militaire, il venait servir par amour.
En ne le reconnaissant pas, Jérusalem l’a rejeté comme un faux prophète et cloué sur une croix. Sur cette croix, Jésus, le Serviteur de Dieu, mourait nu, dans une pauvreté totale, dépourvu de toute force. C’est dans ce dénuement que son amour déployait sa toute-puissance. Ayant refusé Dieu qui se présentait dans la pauvreté et l’humilité, Jérusalem, et toute personne qui ne le reconnaît pas, se replie dans la solitude de son dénuement, victime sans protecteur des ennemis qui l’écraseront. En refusant Dieu, tel qu’il se présente, pour préférer ses rêves, Jérusalem et toute personne humaine se condamne elle-même.
Conclusion
À chaque étape de notre existence, nous avons à choisir: préférons-nous nos rêves, inspirés par notre étroitesse d’esprit et notre égoïsme, ou bien l’idéal de vie et de joie que le Seigneur veut pour chacun(e) de nous? Préférons-nous nos projets superficiels et immédiats, avec leurs déformations et leurs limites, ou bien le mystère infini de Dieu, qui suscitera toujours en nous le vertige de l’émerveillement?
Jean-Louis D’Aragon SJ