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12e Semaine Ordinaire

2021/06/25 – Mt 8, 1-4

By dimanche 13 juin 2021No Comments

Après son long message inaugural, dans lequel il annonçait le bonheur, la joie et la vie (Mt, chap. 5, 6 et 7), Jésus montre maintenant par des guérisons que le royaume de Dieu est proche. Une série de dix signes (chap. 8 et 9) attestent que le Seigneur intervient pour sauver les humains: « Ta foi t’a sauvé » (Luc 7,50). L’attitude requise : avoir confiance et accueillir la miséricorde du Dieu vivant, qui ressuscite et rénove le monde. « Une foule de gens » (Mt 7,28s) suivent Jésus, impressionnés par son enseignement proclamé d’autorité. Mais leur enthousiasme est superficiel, il n’a pas de profondeur. Aussi leur admiration n’aura qu’un moment.

À l’époque de Jésus, la lèpre était la plus terrible des maladies. Elle réduisait le malade à l’état d’une épave hideuse, dont l’apparence devenait répugnante. Peu à peu, des ulcères couvraient entièrement le lépreux, qui perdait toute sensibilité et l’usage de ses membres. Selon le genre de lèpre, le malade pouvait souffrir durant une vingtaine d’années avant de mourir. Durant toutes ces années, il survivait à l’état de mort vivant.

La condition physique du lépreux était terrible, mais la réprobation morale était pire, car la société réprouvait son impureté morale et elle lui imposait l’isolement, à l’écart des villes et des villages. Une fois que le prêtre avait constaté la lèpre, il bannissait le malade, qui vivait dans la solitude. « Il faut que l’homme atteint de la lèpre porte des vêtements déchirés, ne se coiffe pas et se couvre le bas du visage. Il doit crier: ‘Impur! Impur!’ Il est impur aussi longtemps qu’il est atteint de son mal; c’est pourquoi il doit avoir sa demeure à l’écart des autres gens, en dehors du camp » (Lév 13,45s).

Le mot « impur » signifie bien la dépravation morale du lépreux; la répugnance de son physique manifestait ses péchés. Comme cette époque ne distinguait pas l’âme du corps et que l’on considérait la personne humaine comme un tout unifié, l’état physique révélait le moral. D’où la réprobation populaire repoussait un lépreux, plus que la crainte de la contagion. C’est pourquoi ce n’était pas le médecin qui prononçait un verdict sur le lépreux, mais le prêtre.

Ce personnage répugnant s’approche de Jésus, contrairement à la défense que la loi lui imposait. Il croit que celui qui peut le guérir est là, tout proche. La guérison est à sa portée. Entre la prescription de la loi, d’un côté, et le salut en Jésus, de l’autre, sa confiance au Seigneur lui indique le choix de la vie. Sa condition de marginal et de reclus le rend humble, « Il se met à genoux devant Jésus ». Il n’ose pas demander directement « guéris-moi », mais il implore discrètement, « Maître, si tu le veux. » Il est le modèle de nos demandes au Seigneur, qui devraient toujours être au conditionnel « Si c’est votre sainte volonté. » Notre prière a toujours pour but ultime de conformer notre volonté à celle de Dieu, dans la foi qu’il veut notre bonheur mieux que nous.

De son côté, Jésus n’hésite pas à enfreindre la loi, qui défendait d’approcher et surtout de toucher un lépreux. La condition de péché se transmettait à celui qui touchait un lépreux ou même un mort. Celui qui commettait cette faute devait se purifier pendant une semaine. Par compassion, Jésus partage la condition d’impureté légale du lépreux en le touchant. La bonté l’emporte sur le légalisme.

En accord avec la demande d’être purifié, Jésus déclara avec une autorité souveraine: « Je le veux, sois pur. » Cette volonté de salut se réalise à l’instant, « L’homme fut purifié de sa lèpre. » Jésus se conforme cependant à la loi, qui exige la déclaration du prêtre pour que le lépreux guéri puisse reprendre une vie normale au milieu des siens. De plus, il doit offrir un sacrifice pour remercier Dieu de sa guérison. Le Livre du Lévitique (14, 1-32) décrit en détail cette cérémonie de la réintégration du lépreux purifié.

La lèpre n’est pas un phénomène isolé, mais elle atteint toute la personne qui souffre de cette infection. Le physique ne peut être séparé de l’intérieur, du cœur, car on ne distingue une partie de l’autre dans l’être humain, qui forme un tout uni. La dimension morale éclipse alors l’aspect physique, qui n’est qu’une manifestation extérieure de l’intérieur de l’homme. Aussi les guérisons de Jésus ne concernent pas seulement un membre de l’infirme, mais elles signifient le salut complet de la personne, sa restauration et sa résurrection.

On pourrait penser qu’un tel récit se limite à une époque lointaine, puisque la lèpre n’existe plus de nos jours, sauf dans quelques contrées en voie de développement. Mais c’est oublier que la lèpre est une forme particulière du mal qui dégrade la personne humaine. Le mal peut prendre, malheureusement, de multiples autres formes: l’alcoolisme, la drogue, le sida,… Il serait injuste d’assimiler ces esclavages, comme autrefois, au péché et à la séparation de Dieu, la source de la vie. Mais tout le monde constate que ces malheurs avilissent l’être humain, le détruisent et le mènent à la mort. Comme pour le lépreux, la guérison est possible pour tous, à toutes les époques. Le Seigneur a transmis à ses disciples son pouvoir de libération: « Guérissez les malades de cette ville » Luc 10,9). À travers les soixante-douze disciples, le Ressuscité ordonne à tous les siens et à son Église d’être ses instruments de guérison: « Ils poseront leurs mains sur les malades et ceux-ci seront guéris » (Marc 16, 18).

Jean-Louis D’Aragon SJ