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7e Semaine de Pâques

2021/05/17 – Jn 16, 19-33

By mercredi 19 mai 2021No Comments

Le passage d’évangile qui nous est proposé aujourd’hui précède la célèbre « prière sacerdotale » couvrant tout le chapitre 17 et suivie de l’arrestation de Jésus. Nous atteignons la conclusion du « testament de Jésus » à ses disciples avant de se tourner définitivement vers son Père. Les disciples s’étonnent de l’entendre s’exprimer enfin dans un langage compréhensible : « Voici que maintenant tu parles ouvertement et que tu abandonnes tout langage énigmatique… » On a envie de leur dire : mieux vaut tard que jamais! Puis, ils font une profession de foi bizarre qui ruine ce sentiment de soulagement: « C’est bien pourquoi maintenant, nous croyons que tu es sorti de Dieu. »  Ce « maintenant » répété à deux reprises cache une fanfaronnade et un reproche à Jésus. En termes clairs, la remarque des disciples pourrait se formuler ainsi : « Si tu avais parlé sans énigmes dès le début, il y a longtemps que la foi se serait emparée de nous! » À cela, Jésus répond par une mise en garde semblable à un coup d’épingle qui dégonfle un ballon : « Croyez-vous à présent? Voici que l’heure vient où vous serez dispersés, chacun allant de son côté, et vous me laisserez seul. »

Ainsi ramenés à l’humilité, les disciples n’ajoutent rien. Ils comprennent peut-être que la foi n’est pas un objet qu’on possède définitivement : il s’agit d’un dynamisme, d’un chemin sur lequel on avance, parfois péniblement et à tâtons, comme en pleine nuit; un chemin sur lequel on peut même se perdre sans retour. Je me souviens d’un professeur de théologie qui, parlant de l’époque où lui-même était encore étudiant, relatait le drame de l’un de ses formateurs qui avait « perdu la foi ». Il en parlait comme d’un malheur sans nom, comme si le sol s’était effondré sous les pieds de ce pauvre homme qui avait pourtant usé ses jours à scruter les Écritures, à les courtiser pour en saisir le sens.

L’avertissement que Jésus sert à ses disciples n’est pourtant pas destiné à provoquer une crise de panique ou de culpabilité. Il ne leur dit pas que leur dispersion sera une trahison honteuse : il les rassure en affirmant que même quand ils déserteront temporairement, il ne sera pas complètement abandonné au moment de l’épreuve suprême: « Je ne suis pas seul, le Père est toujours avec moi. » Il prévient les disciples qu’à leur tour, ils auront à souffrir dans le monde. Paradoxalement, il affirme tout cela pour qu’ils aient la paix. Supposons qu’il sous-entend ce que suggère le dicton : « Un homme averti en vaut deux ». Ensuite, il leur promet la victoire : « Courage, j’ai vaincu le monde. »

Si par « monde » Jésus entend la puissance du mal, nous pourrions encore, nous à qui ces paroles sont adressées aujourd’hui, être plongés dans la perplexité. De toute évidence, le mal est toujours triomphant : dans nos guerres imbéciles, dans l’indicible détresse des exclus de toutes sortes, dans les mensonges que nous fabriquons pour justifier notre inhumanité… Que peut bien signifier cette affirmation péremptoire, « j’ai vaincu le monde »? Origène à qui n’a pas échappé l’ironie de cette déclaration risqua l’explication suivante : sur la croix, Christ a infligé un coup fatal à l’antique serpent, mais ce dernier n’a pas encore rendu l’âme. Le mal qui nous environne représente les spasmes de sa longue agonie.

Une telle interprétation signifie en fait que la phrase de Jésus est à prendre au futur : le monde sera vaincu! C’est une déclaration eschatologique. Le serpent aux reins déjà cassés rendra l’âme à la fin des temps et le mal n’aura pas le dernier mot. Mais en attendant, l’endurance et la persévérance s’imposent, d’autant plus que « nul ne connaît le jour ni l’heure ». Car l’heure johannique n’est pas seulement celle où le Fils d’amour passa de ce monde à son Père, c’est aussi celle de son retour dans la gloire pour tout réconcilier en lui. Alors seulement, toute larme sera essuyée.

Melchior M’Bonimpa