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Lc

[:en]2023/03/13 – Lc 4, 24-30

By 2024-01-04janvier 14th, 2024No Comments
[:en]Je me souviens de ce texte dont j’ai déjà fait un commentaire il y a quelques « lundis ». Je suis tenté d’aller voir dans mes archives pour répéter ce que j’ai dit à cette occasion, mais je résiste, par respect pour une vieille dame d’origine africaine, immigrée quelque part en Occident, résidant tout près d’une église, et qui trouve que c’est une aubaine de pouvoir aller à la messe chaque jour. Elle n’aimerait probablement pas que son curé lui répète la même homélie si un texte d’évangile revenait à quelques semaines d’intervalle (à supposer que ce curé s’impose l’obligation de faire une homélie pour chaque jour de la semaine, même quand l’assistance se ramène à quelques personnes âgées).

Dans la liturgie d’aujourd’hui le choix du passage de l’évangile a certainement été motivé par le fait qu’on y trouve un écho de la première lecture : « Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël; pourtant aucun d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman, un Syrien. » La première lecture porte justement sur l’histoire de Naaman, brillant général du roi de Syrie, mais affligé d’une maladie « honteuse » : la lèpre.

Je suis sûr que dans la plupart des pays de vieille chrétienté, les fidèles qui lisent ou entendent ce texte n’ont jamais vu un lépreux. C’est une maladie vaincue depuis des lustres dans les pays développés parce qu’on a trouvé le remède qui la guérit. Pourtant, il y a encore des millions de lépreux dans le Tiers-monde. Et, comme au temps de Naaman ou de Jésus, là où elle sévit encore, cette maladie peu contagieuse est associée à l’impureté. On isole le lépreux. On passe loin de lui, même quand on a la preuve qu’il ne contamine pas les personnes de son entourage. Car la superstition a la vie dure!

À ce propos, je me souviens d’un vieux missionnaire européen qui, au temps de mon enfance, avait choisi de vivre dans une caravane motorisée qui lui servait à la fois de maison et de dispensaire. Il parcourait le pays pour aller à la rencontre des lépreux afin de les soigner. Il était le seul à ne pas avoir peur de les approcher. Tout le monde pouvait constater que ce missionnaire n’attrapait pas la lèpre. Les enfants n’avaient pas peur de se régaler des bombons qu’il leur donnait après s’être occupé des lépreux. Et pourtant, cela ne suffisait pas pour convaincre les gens de l’inutilité d’ostraciser ces malades. On croit toujours qu’une malédiction pèse sur eux.

La lèpre inflige des stigmates spectaculaires et indélébiles au corps de ceux et celles qui en sont atteint. Elle les rend physiquement « différents ». Et comme la différence fait toujours peur, les lépreux ont toujours été repoussés « hors du camp », hors de la cité des humains normaux : mis au ban de la société. On pourrait croire qu’heureusement, l’humanité devenue adulte, au moins dans les sociétés les plus « avancées », a bel et bien dépassé ce genre de comportement. Or, les « stigmatisés » existent encore, dans toutes les sociétés. Ils habitent les « banlieues» difficiles et explosives des grandes villes européennes comme Paris. Le mot « banlieue » a justement conservé la connotation de « mise à l’écart » : le « ban » à une « lieue » de distance de la ville. L’Amérique du Nord avec ses banlieues cossues pourrait croire que le problème est derrière elle, mais ses centre-ville  constituent la nouvelle zone que hantent les stigmatisés : les drogués, les prostituées, les déclassés de toutes sortes, qui n’ont pas, comme Naaman le Syrien, les moyens de se payer un long voyage pour une plongée purificatrice dans le Jourdain. Partout donc, la lutte contre l’exclusion doit continuer.

Melchior M’Bonimpa